Les Algériens se sentent floués : Bouteflika, rusé, prolonge son mandat

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Par Joël Chatreau
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La joie du lundi soir se transforme en réalisme ce mardi matin en Algérie. L'air de rien, en annulant l'élection présidentielle et en la repoussant à une date tout à fait incertaine, Abdelaziz Bouteflika peut se maintenir au pouvoir encore un bon moment. Beaucoup de protestataires se sentent floués.

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Après les concerts de klaxons et les explosions de joie dans les rues de la capitale et d'autres grandes villes d'Algérie, la nouvelle du renoncement d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel a été digérée, la nuit a porté conseil, et ceux qui protestaient depuis trois semaines maintenant ont finalement eu l'impression de se réveiller ce mardi avec une sorte de "gueule de bois". Oui, car rien n'est vraiment réglé politiquement pour le futur proche, et paradoxalement, le président sortant va encore rester un bon moment au pouvoir en prolongeant son mandat actuel, le quatrième.

Dans son message à la Nation, lu lundi soir sur les antennes des médias officiels, Abdelaziz Bouteflika a au moins été clair sur deux choses : "Il n'y aura pas de cinquième mandat", a-t-il annoncé, et "il n'y aura pas d'élection présidentielle le 18 avril prochain". Autrement dit, il peut rester tranquillement à son poste au-delà de l'expiration du temps légal, prévu le 28 avril prochain.

A noter qu'à cette occasion, le chef de l'Etat, âgé de 82 ans, a fait une réapparition publique, fait tellement rare depuis des années (voir ci-dessous), aux côtés du chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah. Le président Bouteflika vient de passer deux semaines dans un hôpital de Genève, en Suisse.

"La dernière ruse de Bouteflika"

Quant à la date du scrutin présidentiel, elle reste totalement floue. Le pouvoir algérien évoque une "conférence nationale inclusive et indépendante (...) représentative de la société algérienne", qui, affirme-t-il, fixera la prochaine présidentielle. Cette mystérieuse conférence devrait, précise-t-il, "compléter son mandat (de l'élection) avant la fin de l'année 2019". Voilà qui laisse pas mal de temps aux autorités pour se retourner...

Le texte intégral du message présidentiel est publié par El Watan :

Le quotidien El Watan n'y va donc pas par quatre chemins, écrivant à sa Une : "Il annule la présidentielle mais reste au pouvoir : la dernière ruse de Bouteflika". Le média indépendant en ligne TSA Algérie est moins offensif, mais appelle à la prudence : "Les Algériens doivent se montrer vigilants pour ne pas se faire confisquer leur belle et joyeuse révolution qui commence à émerveiller le monde", peut-on lire sur son site.

"Il n'y a pas de base légale (constitutionnelle)"

Il faut souligner que le message du président sortant ne fait référence à aucune loi, à aucun article de la Constitution algérienne qui pourrait appuyer le report du scrutin présidentiel. "Il n'y a pas de base légale pour reporter les élections", a expliqué à l'Agence France-PresseFatiha Benabou, professeur à l'Université d'Alger, experte en droit constitutionnel. "En cas de crise politique, poursuit-elle, la Constitution algérienne est partiellement ineffective".

Dans une vidéo postée sur internet, Ali Benflis, un ancien Premier ministre de Bouteflika qui est devenu l'un des ses principaux opposants en créant son propre parti, Talaie El-Hurriyet, estime que "l'allongement du quatrième mandat est une agression contre la Constitution par les forces non constitutionnelles (allusion aux conseillers de l'ombre qui entourent le président, en premier lieu son frère Saïd)". Sur les réseaux sociaux circulent déjà des appels à la mobilisation pour participer à de nouvelles grandes manifestations vendredi prochain dans tout le pays.

Commentaire TV de Julien Pavy

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