L’Euro: Un mensonge et ses conséquences ǀ Point de vue

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Tous droits réservés REUTERS/Kai Pfaffenbach
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Par Nathalie Janson
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Pourquoi, 20 ans après la naissance de la zone Euro, les citoyens sont-ils si mécontents et prêts à blâmer la BCE pour les mauvaises performances économiques de leur pays et l'absence d'un avenir prometteur ?

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Au cours de la dernière décennie, une colère croissante s’est développée contre l'Euro et l'establishment de l'Union européenne. Ce ressentiment a provoqué la montée du populisme à travers le continent et a conduit à des résultats regrettables comme l'élection de Tsipras en Grèce, le Brexit au Royaume-Uni, l'improbable coalition italienne entre le parti nationaliste et le parti Cinque Stelle et le vote accru pour les partis nationalistes européens comme en Autriche, en Espagne et en France.

Il n'est pas vrai que nous pouvons tout avoir. Comme le dit la formule en économie, il n'y a pas de repas gratuit. La stabilité monétaire a un coût : la discipline budgétaire!
Nathalie Janson
Enseignant-chercheur en économie

Pourquoi, 20 ans après la naissance de la zone Euro, les citoyens sont-ils si mécontents et prêts à blâmer la BCE pour les mauvaises performances économiques de leur pays et l'absence d'un avenir prometteur ? La réponse se trouve sans doute dans l’écart entre les attentes nourries à l’égard des effets de l’Euro et les réalisations.

"Le plus difficile sera le passage à l'Euro" - C'était la promesse des politiciens !

Selon la théorie des zones monétaires optimales, pour qu’une monnaie commune produise les effets bénéfiques attendus dans les pays membres, la zone monétaire doit être caractérisée par un marché du travail flexible, une mobilité élevée des facteurs de production, des prix flexibles et un système de transferts fiscaux entre pays membres à défaut d’avoir des cycles économiques synchronisés. Malheureusement les 11 pays européens disposés à adopter une monnaie commune à l’origine du projet de l’Euro - Belgique, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne - ne remplissaient pas ces prérequis.

L'Euro a été lancé manifestement comme un projet politique. Pour y parvenir, les onze pays européens fondateurs de la monnaie commune ont ratifié le traité de Maastricht et ont adopté les critères de Maastricht - sauf le Royaume-Uni, non membre de l’Euro - pour forcer leurs économies à synchroniser leurs cycles économiques afin de réussir le test d'entrée. Pour le réussir, les pays devaient avoir un déficit budgétaire/PIB inférieur à 3 %, une dette/PIB inférieure à 60 %, une inflation moyenne inférieure ou égale à 1,5 point de pourcentage au-dessus du taux des trois États membres les plus performants, un taux d'intérêt inférieur ou égal à 2 points de pourcentage au-dessus du taux des trois États membres les plus performants et une participation au Système monétaire européen (UEM) depuis au moins deux ans sans dévaluation.

Ironiquement, en 1998, le Royaume-Uni a été le seul pays à réussir le test, mais n’avait aucune intention de rejoindre l’Euro. À l'époque, l'accord était clair pour chacun des 12 pays : leurs gouvernements devaient tout mettre en œuvre pour adopter l’Euro et ils l'ont fait, quitte à tordre les critères de Maastricht. La première étape était censée être la plus difficile. Une fois les conditions requises satisfaites, la monnaie unique ne devait qu’engendrer des bénéfices. C’est ainsi que les pays membres devaient désormais vivre une merveilleuse vie au pays de l’Euro. Malheureusement les choses se sont avérées bien différentes. Les politiques économiques qu’il a fallu mettre en œuvre pour entrer dans la zone Euro devaient en réalité être poursuivies pour assurer le bon fonctionnement de l’Euro. C'est là l’origine du quiproquo !

Dans la vie il faut choisir : la stabilité du mark allemand ou sa propre politique fiscale ?

L'Euro est essentiellement la version politiquement correcte du deutschemark. Le grand malentendu concerne les politiques économiques à mettre en œuvre pour assurer la stabilité de la zone monétaire commune. En d'autres termes, si le projet est de partager une monnaie commune capable de concurrencer le dollar au niveau international, il est impératif de mener une politique monétaire neutre ce qui implique de mener une politique budgétaire relativement conservatrice, plus communément appelée orthodoxe.

Cela signifie que les gouvernements de la zone Euro n'ont d'autre choix que de contenir les dépenses publiques. En effet, les règles qui s’appliquent à une zone monétaire commune ne sont guère différentes de celles d'un système de taux de change fixe. La perte de souveraineté monétaire réduit la possibilité pour les pays membres de soutenir une expansion de la politique budgétaire.

Comme la monétisation de la dette publique n'est plus possible, les gouvernements n’ont d’autre choix que de financer leur déficit soit en augmentant leurs recettes fiscales, soit en émettant des obligations sur le marché international. Les recettes fiscales n'augmentent que si les dépenses publiques génèrent elles-mêmes une croissance suffisante, comme le prévoit le multiplicateur fiscal, ce qui est loin d’être le cas. L'émission d'obligations pour financer le déficit suppose qu’il existe des investisseurs prêts à les acheter à un prix raisonnable, sinon se pose la question de la charge de la dette. La marge de manœuvre laissée aux gouvernements dépensiers se réduit donc considérablement.

La zone Euro et la théorie du passager clandestin

Néanmoins, peu après l'adoption de l'Euro, la tentation de continuer à dépenser a été forte, d'autant plus que certains membres de la zone Euro bénéficiaient de taux d'intérêt réduits. En effet l'Euro était une monnaie de meilleure qualité que leur monnaie nationale d’origine. C'était particulièrement vrai pour les pays du sud de l'Europe dont les monnaies avaient une longue histoire de dévaluation. Le risque d’avoir des passagers clandestins au sein de la zone Euro était réel.

Consciente de ce problème, l'Allemagne a insisté sur l'application du pacte de stabilité – déficit public inférieur à 3% du PIB et dette publique inférieure à 60% du PIB - pour s'assurer que les pays membres de l'Euro poursuivent leurs efforts et mettent en œuvre des politiques économiques convergentes de manière à synchroniser leurs cycles économiques. L'Allemagne a eu raison de s'inquiéter. La Grèce a joué le rôle du passager clandestin et a fait défaut malgré l'existence du pacte de stabilité parce que les investisseurs ont considéré alors qu’un pays en difficulté serait forcément secouru.

Malgré la crise de la dette souveraine Européenne, tous les gouvernements de la zone Euro ne partagent pas le point de vue allemand. Au contraire, certains membres de la zone euro continuent de reprocher à l'Allemagne et à la Banque centrale européenne (BCE) de ne pas les laisser dépenser comme ils l'entendent, faisant valoir que le pacte de stabilité est le principal obstacle à la reprise économique de leur économie. Cet argument est souvent entendu en France. La vérité est que les gouvernements de la zone Euro ne peuvent plus décider en toute indépendance leur propre politique budgétaire. Cette réalité doit être explicitement assumée par les gouvernements et expliquée à leur population. Il n'est pas vrai que nous pouvons tout avoir. Comme le dit la formule en économie, il n'y a pas de repas gratuit. La stabilité monétaire a un coût : la discipline budgétaire! 

Nathalie Janson est enseignant-chercheur en économie à NEOMA Business School.

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