Cannes 2019 : les 10 meilleurs films européens à déguster

Cannes 2019 : les 10 meilleurs films européens à déguster
Par Frédéric Ponsard
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Le cinéma européen est plus vivant que jamais, et la sélection du 72ème Festival de Cannes le démontre. Frédéric Ponsard est sur place pour Euronews, il a fait sa propre sélection : 10 films qu'il vous conseille ardemment de voir.

PUBLICITÉ

Nous avons choisi de vous parler de 10 films européens présentés au 72ème Festival de Cannes, toutes sélections confondues. 10 films à ne manquer sous aucun prétexte. 10 films qui représentent le cinéma européen d'aujourd'hui et de demain.

La Gomera (Les Siffleurs), Corneliu Porumboiu (Roumanie)

Résumé :

Cristi, un inspecteur de police de Bucarest corrompu par des trafiquants de drogue, est soupçonné par ses supérieurs et mis sur écoute. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit apprendre vite le Silbo, une langue sifflée ancestrale. Grâce à ce langage secret, il pourra libérer en Roumanie un mafieux de prison et récupérer les millions cachés. Mais l’amour va s’en mêler et rien ne se passera comme prévu… De Bucarest aux Canaries, Porumboiu nous emmène sur les traces d'un policier dépassé par les événements mais qui ne perdra jamais son sang-froid.

Notre avis :

Corneliu PorumBoiu s'était fait remarqué dès son premier film, 12h08 à l'est de Bucarest en 2006 en remportant à Cannes la prestigieuse Caméra d'or. Depuis, son talent ne s'est pas démenti et le voici en compétition pour la Palme d'or pour la première fois avec ce polar brillant et nerveux à voir absolument. Il fait partie avec Cristi Puiu et Cristian Mungiu de cette génération roumaine de cinéastes que l'on a assimilé à la Nouvelle Vague pour leur réalisme social.

Aujourd'hui Porumboiu est détaché de cette étiquette et fait un cinéma personnel et puissant. Au delà d'une narration complètement maîtrisée et à tiroir, la photographie est de toute beauté, qu'il s'agisse des extérieurs en Espagne ou des intérieurs roumains. Et l'on retrouve au détour d'une scène ou d'un dialogue ce qui fait la marque d'un cinéaste : l'humour et la distanciation. Les Siffleurs est un grand film qui dépasse le genre du polar.

Little Joe de Jessica Hauser (Autriche/UK)

Résumé :

Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne de talent qui vient de mettre au point une nouvelle plante stérile, mais qui est censée dégagé un pollen qui rend les gens plus heureux. Avant sa mise sur le marché, une batterie de tests est nécessaire. Elle enfreint les règlements sanitaires en rapportant une plante chez elle et la confie à son fils Joe. La plante est baptisée Little Joe. Bientôt, des troubles du comportement vont apparaître chez son fils et tout ceux qui approchent la plante...

Notre avis :

Entre film d'anticipation et drame psychologique, Jessica Hauser livre un film où l'étrange et le sentiment d'insécurité sont présents de bout en bout. On pourrait se croire dans un épisode de Black Mirror, dans un futur proche qui ressemble tellement à aujourd'hui. Au centre du propos, la manipulation génétique et l'éternel désir prométhéen de l'homme à jouer à l'apprenti sorcier. Le film est aussi une exploration de la psyché d'une mère qui doit couper le cordon ombilical malgré elle, et une métaphore de l'effet à long terme des anti-dépresseurs. Faut-il vivre toutes ses émotions ou mieux vaut en être anihilé pour vivre plus sereinement. Little Joe apporte à ses questions des réponses glaçantes... Un film troublant qui ne peut laisser indifférent.

Les Misérables de Ladj Ly (France)

Résumé :

Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes. C'est le début d'une course-poursuite pour récupérer les images filmées par le drone de Buzz, un jeune du quartier...

Notre avis :

C'est l'une des révélations incontestables du Festival de Cannes. Pour son premier film de fiction, Ladj Ly parle d'un quartier chaud de la banlieue parisienne, qu'il connaît par coeur pour y avoir grandi et vécu. Sa force est de ne pas prendre partie pour l'une ou l'autre des forces en présence. D'un côté, des policiers de la Brigade anti-criminelle (BAC) chargé de faire régner l'ordre dans la cité et, de l'autre, ceux qui habitent la cité, et notamment les jeunes, en première ligne pour se confronter à l'autorité, que cela soit celle des parents ou celle de la loi. Un grand film social, mais aussi une histoire palpitante, qui se déroule en une journée , et où l'on passe du rire au drame en une fraction de seconde, une tension qui va crescendo jusqu'à la scène finale, inoubliable. Une forme virtuose dans la mise en scène, au service d'une condamnation implacable de la violence. Amazon ne s'y est pas trompé et a déjà acheté les droits du film pour les Etats-Unis.

Sorry We Missed You de Ken Loach (UK)

Résumé :

Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Abby travaille pour des personnes âgées à domicile à son compte, multipliant les heures et Ricky achète une franchise (un erzatz d'Amazon!) pour devenir chauffeur-livreur. Il doit acheter sa propre camionnette et, même s'il est censé être indépendant, il est soumis au diktat de sa maison-mère qui l'exploite un peu plus de jour en jour... Jusqu'au moment où tout va craquer, dans le job comme dans sa famille.

Notre avis :

Ken Loach revient pour la quatorzième fois sur la Croisette, après y avoir remporté deux Palmes d'or et c'est, une fois de plus, complètement justifié. Son film est une dénonciation virulente du système capitaliste, de l'exploitation de l'homme par l'homme à l'ère de l'ubérisation de la société. Le regard de Loach est précis et implacable, ce qu'il décrit est extrêmement documenté et l'on rentre d'autant plus facilement dans la peau de son héros. Car ses personnages sont comme d'habitude des "Working Class Hero", obligés de se lever tôt et se coucher tard pour éponger leurs dettes. On est ému, on rit et l'on souffre, comme dans la vraie vie. Encore un grand film de Pappy Loach, 82 ans, mais aussi vert (et rouge).

PUBLICITÉ

Dolor y Gloria (Douleur et gloire) de Pedro Almodovar (Espagne)

Résumé:

Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, la Movida et Madrid du temps de la drogue et du travestissement. Mais aussi l’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à filmer... Et pourtant il tourne...

Notre avis :

C'est une sorte de film-somme de sa vie et son oeuvre que nous propose ici le grand Pedro. Un retour sur 50 ans de création et de passion pour le cinéma, pour ses héroïnes (de préférence avec des destins tragiques, de Marylin à Natalie Wood), mais aussi de son désir pour les hommes. Il n'y a pas de gloire sans zones d'ombres et douleurs, physiques ou psychologiques semble-t-il nous dire. Son univers est désormais installé, ses comédiens comme ses décors, donc pas de grande surprise de retrouver une ambiance très années 80, et quelques uns de ses acteurs fétiches, Penélope Cruz en mère aimante et aimée, et Antonio Banderas en double du réalisateur. Comme un film de famille où l'on rentre avec plaisir et mélancolie...

Le Daim de Quentin Dupieux (France)

Résumé :

PUBLICITÉ

Georges, 44 ans, quitte sa banlieue pavillonnaire et plaque tout du jour au lendemain pour s'acheter le blouson 100% daim de ses rêves. Un achat qui lui coûte toutes ses économies et vire à l'obsession. Cette relation de possessivité, de fétichisme et de jalousie finira par plonger Georges dans un délire très inquiétant. Une jeune femme va pourtant commencer à s'intéresser à lui, et semble se conduire en ange-gardien... Mais l'enfer n'est jamais loin.

Notre avis :

Il est en train de devenir un cinéaste culte tant son cinéma ne ressemble à aucun autre. Quentin Dupieux livre à chaque opus un OFNI (Objet Filmique Non Identifié) qui sort de son imagination débridée et sans limite. Mais la folie de son cinéma et l'absurdité de ses scénarios cachent des films complètement maîtrisés et l'on ne peut s'empêcher de penser à un David Lynch européen lorsqu'on évoque le cinéaste. Il y a en plus dans l'ADN de ses films un humour absurde qui renvoie aux Monty Python ou aux Nuls. Bref, quentin Dupieux est unique, et pourvu qu'il le reste ! Avec ce Daim-là, il semble bien parti...

Oleg de Juris Kursietis (Lettonie)

Résumé :

Oleg est un ouvrier letton qui part tenter sa chance en Belgique. Employé dans une usine de viande, il est accusé à tort d'avoir commis une faute, et perd son job. Une vague connaissance polonaise propose de l'aider et on lui présente Andrzej, qui lui est secourable dans un premier temps mais se révèle être un escroc minable. Oleg se retrouve entraîné dans une spirale qu'il n'a pas voulu et dont l'issue est incertaine...

PUBLICITÉ

Notre avis :

Oleg a été reçu comme un coup de poing à la quinzaine des réalisateurs, révélant un cinéaste venu de Lettonie et complètement inconnu de la carte du cinéma mondial. Sans effets spéciaux, mais avec une caméra portée toujours à hauteur d'homme, Juris Kursietis nous embarque avec Oleg dans sa clandestinité et une situation de plus en plus noire et dangereuse pour lui. Du cinéma direct et efficace pour nous mettre dans la peau de son personnage, avec aussi une empathie peu commune et des dialogues réduits, le cinéaste balte réussit à nous tenir en haleine tout au long du film.

Le Jeune Ahmed de Luc et Jean-Pierre Dardenne (Belgique)

Résumé :

Ahmed, 13 ans, passe de l'enfance à l'adolescence et son comportement va changer au contact de l'imam qui l'initie à un Islam rigoriste. Ses idéaux de pureté viennent se heurter aux contradictions d'une société dans laquelle il est complètement intégré. Son entourage et sa famille s'inquiètent lorsque son comportement et ses habitudes quotidiennes changent. Ecartelé entre sa foi instrumentalisée et ses désirs de jeune homme, Ahmed va devoir choisir sa voie...

Notre avis :

Les Frères Dardenne sont en lice comme Ken Loach (leur frère britannique, tant leur cinéma est proche) pour une troisième Palme avec un film qui leur ressemble en parlant de l'enfance fragilisée. Car plus qu'un film sur l'Islam radical, les frères wallons tiennent à rappeler que Le Jeune Ahmed est avant tout un film sur la jeunesse, l'éducation et le libre-arbitre. A nouveau, un film qui ne juge pas mais qui montre le déterminisme social, l'importance des relations familiales et du contexte social (et ici religieux) qui peuvent détourner l'individu de son humanité et de son lien à l'autre et à la société dans laquelle il vit. Encore un grand film palmable...

PUBLICITÉ

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (France)

Résumé :

1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent pour retourner sur son île bretonne chez sa mère. Mais Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret et sera introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie. Elle l'observe, la regarde, avec que leurs regards se croisent...

Notre avis :

Céline Sciamma n'est pas une inconnue et à 40 ans, elle est devenue, au fil de ses films, une figure incontournable du cinéma français et européen. Il s'agit de la première sélection en compétition officielle de la cinéaste. Un cinéma féminin, voire féministe dans lequel on retrouve ici son actrice fétiche, sa muse même qui est sa compagne à la ville, Adèle Haenel, déjà pressentie pour un Prix d'interprétation sur la Croisette. L'amour entre femmes n'a jamais été aussi bien filmé que dans ce Portrait d'une jeune fille en feu, subtil, délicat et troublant.

Il Traditore (Le Traître) de Marco Bellocchio (Italie)

Résumé :

PUBLICITÉ

Début des années 80, la guerre entre les parrains de la Mafia sicilienne fait rage. Buscetta, membre de la Casa Nostra, fuit l'Italie pour le Brésil. Arrêté puis extradé, il voit que ses proches sont menacés ou purement éliminés. Il va prendre une décision lourde de conséquence et inédite en se confiant au juge Falcone et devenir le premier repenti de l'histoire.

Notre avis :

A presque 80 ans, Marco Bellocchio est un monument du cinéma italien, ou de ce qu'il en reste. C'est un cinéaste de la révolte et de la transgression et ses films ont été annonciateurs et précurseurs des mouvements étudiants de la fin des années 60. Il a aussi défrayé la chronique en 1986 avec son adaptation du Diable au corps dans les années 80 et ses scènes sexuelles explicites. Avec Le Traître, il s'empare d'un des dossiers chauds de l'Italie contemporaine en brossant le portrait du premier repenti de la mafia. A nouveau un coup de pied dans la fourmilière...

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Les Misérables, un film coup de poing sur les banlieues

Werner Herzog explore la solitude des japonais dans un nouveau documentaire

Après l’attentat à Moscou, la peur d’une résurgence du terrorisme dans les pays européens