Elections européennes : percée inédite des Verts

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Tous droits réservés Ritzau Scanpix/Claus Bech
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Par Euronews
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Une percée qui concerne l'Allemagne, mais aussi la France et l'Irlande.

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Avec des scores à deux chiffres chez des poids lourds de l'UE, en Allemagne en particulier, les partis écologistes ont enregistré un succès historique aux Européennes, l'urgence climatique s'imposant comme un sujet crucial pour les électeurs.

Le bond des Grünen allemands à 20,9% est emblématique: le parti multiplie son résultat de 2014 par deux. En France, les écologistes sont 3e avec 12%. En Autriche, en Irlande, aux Pays-Bas leurs homologues sont aussi au-delà de 10%, et au Royaume-Uni comme en Belgique de scores importants sont attendus.

Les Verts pourraient même se retrouver en position de faiseurs de roi ou peser sur la composition de la Commission européenne et l'identité de son président, si ni le centre-droit (PPE) ni le centre-gauche (PSE) ne parviennent à obtenir une majorité absolue. Ce serait une première au parlement européen.

"On va vouloir avoir notre mot à dire", a d'ores et déjà glissé l'Allemand Cem Özdemir.

Interrogée à la télévision allemande, la cheffe de file des Verts européens a refusé de se prononcer sur sa préférence : "Ce qui nous intéresse, c'est que nos propositions" soient reprises, a martelé Ska Keller.

En tout cas, pour le vert néerlandais Bas Eickhout et la tête de liste des écologistes français, Yannick Jadot une chose est acquise: l'Europe a sa "vague verte".

Médias, observateurs et politiques en Allemagne ont une explication à cette percée: la menace climatique est devenue une thématique sociétale dominante et une source d'inquiétude croissante.

"C'est la première fois que le changement climatique joue un tel rôle dans une élection", a noté Robert Habeck, un chef des Grünnen.

Même analyse chez le Premier ministre français Edouard Philippe: "Partout en Europe nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, nous demandent d'agir avec détermination, c'est ce que nous ferons en France et en Europe".

Avant les élections en Allemagne, des enquêtes d'opinion montraient déjà que 68% des sondés jugeaient insuffisante l'action du gouvernement d'Angela Merkel. Il a échoué à atteindre ses objectifs climatique et peine toujours à ficeler sa stratégie en la matière, du fait notamment de la résistances des industriels et d'une politique énergétique trop dépendante du charbon.

Une priorité pour la jeunesse

L'analyse post-électorale de la télévision ARD montre que pour les électeurs en Allemagne cette thématique est devenue prioritaire : 46% d'entre eux ont dit que la question était centrale dans leur choix électoral, un bon de 26 points par rapport aux Européennes de 2014.

Dans l'électorat allemand, une rupture générationnelle se dessine par ailleurs, les Verts arrivant devant les conservateurs parmi les 18-44 ans quand la CDU-CSU de Mme Merkel domine chez les plus de 60 ans.

La mobilisation des jeunesses européennes tous les vendredis lors des "Fridays For future" autour de leur égérie suédoise Greta Thunberg en est une autre illustration.

Ce mouvement a revendiqué des centaines de milliers de manifestants vendredi dans une centaine de pays avec comme mot d'ordre de peser sur le scrutin des Européennes.

En Allemagne, des dizaines de YouTubeurs ont appelé le même jour leurs millions d'abonnés à voter contre les partis du gouvernement Merkel en raison de leur mauvais bilan en matière de climat.

Les élections "montrent que nous ne mettons pas la crise climatique seulement à l'agenda de la rue mais aussi dans les bureaux de vote", s'est félicitée la figure de proue des Fridays for Future en Allemagne, Luisa Neubauer.

"Ce résultat est une invitation à toute le spectre politique: attaquez-vous vraiment à la crise climatique", ajoute-t-elle sur twitter, "la planète se fiche de savoir si la protection du climat est de gauche ou libérale".

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Yannick Jadot, la vague verte "Made in France"

Il a créé la surprise en contribuant, au côté des Verts allemands, à la "vague verte européenne" ce dimanche. La tête de liste des écologistes, Yannick Jadot (EELV), s'est offert une inespérée troisième place avec environ 13% des suffrages.

Thème majeur des dernières semaines, l'écologie avait fait l'objet d'une tentative de préemption de la quasi-totalité des listes, à commencer par La France Insoumise, qui entendait remporter le match contre les troupes de Yannick Jadot. Son score est finalement inférieur de moitié.

La République en Marche (LREM) avait également fait des enjeux environnementaux l'un de ses principaux chevaux de bataille, en affichant quelques prises de guerre : l'ex-EELV Pascal Canfin, numéro deux de la liste Loiseau, ou le soutien de Daniel Cohn-Bendit.

"Ce score, ça veut dire qu'au fond, il n'y a pas eu d'évasion du vote écolo", note auprès de l'AFP Daniel Boy, directeur de recherches émérite à Sciences-Po, selon qui "c'est une très grande réussite". "Il y a eu une grosse mobilisation", poursuit ce spécialiste du vote écolo, "les électeurs ont préféré ceux qui ont toujours défendu l'écologie".

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La stratégie Jadot n'avait pourtant rien d'évident. Soucieux de prendre sa revanche sur la présidentielle de 2017, lorsqu'il avait dû se résoudre à faire une alliance avec le PS de Benoît Hamon, c'est en cavalier seul que les Verts avaient décidé de se lancer. Le résultat lui donne raison.

Pendant la campagne, Yannick Jadot s'était aussi attiré les foudres des tenants de l'orthodoxie écologiste pour avoir affirmé qu'il était disposé à travailler avec les bonnes volontés social-démocrates, libérales voire conservatrices.

"Les Françaises et les Français nous ont envoyé un signal très clair, ils veulent que l'écologie aussi soit au coeur du jeu politique, et ce message a été lancé dans toute l'Europe", a déclaré Yannick Jadot, en appelant à la "construction d'une alternative à la technocratie libérale et aux populismes".

Les Verts allemands ont quasiment doublé leur score à 20,5-22% (contre 10,7% en 2014). La mobilisation autour de la Suédoise de 16 ans Greta Thunberg, qui a rassemblé des centaines de milliers de jeunes Européens dans les rues ces derniers mois, a visiblement payé.

En France, le Premier ministre Edouard Philippe a d'ailleurs adressé un hommage indirect à EELV en disant avoir "reçu le message de nombreux Français sur l'urgence écologique".

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Au milieu de partisans euphoriques qui lançaient "On est plus chaud que le climat", Yannick Jadot a en outre annoncé la création d'un "Comité citoyen de surveillance et d'initiative sur l'Europe" qui devra réunir "les acteurs de la société civile, les syndicats, les scientifiques, les entreprises et les citoyens, afin qu'ensemble nous évaluions en permanence le travail des institutions européennes".

Mais c'est aussi sur le terrain de la politique nationale que les Verts entendent asseoir leur nouveau leadership à gauche.

EELV tient désormais la dragée haute à un PS en très petite forme, qui fait jeu égal avec la France insoumise (environ 6,5% chacun), et se retrouve au centre d'une gauche toujours convalescente, dont le potentiel électoral demeure particulièrement bas.

"Il faut nous dépasser pour bâtir le grand mouvement de l'écologie politique capable de conquérir le pouvoir", a exhorté dimanche soir Yannick Jadot, en promettant d'associer "tous ceux qui agissent et qui veulent transformer la société".

- Avec AFP -

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