Les précurseuses britanniques du football féminin face à la presse de l'époque

Match de football féminin en France en 1923
Match de football féminin en France en 1923
Par Nathan Joubioux
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En 1881 se jouaient les premiers matchs de football féminin de l'Histoire. Des rencontres qui se déroulaient dans des conditions pour le moins mouvementées...

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Attention archéologie footballo-journalistique ! Partons à la recherche de ce qui pourrait être le premier match officiel de football féminin, international de surcroît. Cible toute désignée, la presse britannique du XIXe siècle.

Malgré des origines troubles pouvant remonter jusqu’aux Grecs, aux Romains ou aux Chinois, c’est bien en Angleterre que le football trouve sa genèse. En 1848, les règles du collège de Cambridge posent les bases du football moderne. Et en 1863, d’anciens élèves de collèges anglais fondent la « Football Association », qui définit les règles que toutes les équipes devront suivre. Rien d’étonnant, dès lors, de trouver le premier match de football féminin de l’Histoire sur les terres britanniques.

Le 7 mai 1881, au stade d’Easter Road, à Edimbourg, deux équipes féminines se rencontrent pour la première fois. Ce match oppose l’Angleterre et l’Ecosse et se joue devant environ un millier de personnes. Le résumé de la rencontre que dresse deux jours plus tard le Glasgow Herald, à l'image de de la misogynie de l'époque, se concentre davantage sur les tenues des joueuses que sur le match en question. « Les jeunes femmes, qui devaient avoir entre 18 et 24 ans, étaient très bien habillées. Les Écossaises portaient des maillots bleus, des culottes blanches, des collants rouges, une ceinture rouge, des bottes à talon et un capuchon bleu et blanc. Leurs sœurs anglaises avaient des maillots blancs et bleus, des collants et une ceinture bleue, des bottes à talon, et un capuchon blanc et rouge ».

Le match, lui, se déroule sans encombre et ce sont les Ecossaises qui prennent le meilleur sur leurs voisines. Une victoire 3-0 et des réalisations de Lily St-Clair, Louise Cole et d’Emma Wright. Le Glasgow Herald conclut son article en précisant que « le match, d'un point de vue footballistique est un échec, mais certaines joueuses avaient l’air de comprendre le jeu ». Dans les tribunes, même constat. La plupart des spectateurs désertent les tribunes avant même la fin du match.

Une tournée compliquée

Neuf jours plus tard, un second match est organisé entre ces deux formations à Glasgow. Entre temps, certaines joueuses changent de camp, attestant ainsi que les équipes ne sont pas représentatives des pays qu’elles prétendent représenter. Le 20 mai 1881, le Notthinghamshire Guardian commence son papier de la façon suivante : « Ce qui sera probablement le premier et le dernier match de football féminin à Glasgow a eu lieu lundi soir au Shawfield Grounds ». De son côté, le Bell’s Life in London and Sporting Time n’oublie pas de souligner « l’ignorance extrême de ces filles », mais également celle des hommes désignés comme arbitres_,_ « encore plus ignorants des rudiments simples des règles de l’Association ».

A la 55e minute, le match, sans le moindre but, est arrêté pour envahissement du terrain. Une centaine de spectateurs bousculent violemment les joueuses. Ces dernières doivent se réfugier dans le bus qui les avait emmenées sur le terrain. Mais elles ne sont pas au bout de leurs surprises. La foule commence à détruire les poteaux et à les jeter contre le véhicule. Les policiers présents interviennent et doivent charger la foule pour éviter que les joueuses soient sévèrement touchées.

La suite de la tournée se déroule plus ou moins dans les mêmes conditions, toujours sous les railleries de la presse locale. Après le troisième match à Blackburn remporté 1-0 par les Anglaises, le Blackburn Standard ne se prive pas pour critiquer le jeu proposé. « Ces femmes ne jouaient pas comme une équipe. De plus, elles n’ont pas été entraînées pour courir avec un corset. Elles ne respectaient aucune position précise et aucune d'entre elle ne souciait guère, ni de ses partenaires, ni du score ». Une bataille rangée éclate même en fin de partie sur le terrain. La confusion est totale, les deux équipes quittent le stade en courant.

Des équipes absentes

Le 28 mai, à l’occasion de la quatrième rencontre, les quelques spectateurs présents dans les tribunes doivent retourner chez eux, déçus. Aucune joueuse ne se montre ce soir-là.

Elles ne s’arrêtent pourtant pas à ces échecs répétés et veulent continuer. Une victoire des Ecossaises est très peu relayée, suivie de deux nouveaux fiascos le 20 et 21 juin à Manchester (aucune des deux rencontres ne se termine). L’article du Manchester Guardian du 22 juin laisse même douter du déroulement du match de la veille. « Jouer au football – si taper une balle sur un terrain peut être décrit comme cela – a commencé plutôt à l’heure ». Une petite émeute met de nouveau un terme à la partie, bien avant les 90 minutes réglementaires.

Les deux derniers matchs de cette tournée, les 25 et 27 juin 1881, se déroulent beaucoup mieux. Deux victoires écossaises, des tribunes quasiment pleines et une fibre patriotique qui commence à vibrer.

REUTERS/Gonzalo Fuentes
Les tribunes du Parc des Princes pleines pour France-Corée du SudREUTERS/Gonzalo Fuentes

Aujourd’hui, le football féminin a bien évolué, dans les stades comme dans les consciences. En 2015, la Coupe du monde au Canada a attiré plus de 1 353 000 fans. Et le 7 juin dernier, plus de 45 000 spectateurs ont assisté au match d'ouverture de la Coupe du monde féminine, France-Corée du Sud, organisé à Paris au Parc des Princes. De bonne augure pour la suite de la compétition et pour le football féminin.

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