Le commissaire européen aux migrations dresse le bilan de son action

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Par Méabh Mc MahonEuronews
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Dimitris Avramopoulos, commissaire européen aux migrations : "l'Europe ne doit jamais devenir une forteresse".

La migration a été l’un des dossiers les plus sensibles de la Commission européenne dirigée par Jean-Claude Juncker au cours des cinq dernières années. Ce sujet a été géré par le Commissaire grec Dimitris Avramopoulos, en charge des migrations. Notre journaliste Méabh Mc Mahon l'a interrogé avant qu'il ne quitte ses fonctions. Il sera remplacé par l'un de ses compatriotes : Margaritis Schinas.

Méabh Mc Mahon : souvenez-vous, en 2014, au début de votre mandat, vous disiez face au Parlement européen que l'agenda de la migration pour la politique européenne serait un test crucial pour la légitimité de l'Europe. Pensez-vous que la Commission a relevé ce défi ?

Dimitris Avramopoulos : Nous ne sommes pas où nous étions il y a cinq ans, ce qui prouve que nous avons fait le travail. Les flux ont diminué, nos frontières sont mieux protégées. Nous avons mis en place de nouveaux mécanismes et renforcé les agences existantes telles qu'Europol et Frontex. À l’heure actuelle, Frontex n’est pas ce qu’elle était auparavant. Il est très difficile de convaincre 28 États membres, tout d’abord de coopérer et, d’autre part, de se faire confiance. C'est l'un des principaux problèmes de l'Union européenne aujourd'hui.

"L'Europe ne doit jamais devenir une forteresse. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1933 par Hitler"
Dimitris Avramopoulos
Commissaire européen aux migrations

Méabh Mc Mahon : vous avez mentionné l'agence de sécurité des frontières Frontex. Le budget 2020 prévoit de lui attribuer plus de 100 millions d'euros, afin de mettre plus de policiers aux frontières. S'agit-il un peu d'une Europe forteresse et si oui, s'agit-il simplement d'une réponse directe à ce que les gouvernements européens et leurs électeurs veulent ?

Dimitris Avramopoulos : L'Europe ne doit jamais devenir une forteresse. Je vais vous rappeler quelque chose. Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1933 par Hitler. Nous ne voulons pas de ce genre d’Europe, mais en même temps, nous devons protéger nos frontières. En ce moment, nous sommes vraiment dans un moment crucial. Jean Claude Juncker a déclaré il y a trois ans que nous traversons des moments existentiels. C'est vrai. La montée du populisme et du nationalisme constitue une grande menace. Ils ont gagné du terrain.

Méabh Mc Mahon : pensez-vous que si la question des migrations avait été mieux traitée, peut-être avec de meilleures politiques, il n'y aurait pas eu ce basculement en faveur de partis nationalistes aux élections européennes de cette année dans des pays comme la Belgique, l'Italie, la Pologne, la Hongrie ?

Dimitris Avramopoulos : Vous savez, vous êtes dans le bureau où toutes les principales initiatives ont été prises au tout début. Nous avons tout pris en considération. Nous voulions apporter un soutien aux États-membres qui sont en première ligne et, d'autre part, prévenir les arrivées irrégulières en Europe centrale. Ce n’était pas facile, je dois avouer, de concilier toutes ces approches différentes car les politiques nationales prévalent encore. Donc, d’une part, nous avons une politique européenne que nous pensons et menons au nom de tous les Européens et, d’autre part, nous sommes confrontés à la ligne dure de certains pays. Ici, je voudrais faire une différence entre les États membres et les gouvernements et les gouvernements ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont que de passage.

Méabh Mc Mahon : justement, l'Italie ! L’Italie a bien sûr un gouvernement nouveau, ce qui signifie nouvelles politiques. Quelles erreurs la Commission a-t-elle commises face au gouvernement italien précédent, lorsque Matteo Salvini était ministre de l'Intérieur ? Et que prévoyez-vous maintenant avec ce nouveau gouvernement ?

Dimitris Avramopoulos : Tout ceci est lié à la politique intérieure italienne. Je crains qu'une grande partie des Italiens aient été convaincus par tous ces slogans politiques très faciles. Avec Salvini, je peux vous dire qu’à la fin, j’avais commencé à remarquer un léger changement, il avait d’abord été un anti-européen et à la fin, il avait commencé à articuler un discours politique européen plus amical. Ce qui se passe en Italie, c’est aux Italiens de le juger.

Méabh Mc Mahon : Matteo Salvini est celui qui a criminalisé les ONG et les capitaines de ces navires qui sauvaient des vies en mer. Des personnes comme Carola Rackete, par exemple, pensez-vous qu’elle est un héros ou pensez-vous qu’elle est une criminelle ?

Dimitris Avramopoulos : Eh bien, je dirais qu’elle s’acquittait de sa tâche moralement fondée sur des principes. Vous devez toujours respecter ceux qui font leur travail en croyant en des principes. Et je pense que ce qui s’est passé là-bas est aussi un incident qui ne devrait plus jamais se reproduire.

Méabh Mc Mahon : Et avez-vous parfois le sentiment que la réaction européenne s'est faite au cas par cas, en fonction des bateau et des crises ?

Dimitris Avramopoulos : J'ai répété à maintes reprises que nous avions besoin de mécanismes permanents, j'insiste beaucoup là-dessus. Nous ne pouvons pas continuer ainsi dans le futur. Tous les États membres doivent comprendre qu'il est temps d'adopter un mécanisme permanent. En disant cela, je veux parler des efforts que nous avons déployé pour adopter le nouveau règlement Dublin, qui est très important. Je veux être franc avec vous. J'ai été très déçu par la position de certains gouvernements. Certains pensent que c'est une question de distance, elle concerne le sud de l'Europe. Non, ce n'est pas le cas. Ce que nous essayons de faire, c'est d'adopter une stratégie pour toute l'Europe.

Méabh Mc Mahon : Ursula van der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, s'est portée volontaire pour réformer le règlement Dublin. Est-ce que c'est une mission impossible selon vous ?

Dimitris Avramopoulos : Aucune mission n'est impossible sauf si nous ne la rendons impossible. Il appartient à la nouvelle direction de la Commission européenne d’articuler une politique européenne forte et de convaincre les États membres. Je sais que ce n'est pas facile, mais nous ne sommes pas ici pour faire un travail facile. L'avenir de l'Europe sera mis en jeu si nous ne parvenons pas à apporter des solutions permanentes à la migration.

Méabh Mc Mahon : monsieur le Commissaire, l'année dernière, alors qu'Angela Merkel s'exprimait devant le Parlement européen, Nigel Farage l'a remerciée d'avoir contribué au Brexit grâce à sa politique de porte ouverte en 2015. Quelles sont vos réflexions à ce sujet ?

Dimitris Avramopoulos : Vous souhaitez que je commente les déclarations de Nigel Farage ??? Je ne le ferai jamais, car je pense que son rôle en Europe, et surtout celui de son pays, est très négatif et c'est ce que les historiens du futur jugeront un jour. Parce que dans l'histoire, il y a deux types de politiciens et de leaders dont on se souvient. Ceux qui étaient là pour construire et ceux qui étaient ici pour détruire.

Méabh Mc Mahon : Nous savons donc ce que vous pensez de Nigel Farage. Un dernier sujet que je voudrais aborder est la déclaration d’Erdogan qui menace d’ouvrir les portes. Qu'est-ce que tout cela signifie pour les relations UE / Turquie?

Dimitris Avramopoulos : Je veux être franc. La déclaration UE / Turquie doit continuer. Cette coopération devrait continuer et se renforcer à l'avenir. Mais, d'autre part, cette coopération à mes yeux ne devrait pas être utilisée comme un moyen de pression, ni comme un outil de négociation.

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