[En chiffres] Les grèves de décembre 2019 parmi les grandes mobilisation en France ?

Une partie du cortège des manifestants, à Bordeaux, lors de la grève nationale du 5 décembre 2019
Une partie du cortège des manifestants, à Bordeaux, lors de la grève nationale du 5 décembre 2019 Tous droits réservés NICOLAS TUCAT / AFP
Par Vincent Coste
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La mobilisation pour les journées du 5 et du 17 décembre était attendue et espérée par les organisations syndicales. La rue leurs a donné raison : ces journées s'inscrivent parmi les plus grandes manifestations de ces dernières décennies.

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La nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites en France a de nouveau mobilisé des centaines de milliers des personnes. Elles ont été 615 000, selon le ministère de l'intérieur, à ainsi avoir répondu à l'appel des organisations syndicales[.](Grève contre la réforme des retraites : le mouvement ne flanche pas) Le syndicat CGT a lui estimé que les manifestants ont été 1 800 000 à battre le pavé dans tout l'Hexagone ce mardi.

Ces chiffres sont d'une ampleur comparable à ceux enregistrés le 5 décembre dernier, où plus de 800 000 manifestants avaient été recensés par les autorités, et 1 500 000 par la CGT. Ces deux journées resteront comme parmi les plus grandes journées de mobilisation de ces dernières années.

Depuis le début du mouvement, de très nombreuses personnes ont donc répondu à l'appel des organisations syndicales, aussi bien dans le secteur public que dans le privé, pour marquer leur opposition au projet de réforme des retraites porté par Emmanuel Macron et son gouvernement.

La grogne est particulièrement palpable dans l'Education nationale ainsi que dans le domaine des transports, à l'image de la SNCF où seul un train sur dix a circulé le 5 décembre dernier. Les professions de la filière hospitalière ont été bien tout aussi représentés dans les cortèges, échaudés par des journées sans fin et des salaires sans commune mesure au travail abattu.

Le 17 novembre a été marqué par un front syndical beaucoup plus large que celui des précédentes journées de mobilisation. En effet, des syndicats réformistes, plutôt favorables à la mise en place d'un système par points, avaient également appelé à la mobilisation. Le patron de la CFDT, Laurent Berger, avait ainsi estimé que le Premier ministre français Edouard Philippe avait franchi "une ligne rouge" avec l'instauration d'un âge d'équilibre de 64 ans fixé en 2027.

Pour les syndicats, forts de ces succès, il n'est pas question de mettre fin à ce vaste mouvement social. Les positions divergent toutefois sur la marche à suivre pendant la période des fêtes. La CFDT milite ainsi pour une trêve pour Noël, contrairement à d'autres centrales qui appellent à la poursuite de la grève, notamment dans le secteur des transports.

La mobilisation du 5 décembre a été, selon Pour le syndicat Force ouvrière, "d'une ampleur rare, inédite depuis 2010 et 1995", faisant référence aux précédentes réformes des retraites.

Effectivement, ces vingt derniers années, les Français ont massivement manifesté leur opposition à toute modification de leur système de retraite.

Ainsi, l'année 2010 a été marquée par de très grandes journées de manifestations. Entre septembre et octobre de cette année, des millions de personnes ont défilé contre les mesures du gouvernement Fillon, concernant surtout le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite.

En 2003, François Fillon, alors ministre des Affaires sociales et du Travail (avec sa réforme sur l'allongement de la durée de cotisation et sur la mise en place d'un système de retraite par capitalisation - PERP pour Plan d'épargne retraite populaire) a poussé les Français dans les rues.

Enfin, l'un des plus grands mouvements sociaux restera celui de décembre 1995, qui a fait plier le gouvernement d'alors. Pendant trois semaines, pratiquement six millions de personnes ont affiché leur refus du "plan Juppé" sur la Sécurité sociale et les retraites. L'objectif de ce projet était d'appliquer aux fonctionnaires et aux entreprises publiques (SNCF, EDF, RATP, etc.) les mesures appliquées au secteur privé prises dans le cadre de la réforme Balladur de 1993.

La France, championne du monde des grèves ?

Vue par ses voisins, la France est souvent perçue comme le pays où les grèves sont les plus fréquentes. Mais en la matière, il est très compliqué, là encore, de trouver des éléments de comparaisons solides pour construire une véritable analyse, tant les méthodes pour comptabiliser les grévistes divergent en fonction des pays. Ainsi aux Etats-Unis, ne sont pris en compte que les mouvements de grève auxquels ont participé au moins 500 salariés.

L'OCDE propose ainsi différentes données sur la question, mais l'organisation internationale est très prudente, en mettant en avant un système de comparabilité internationale inexistant.

L'Institut syndical européen a également tenté de bâtir une étude sur la question, en mettant, là-aussi, en avant la disparité des sources. Si la France apparaît effectivement ici comme l'un des pays "les plus grévistes d'Europe", Chypre, l'Espagne, et la Grèce ne sont pas en reste. Mais à nouveau, ces données doivent être relativisées.

De la difficulté de quantifier les grèves en France

Sur le long terme, établir des éléments de comparaison statistiques concernant les grèves en France n'est pas aisé. Il n’existe pas, concrètement, de données regroupant toutes les composantes du monde du travail.

Dans les faits, deux instituts publient des indicateurs, l'un pour le secteur privé, la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES) et l'autre, pour le public, la Direction générale de l'Administration et de la Fonction publique (DGAFP).

Premier écueil, les données fournies n'utilisent donc pas les mêmes éléments de comparaisons, "Nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève pour 1 000 salariés en emploi", pour la DARES et "Nombre de jours perdus pour fait de grève", pour la DGAFP.

Deuxièmement, dans les deux cas, les données ne comprennent pas toutes les catégories. Ainsi pour les fonctionnaires, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière n'apparaissent pas dans les chiffres de la DGAFP. Même chose pour le privé, où les employés du secteur agricole ne sont pas pris en compte.

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Cela étant posé, au vu des graphiques élaborés grâce à ces données, les grands mouvements sociaux énumérés plus haut sont effectivement représentés.

Mais un autre enseignement, et non des moindres, peut être mis en évidence : la baisse des grèves observée aussi bien dans le public que dans le privé. Ce constat peut être corrélé par la faiblesse actuelle du taux de syndicalisation en France, qui n'a cessé de baisser pour s'établir aujourd'hui à moins de 10% des travailleurs.

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