Coronavirus : mais où sont passés les masques de protection en Europe ?

Coronavirus : mais où sont passés les masques de protection en Europe ?
Tous droits réservés AFP
Tous droits réservés AFP
Par Guillaume Petit
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Quels sont les pays qui en fabriquent le plus ? Comment faire face aux pénuries ? Et comment faire face aux besoins des pays ? Euronews fait le point.

PUBLICITÉ

Personnel soignant, autorités, forces de l’ordre, habitants... Tous les réclament. Les masques deviennent un équipement de première nécessité rare en pleine crise sanitaire. Comment expliquer cette pénurie ? Quels sont les pays qui en fabriquent le plus ? Comment faire face aux déséquilibres entre pays ? Euronews fait le point.

Alors que l’Europe vient de franchir la barre des 100 000 cas de contamination au coronavirus, une question est sur beaucoup de lèvres : pourquoi manquons-nous cruellement de masques ? Et pourquoi dans certains Etats plus que dans d'autres ? En pleine crise sanitaire, la demande en masques ne cesse d'augmenter en Europe. Et les risques de pénurie aussi.

Un constat fait par la Commission européenne qui alertait dès le 15 mars dans son bulletin d’information : _ "La demande de matériels de protection médicale a été exacerbée au cours des derniers jours et devrait continuer à augmenter de manière significative dans la période à venir, avec des pénuries qui se dessinent dans plusieurs États membres."_

Qui sont les pays qui fabriquent le plus de masques ?

A l’heure actuelle, la France, l'Allemagne, la République tchèque et la Pologne sont les principaux producteurs d'équipements de protection tels que les masques, selon nos informations.

En France, euronews s’était rendue dans une usine de l’entreprise Valmy SAS située à Roanne (Loire). Le directeur de la société Nicolas Brillat expliquait avoir "triplé les effectifs" pour faire face à la hausse de la demande, "en passant de 17 personnes à bientôt 55". Sa production était désormais "dix à onze fois supérieure" à ce qui se fait en temps normal. Des machines à l'arrêt depuis 2013 avaient même été remises en service.

Ruptures de stock et dépendance vis-à-vis de la Chine

Problème : une part importante des stocks sont produits en Chine, qui a d'ailleurs prévu d'envoyer deux millions de masques pour venir en aide aux pays de l'Union européenne, selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. La Chine produirait même 50% des masques dans le monde, selon l’agence de presse d'Etat chinoise Xinhua.

Le distributeur Hygistore, qui vent du matériel de protection médical, a indiqué à euronews que "99 % de ses masques vendus sont importés d’Asie". Résultat, l'entreprise basée à Toulon, dans le sud de la France, dit être en "rupture de stock".

Une situation qui fait craindre des tensions importantes en Europe : "Bien qu’une fabrication accrue ait été encouragée, le niveau actuel de la production de l’UE et les stocks existants ne seront pas suffisants pour répondre à la demande au sein de l’Union", était-il clairement écrit dans le bulletin de la Commission européenne il y a quelques jours.

Le niveau actuel de la production de l’UE et les stocks existants ne seront pas suffisants pour répondre à la demande au sein de l’Union
Commission européenne

"Inflexion de la politique de constitution et de renouvellement des stocks"

En France, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé que 12,3 millions de masques chirurgicaux et FFP2 avaient été déstockés pour être livrés aux 20 000 pharmacies "avec une logique de rationnement", pour que les professionnels de santé puissent se fournir, "en privilégiant les départements les plus tendus". Il a ajouté que 17 autres millions de masques devaient être livrés sur trois jours aux hôpitaux, groupements hospitaliers, EHPAD et organismes de transport sanitaire.

Pourtant, la France disposait d'un stock important jusqu'à la fin des années 2000 : 753 millions de masques mis en place depuis 2005, selon ce rapport du Sénat de 2009. Où sont-ils passé ? La réponse se trouve en partie du côté de l'Eprus, une agence sanitaire créée en 2007 (qui a depuis fusionné avec l'INPES et l'InVS au sein de Santé Publique France).

Cet autre rapport du Sénat de 2014-2015 indique que le stock est passé de 992 millions d’euros à la fin de l’année 2010 à 472 millions d’euros fin 2014. Pourquoi une telle baisse ?

Il est expliqué dans ce même rapport que "le stock national géré par l’EPRUS concernerait désormais uniquement les masques de protection chirurgicaux à l’attention des personnes malades et de leurs contacts, tandis que la constitution de stocks de masques de protection des personnels de santé (notamment les masques FFP2 pour certains actes à risques) étaient désormais à la charge des employeurs". En d'autres termes, l'Etat a moins pris en charge les stocks.

Une "inflexion de la politique de constitution et de renouvellement des stocks" qui s'explique de plusieurs façons, détaille le rapport : par la décision "de ne pas renouveler certains stocks arrivant à péremption" et par la volonté "_de développer une nouvelle modalité d’acquisition _: la réservation de capacités de production et d’acquisition auprès de laboratoires".

Plus loin, le rapport ajoute que cette solution "permettrait également de réaliser des économies considérables en termes de coût d’achat, de stockage et, in fine, de destruction."

Quelles mesures prises en Europe ?

Pour éviter des pénuries, Bruxelles a décidé d’encadrer davantage les exportations de masques en dehors de l’UE. Car certains n'avaient visiblement pas attendu pour prendre des mesures. La Commission européenne indique en effet que certains pays tiers ont déjà décidé officiellement de restreindre les exportations d’équipements de protection.

"Nous avons besoin de partager cet équipement au sein de l'Union européenne", avait rappelé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui avait jugé "néfaste" ces "interdictions nationales à la vente de tels équipements envers d'autres États membres."

"Aucun pays ne peut produire seul tout ce dont il a besoin. Aujourd'hui, c'est l'Italie qui a besoin rapidement de grandes quantités de tels produits médicaux mais, dans quelques semaines, ce seront d'autres pays" avait-elle déclaré.

Bruxelles a donc pris la décision de "soumettre à autorisation" des Etats-membres les exportations d’équipements de protection individuelle. Objectif : "garantir l’adéquation de l’offre dans l’Union et permettre ainsi de répondre à la demande vitale".

PUBLICITÉ

En d’autres termes, il faut désormais fournir une autorisation avant d’exporter en dehors de l’Union européenne, dans le but d’éviter une "fuite des masques" et d'assurer l’approvisionnement des pays de l’UE. Des exceptions peuvent être néanmoins être faites, comme pour venir en aide "à des pays tiers, et en fonction des besoins des États membres".

Un mécanisme de solidarité entre les Etats de l’UE

La crise sanitaire risquait-elle de mettre à mal la solidarité entre les Etats-membres ? C’était la crainte exprimée par la ministre de la Santé belge Maggie De Block sur Twitter dès le 6 mars. "Je trouve que nous devons être solidaires dans la répartition des masques de protection. Un blocage des exportations entre les états membres n'est pas dans l'esprit de l'Union européenne."

Jeudi, la ministre a annoncé avoir obtenu 100 000 masques FFP2 pour la Belgique. "Le stock se trouve à l’aéroport de Liège et était à l’origine destiné à l’Italie. L’Italie a pu entre-temps se procurer des masques par d’autres voies, ce qui fait que notre pays a pu racheter le stock au producteur chinois. Les bonnes relations entre notre pays et la Chine y ont joué un rôle",est-il écrit sur son site internet.

Mais comment assurer une répartition équitable entre tous les Etats-membres ? L’Italie, en cruel manque de matériel, a activé le Mécanisme européen de protection civil, qui permet aux pays européens de coordonner leur aide face à une crise d’ampleur.

Dans ce cadre, l’Union européenne a donc annoncé ce jeudi la mise en place d’un « rescEU stockpile ». Autrement dit : un stock d’urgence d’équipement médical comme les masques de protection ou les respirateurs, qu’elle financera à 90%.

PUBLICITÉ

Doté d’un budget initial de 50 millions d’euros selon Bruxelles, ce stock d’urgence centralisé aura pour but de "subvenir aux besoins des pays qui font face à des ruptures de stock". Et c’est le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) qui sera chargé de la réparation du matériel médical entre les pays.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Coronavirus : le port obligatoire de masques de protection fait débat

Face au coronavirus et aux achats de panique, priorité aux seniors dans les supermarchés

UE : le système de récompense de TikTok Lite menacé d'être suspendu