Economie, Europe, présidentielle: le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet est l'invité d'euronews

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Par Guillaume PetitEuronews
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"La prise de conscience au niveau des institutions européennes, pour moi, n'est pas encore totale", souligne le nouveau maire écologiste de Lyon Grégory Doucet, qui compte peser, avec d'autres grandes villes, sur les politiques européennes.

La révolution verte est-elle en marche en Europe ? En France, Grégory Doucet est le premier écologiste à occuper le fauteuil de maire de Lyon, troisième plus grande ville de France métropole européenne attractive. D'autres villes comme Bordeaux ou Strasbourg ont également été remportées par les Verts. Une vague nationale historique qui survient en pleine crise économique et alors que le réchauffement climatique n'a jamais été aussi visible et concret. A eux désormais de prouver qu'ils peuvent faire bouger les lignes au niveau local, mais aussi peut être en Europe, les écologistes ayant également réalisé une percée aux dernières élections européennes.

Comment réorienter l'économie vers un modèle plus vert en pleine crise économique ? Comment relancer le tourisme tout en respectant davantage l'environnement ? Les grandes villes peuvent-elles peser sur les politiques européennes ? L'environnement est-il vraiment la priorité d'Emmanuel Macron ? Avec une carrière tournée vers l'humanitaire et l'international, le premier et nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, est bien placé pour parler des enjeux locaux, nationaux et européens de l'urgence climatique. Il est l'invité de The Global Conversation sur euronews.

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Grégory Doucet sur le plateau d'euronews à LyonEuronews
« Réorientons le secteur du tourisme vers un tourisme national et européen prioritairement »
Grégory Doucet
Maire écologiste de Lyon

Modifier en profondeur la ville : avec quelle méthode ?

Grégory Doucet : Il y a une attente très forte de la population en matière d'écologie. Les gens sont prêts majoritairement à changer leur mode de vie. Il n'y a qu'à regarder l'explosion de la pratique du vélo dans cette ville (de Lyon) qui va bien plus vite que les équipements que l'on peut proposer aux cyclistes. Donc on a déjà un terreau très favorable pour engager la ville dans la transition écologique. Et puis, à nous de discuter avec les habitants, d'engager des processus de concertation, par exemple pour établir les zones que l'on va rendre piétonnes. Quelles vont être les rues? Quelles vont être les quartiers que l'on va piétonniser ? C’est avec les habitants que nous comptons le faire.

Mais comment éviter que tous ces changements ne soient perçus comme quelque chose de punitif ?

Grégory Doucet : L'important, bien sûr, c'est d'expliquer, mais c'est surtout de faire avec. Et de proposer des alternatives. En matière de mobilité, par exemple, je veux réduire l'emprise de la voiture, pour qu'il y ait plus d'espaces pour les piétons, plus d'espaces pour les modes doux, notamment les vélos et surtout plus d'utilisation des transports en commun. Si vous voulez que des gens puissent passer de leur voiture à un autre mode de déplacement, il faut qu'il y ait une offre. Nous allons bien évidemment développer un réseau cyclable. Nous allons rendre cette ville 100% cyclable avec un réseau express vélo, des grandes voies cyclables qui vont traverser la ville. Nous allons aussi développer le réseau de transports en commun. A très court terme, nous allons intensifier le réseau de bus. Et puis, par la suite, développer des tramways, métros, etc.

"La transition écologique, c'est une réponse à la crise économique aujourd'hui"
Grégory Doucet
Maire écologiste de Lyon
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Grégory Doucet sur le plateau d'euronews à LyonEuronews

Comment concilier réorientation de l’économie vers un modèle plus vertueux, ce qui prendra du temps, et la gestion de la crise économique à court terme ?

Grégory Doucet : La transition écologique, c'est une réponse à la crise économique aujourd'hui. Investir, par exemple, dans la rénovation thermique des bâtiments, c'est de l'emploi local. Ce sont des commandes pour le secteur du bâtiment. Investir dans les transports en commun, ce sont des commandes pour les entreprises des travaux publics. Il s'agit simplement de réorienter l'économie. Beaucoup de chefs d'entreprises, femmes et hommes qui réfléchissent à leur stratégie, ont déjà intégré la transition écologique ou souhaitent s'y engager plus massivement. A nous, responsables politiques, de les accompagner, de les écouter et d'entendre aussi leurs problématiques.

« D'ici quelques décennies, prendre l'avion deviendra une exception. C'est ce vers quoi nous devons tendre »
Grégory Doucet
Maire écologiste de Lyon

Crise du tourisme : faut-il réduire le trafic aérien ?

Grégory Doucet : Bien sûr. A terme, c'est ce qui va se passer. D'ici quelques décennies, prendre l'avion deviendra une exception. C'est ce vers quoi nous devons tendre. Face à cette évidence, que fait-on aujourd'hui ? Est-ce qu'on attend vingt ou trente ans, pour qu'on soit soudainement obligé de le faire parce que les températures se seront tellement élevées sur la planète qu'on n'aura plus le choix ? Non, il faut commencer à le faire dès maintenant. C'est pour ça que je dis : réorientons le secteur du tourisme vers un tourisme national et européen prioritairement. Il ne s'agit pas d'interdire, demain, les vols vers Lyon. Il s'agit d’en réduire la part, progressivement, et d'avoir une offre touristique plus centrée sur l'Europe et la France, en se connectant au réseau des trains de nuit, comme l'a fait l'Autriche avec succès. C'est une des voies de l'avenir.

"Investir dans une ligne à grande vitesse pour développer les relations entre Lyon et Turin, ça sonne comme un peu magique, sauf qu'aujourd'hui, ce n'est pas la problématique des Lyonnais"
Grégory Doucet
Maire écologiste de Lyon

La ligne à grande vitesse Lyon-Turin : un mauvais projet ?

Grégory Doucet : Il est question de faire des grands choix d'infrastructures. Est ce qu'on décide de mettre les 8 milliards dont vous avez parlé dans une infrastructure, qui est en fait le doublement d’une infrastructure qui existe ? Aujourd'hui, vous voyez simplement qu'autour de Lyon et même plus largement dans le pays, on n'a pas suffisamment investi dans le fret, dans ce qu'on appelle plus communément les trains du quotidien. Ce dont il faut prioritairement s'occuper, ce sont d'abord des transports publics, qui vont donner des réponses aux problématiques actuelles. Investir dans une ligne à grande vitesse pour développer les relations entre Lyon et Turin, ça sonne comme étant un peu magique, sauf qu'aujourd'hui, ce n'est pas ça la problématique des Lyonnais et des Lyonnais, des habitants de la métropole de Lyon et du bassin lyonnais. Leur problématique, c'est d'avoir des trains qui soient confortables, suffisamment fréquents, qui arrivent à l'heure. C'est de ça dont je veux m'occuper prioritairement.

Guillaume Petit, journaliste euronews : Les défenseurs du projet avancent que ce projet permettrait de réduire le trafic de poids lourds…

Grégory Doucet : Bien sûr, mais faisons-le déjà dans notre pays. Aujourd'hui, les investissements dans le fret en France sont déjà insuffisants.

« La prise de conscience au niveau des institutions européennes, pour moi, n'est pas encore totale »
Grégory Doucet
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Grégory Doucet sur le plateau d'euronewsEuronews

L’Union européenne est-elle à la hauteur face à l’urgence climatique ?

Les grandes villes : un échelon pour peser sur les politiques européennes en matière d'environnement ?

Grégory Doucet : Je le souhaite. Il y a deux échelons très importants pour pouvoir transformer nos sociétés à l'échelon local. D'abord, les métropoles, les villes, qui peuvent agir au plus près des habitants, transformer le quotidien des habitants. Et puis, il y a l'échelon européen. C'est là où se font beaucoup de réglementations, donc avoir une présence forte au niveau du Parlement européen. C'est déjà le cas. Les écologistes et les Verts y sont représentés de manière très importante et l’objectif est d'avoir un réseau de villes européennes qui montre l'exemple, qui pèse au niveau des institutions nationales, mais aussi au niveau des institutions européennes pour montrer la voie, pour dire que c'est ça qu'on veut. Et pour aller discuter, convaincre les institutions européennes qu'il faut de l'argent public européen pour investir dans un réseau ferroviaire européen de qualité. (...) La question des trains de nuit est portée par les écologistes aujourd'hui, mais elle n'est pas suffisamment soutenue par les institutions européennes.

"L’objectif est d'avoir un réseau de villes européennes qui montre l'exemple, qui pèse au niveau des institutions nationales"
Grégory Doucet

Une inflexion avec le "Green Deal" d’Ursula von der Leyen ?

Grégory Doucet : Les engagements et les promesses ont souvent été faites en matière d'écologie. Quand les institutions européennes s'engagent, mettent des fonds sur la table, bien sûr que ça va dans la bonne direction. A nous de savoir aussi utiliser ce fameux Green deal. Mais surtout, je vais être attentif à la façon dont il est déployé. Sur ce genre de questions, les grandes annonces ne valent que si elles sont traduites (dans les faits, NDLR). Le diable va être un peu dans les détails. On va regarder précisément où vont se faire les investissements.

Mondialisation et dépendance extra-européenne à l’aune de la crise du covid-19 : l’UE a-t-elle fait de mauvais choix ? Faut-il revenir en arrière ?

Grégory Doucet : La problématique n'est pas de revenir en arrière, mais de donner un autre cap. Il n'y a pas d'âge d'or où tout aurait été formidable avant. Ce n'est pas le sujet. On doit aujourd'hui avoir des économies qui sont plus ancrées dans leur territoire, moins dépendantes d'acteurs économiques qui se trouveraient à l'autre bout de la planète. On en a besoin, d’abord parce que faire venir tous nos produits au bout de la planète. Cela veut dire une industrie des transports massive et polluante qui dégagent du CO2.

« On doit aujourd'hui avoir des économies qui sont plus ancrées dans les territoires »
Grégory Doucet

Donc on a besoin de relocaliser une partie de notre économie, de nos industries, de nos sites de production, pour réduire l'empreinte qu'on a sur cette planète. Et puis on parlait de dépendance à l'instant. On l’a vu avec la crise sanitaire, on a besoin d'être plus résilient, d'être capable de résister à différents chocs. Demain, d'autres crises pourraient arriver. Donc on a besoin de s'y préparer et de trouver les ressources en nous pour être capable d'y faire face.

Guillaume Petit, euronews : Ce nouveau cap, vous pensez que l'UE y est prête?

Grégory Doucet : La prise de conscience au niveau des institutions européennes, pour moi, n'est pas encore totale. On doit continuer à travailler. D'où l'importance du travail des parlementaires, mais surtout de ce réseau de villes européennes auquel j'aspire, qui pourra peser sur les institutions en montrant le cap, en disant : « Voilà, nous sommes prêts. Regardez ce que l'on fait dans nos villes. Aidez-nous à aller plus loin, aidez-nous à mieux nous préparer, aidez-nous à être plus résilients, à être plus solides face aux différentes crises qui peuvent survenir. »

"La prise de conscience de l'importance des enjeux écologiques bouscule et secoue l'échiquier politique."
Grégory Doucet
Maire écologiste de Lyon
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Grégory Doucet arrive à euronewsEuronews

Percée locale des Verts en France : quelles conséquences pour Emmanuel Macron et la présidentielle ?

Vague verte en France : le vote est fort dans les grandes villes, mais comment convaincre les habitants des zones rurales ? Y'a-t-il un plafond de verre ?

Grégory Doucet : La transition écologique, on doit tous s'y mettre. Après, vous avez certaines personnes qui, aujourd'hui, voient de manière moinsévidente les solutions. Quand vous êtes en zone rurale, quand vous êtes obligé de prendre votre voiture, vous avez l'impression que la transition écologique n'est pas pour vous. Mais si, bien sûr, vous avez des tas de façons aujourd'hui de faire évoluer vos pratiques. A nous d'entendre aussi les besoins des personnes qui sont dans les zones rurales ou en zones périurbaines. Moi, je ne souhaite pas opposer les territoires. Je souhaite que l'on puisse rentrer dans une logique de coopération de territoires.

« Des engagements ou des signaux en faveur de l'écologie, Emmanuel Macron a cherché à en donner, mais on a besoin d’actes concrets »
Grégory Doucet

L'écologie est-elle vraiment une priorité pour Emmanuel Macron ?

Grégory Doucet : On a entendu à plusieurs reprises le président de la République prononcer des discours sur la thématique. On a eu, il y a quelques années, « Make our Planet Great Again ». On a eu encore un discours plus récemment lorsqu'il s'est rendu sur le toit de l'Europe, à côté du mont Blanc, à proximité de la mer de Glace, où il a, paraît-il, réalisé la rapidité avec laquelle la glace fondait. Des engagements ou des signaux en faveur de l'écologie, il a cherché à en donner, mais ce ne sont pas des symboles dont on a besoin aujourd'hui. On a besoin d'actes concrets. On a besoin d'investissements massifs dans nos lignes ferroviaires pour les trains du quotidien, pour le fret. C'est ça que j'attends du gouvernement. Les appels, les grands discours, on les a depuis 2002. Souvenez-vous du discours de Jacques Chirac : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». On est en 2020. Ça fait dix-huit ans que les discours, on nous les sert. On a besoin d'actes concrets. On a besoin d'investir dans la végétalisation de nos villes, dans les transports en commun, les modes doux. On a besoin de transformer nos villes, mais on a aussi besoin de transformer notre pays dans sa globalité.

"Oui on va nous scruter, on va nous regarder avec attention, on va regarder nos pas, nos faux pas peut-être"
Grégory Doucet

Les Verts au pouvoir à l’échelon local : un test en vue de la présidentielle de 2022 ?

Grégory Doucet : Pour beaucoup, assurément. La prise de conscience de l'importance des enjeux écologiques et de l'importance de la question climatique bouscule et secoue l'échiquier politique. Les écologistes, qui proposent des réponses depuis des décennies, entrent en résonance avec cette prise de conscience. Oui, on va nous scruter, on va nous regarder avec attention, on va regarder nos pas, nos faux pas peut-être. On va interpréter tout ce que l'on fait. Comme, par exemple, mon ami Eric Piolle à Grenoble, qui a été scruté et critiqué tout au long des premières années de son mandat. C'est ce qui va nous arriver. J'en suis conscient, mais j'ai surtout conscience des attentes des Lyonnaises et des Lyonnais. Et c'est d'abord à ces attentes-là que je veux répondre.

Propos recueillis par Guillaume Petit

Journaliste • Guillaume Petit

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