Liberté de la presse : le rédacteur en chef du site d'informations le plus lu de Hongrie licencié

Szabolcs Dull, ex-rédacteur en chef du site d'information hongrois index.hu
Szabolcs Dull, ex-rédacteur en chef du site d'information hongrois index.hu Tous droits réservés Index
Par Marie JametRita Palfi avec AFP, AP
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Szabolcs Dull, rédacteur en chef d'Index.hu, a été licencié un mois après avoir signalé que l'indépendance éditoriale de son média était menacée.

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Le rédacteur en chef d'Index.hu, le portail d'informations le plus lu de Hongrie, a été licencié mercredi, faisant craindre une nouvelle attaque contre l'indépendance de la presse dans le pays.

Officiellement, il a été reproché à Szabolcs Dull d'avoir divulgué aux médias des documents internes, selon une lettre envoyée par la direction au personnel. Mais, le mois dernier, M. Dull avait signalé que l'indépendance de son site d'information était menacée en raison de "pressions extérieures", affirmant que la liberté de publier des articles critiquant le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban était "en grave danger".

L'ancien rédacteur en chef a réitéré ses inquiétudes lors de son discours de départ devant la rédaction : "mon message continue d'être qu'Index est une forteresse puissante qu'ils veulent faire sauter", ajoutant dans sa déclaration publiée sur le site "les salariés ne se sont pas sentis en danger sans raison, et je n'ai pas modifié notre baromètre d'indépendance sans raison".

Szabolcs Dull a, par ailleurs, rapporté les propos que lui aurait tenus Laszlo Bodolai, qui dirige la fondation propriétaire de l'éditeur d'Index. M. Bodolai lui aurait indiqué que son licenciement est dû à la décision de modifier l'état du baromètre et ses déclarations pour justifier cette modification.

Un limogeage "inacceptable"

Dans une lettre adressé au personnel mercredi, Laszlo Bodolai a assuré pourtant que "l'indépendance politique d'Index n'est pas menacée". La plupart des quelque 100 journalistes d'Index lui ont répondu par le biais d'une lettre ouverte où ils qualifient le limogeage de Szabolcs Dull d'"inacceptable".

Index.hu s'était doté d'un baromètre d'indépendance en 2018. Les journalistes d'Index avaient décidé de le faire passer de "indépendant" à "en danger" il y a un mois. Les deux critères principaux utilisés par la rédaction pour juger de sa liberté : le niveau d'indépendance éditoriale et le degré d'interférence extérieure dans le recrutement du personnel.

Ces faits interviennent alors qu'en mars dernier un puissant homme d'affaires pro-Orban, Miklos Vaszily a pris une participation de 50% dans l'agence de publicité d'Index.

Vers une prise en main par le pouvoir ?

Depuis, deux PDG ont quitté la tête du site d'information, le dernier, Zsolt Ződi, ayant démissionné deux semaines après sa prise de fonctions, estimant que les changements nécessaires à la société dans "la situation financière " dans laquelle elle se trouve "est une tâche qui me dépasse", ainsi que le rapporte le journal lui-même.

Ces mouvements dans l'agence de publicité et à la direction, ainsi qu'un plan de réorganisation, ont fait partie des éléments de décision de la rédaction pour modifier l'état de son baromètre d'indépendance. Dans l'article accompagnant cette modification de statut, Szabolcs Dull expliquait ainsi : "nous craignons qu'avec le remaniement organisationnel proposé, nous perdions les valeurs qui ont fait d'Index.hu le site d'information le plus important et le plus lu en Hongrie".

Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, le nationaliste Viktor Orban a transformé les médias publics hongrois en organes de propagande. Le rachat de pans du secteur privé des médias par ses alliés du secteur économique font partie de cette stratégie.

Ces dernières années, la plupart des médias indépendants comme Index ont soit fermé leurs portes, soit été rachetés par des alliés du gouvernement et ont alors adopté des lignes éditoriales pro-Orban, tout en recevant des flux lucratifs de publicité d'État.

Dégringolade de la liberté de la presse en Hongrie

Dans le rapport 2020 de Reporters sans frontière, la Hongrie a régressé à la 89e sur 180 pays. Elle occupait la 23è place, en 2010, année où Viktor Orban reprend le poste de Premier ministre qu'il avait perdu en 2002 après un mandat de quatre ans.

Selon Daniel Szalay, rédacteur en chef du site d'informations Media1.hu, de nombreux journalistes d'Index prévoient désormais de quitter le site d'information pour protester contre le licenciement de leur rédacteur en chef.

Une manifestation est prévu vendredi 24 juillet par le parti politique libéral d'opposition, Momentum, sous le slogan "Un pays libre, une presse libre ! Manifestation pour la liberté de la presse hongroise". Par ailleurs, la branche hongroise de l'ONG Transparency International dit surveiller la situation de près.

Hetek óta aggodalommal figyeljük az Index körüli fejleményeket, ugyanis a független sajtó egyik zászlóshajójaként...

Publiée par Transparency International Magyarország sur Mercredi 22 juillet 2020

Viktor Orban a dû batailler ferme lors du dernier sommet européen concernant le plan de relance économique pour que ce dernier ne soit pas conditionné, dans son pays, au respect de l'Etat de droit. Le Parlement européen et la Commission européenne l'accuse de mener des réformes réduisant l’indépendance des médias et de la justice.

Sources additionnelles • Index.hu

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