Colombie : le chef repenti des FARC craque face à ses victimes, il dit haïr son ex-guérilla

Rodrigo Londono, ex-commandant en chef des FARC, à Bogota - capitale de la Colombie - le 29 août 2019
Rodrigo Londono, ex-commandant en chef des FARC, à Bogota - capitale de la Colombie - le 29 août 2019 Tous droits réservés Fernando Vergara/AP
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Par Joël Chatreau
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"Timochenko", le chef repenti des FARC de Colombie, craque face à ses victimes : il dit haïr son ex-guérilla.

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A force de témoignages, plus douloureux les uns que les autres, devant la Comision de la Verdad, un tribunal spécial pour la paix en Colombie, les très nombreuses victimes de la guérilla des FARC, maintenant désarmée, ont fini par faire basculer dans leur malheur l'ex-commandant en chef des guérilleros, Rodrigo Londoño. Après la repentance qu'il a eu maintes fois l'occasion d'exprimer, "Timochenko" - de son nom de guerre - a surpris l'opinion publique en déclarant qu'il en était arrivé à "haïr" ce qu'étaient devenues les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie au fil de cinq décennies sanglantes.

Après avoir réitéré sur les ondes d'une radio locale les plus profondes excuses publiques du mouvement armé aux victimes, déjà présentées lundi dans un communiqué, Rodrigo Londoño a lâché la phrase - la plus forte et la plus lourde de sens depuis que l'accord de paix a été signé avec le gouvernement colombien en septembre 2016 (voir photo ci-dessous) - mardi 15 septembre :

J'en viens à haïr les FARC que j'ai en face de moi et qui ne ressemblent en rien à celles que j'ai rejoint
Fernando Vergara/AP
L'ex-président colombien, Juan Manuel Santos, et l'ex-dirigeant des FARC, Rodrigo Londoño, à Carthagène - Colombie - le 26 septembre 2016Fernando Vergara/AP

Une guérilla aux méthodes de bande criminelle

Les anciens chefs de la guérilla qui fut la plus vieille et la plus puissante du continent américain, mise sur pied dans la jungle colombienne dès 1964, continuent de répondre de tous leurs actes et crimes devant le tribunal spécial. C'est l'engagement qu'ils ont dû prendre en signant l'accord de paix, tout comme celui de dédommager les victimes ou leurs familles ; en échange, ils doivent être condamnés à des peines alternatives à la réclusion, et sinon ils seront traduits devant la justice habituelle.

En un demi-siècle de conflit armé contre l'Etat colombien, les FARC n'ont fait que trahir l'idéalisme marxiste de leurs débuts pour se transformer en organisation criminelle spécialisée dans les enlèvements, profitant également du trafic de cocaïne pour financer leur développement et leur armement. Les hommes et femmes embrigadés dans le mouvement ont commis au moins 20 000 enlèvements et recruté de force des milliers d'enfants et d'adolescents fragilisés par la pauvreté. 

"Ce fardeau, a écrit l'ex-direction de la guérilla dans son communiqué de lundi, pèse aujourd'hui sur la conscience et le cœur de chacun d'entre nous".

"L'enlèvement n'a pas de date d'expiration"

"Timochenko" a avoué avoir été particulièrement troublé par le témoignage dur mais chargé de réflexion de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt qui s'est exprimée lundi 14 septembre par visio-conférence devant la "Commission de la Vérité" ; on se souvient que l'ancienne candidate à l'élection présidentielle colombienne avait été kidnappée par des combattants des FARC en 2002 puis finalement libérée lors d'une opération militaire en 2008.

Ingrid Betancourt a raconté devant le tribunal son calvaire qui a duré six longues années, expliquant notamment comment un enlèvement peut marquer à vie :

La séquestration n'a pas de date d'expiration, elle devient une réalité génétique
Ingrid Betancourt
La captivité est un assassinat, la personne qui est séquestrée meurt lentement (...) La personne qui est libérée est devenue quelqu'un d'autre, la personne du début reste dans le lieu de sa détention
Ingrid Betancourt

Le conflit armé multiforme a fait officiellement plus de neuf millions de victimes en Colombie, si l'on ajoute les réfugiés aux morts et disparus. L'accord de paix de 2016 a permis la démobilisation d'environ 13 000 activistes des FARC, dont 7 000 combattants. La guérilla a pu ainsi entrer en politique sous le nom de Force alternative révolutionnaire commune.

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