Election à Chypre-Nord : victoire surprise du candidat d'Ankara Ersin Tatar

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Tous droits réservés Nedim Enginsoy/Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved
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Par Euronews avec AFP
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Mustafa Akinci, "président" sortant en froid avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, a été battu.

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Déjouant les pronostics, le candidat nationaliste Ersin Tatar, soutenu par la Turquie, a été élu dimanche "président" de l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTNC), un succès pour Ankara dans un contexte de vives tensions autour de ses projets en Méditerranée orientale.

Avec 51,74% des voix, M. Tatar supplante Mustafa Akinci, dirigeant sortant en froid avec le président turc Recep Tayyip Erdogan et partisan d'une réunification de l'île méditerranéenne sous la forme d'un Etat fédéral, augurant un changement radical des relations avec la partie sud de l'île.

Le soutien du candidat arrivé troisième au premier tour le 11 octobre n'a pas permis au social-démocrate de l'emporter. Une demande de recompte des bulletins de vote par le camp de M. Akinci, qui a plusieurs fois dénoncé l'ingérence de la Turquie dans l'élection, n'est pas à exclure.

Ankara a très rapidement salué "chaleureusement" la victoire de son protégé: "Nous allons travailler ensemble pour assurer la prospérité, le développement et la sécurité des Chypriotes-turcs. Nous allons défendre ensemble les droits et intérêts légitimes de Chypre-Nord en Méditerranée orientale", a tweeté le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

La participation s'est élevée à 67,30%, soit trois points de plus qu'en 2015, malgré la pandémie de Covid-19. Quelque 199 000 personnes étaient appelées à voter sur plus de 300 000 habitants.

L'élection s'est déroulée dans un contexte de vives tensions autour de l'exploitation d'hydrocarbures en Méditerranée orientale entre Ankara et Athènes, principale alliée de la République de Chypre --membre de l'Union européenne depuis 2004-- qui exerce son autorité sur les deux tiers sud de l'île.

Après des forages réalisés au large de Chypre-Nord, le renvoi cette semaine d'un navire turc d'exploration dans des eaux revendiquées par la Grèce a réveillé la discorde et a entraîné une condamnation par les dirigeants de l'UE des "provocations" de la Turquie.

Social-démocrate de 72 ans, M. Akinci défend la réunification de Chypre sous la forme d'un Etat fédéral et n'a jamais caché son intention de desserrer les liens avec Ankara. M. Tatar, 60 ans, défend une solution à deux Etats.

"Dignité"

Après avoir voté, M. Akinci avait dit espérer que les Chypriotes-turcs se souviendraient de cette élection "comme d'une célébration de la volonté du peuple" tandis que son rival avait souligné l'importance d'entretenir de bonnes relations avec la Turquie.

Considérant la RTCN comme une pièce majeure dans sa stratégie pour défendre ses intérêts en Méditerranée orientale, Ankara suivait attentivement l'élection et avait multiplié les coups de pouce à M. Tatar.

L'inauguration en grande pompe d'un aqueduc sous-marin entre Chypre-Nord et la Turquie et la réouverture partielle d'une ancienne station balnéaire renommée, abandonnée et bouclée par l'armée turque après la partition de l'île, avaient suscité des accusations d'ingérence de la Turquie et irrité de nombreux Chypriotes-turcs, M. Akinci en tête.

"Les Chypriotes-turcs ne sont pas contents d'être considérés comme dépendants d'un autre", relevait avant le scrutin Umut Bozkurt, politologue à l'université de la Méditerranée orientale, à Chypre-Nord.

"Utiliser leur cerveau"

Mais afficher une position indépendante d'Ankara est difficile tant la RTCN est sous emprise économique turque depuis sa création en 1983. Et en temps de crise économique, amplifiée par la pandémie de Covid-19, la stratégie de M. Akinci n'a pas payé.

Chypre a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1960 mais les troupes turques ont envahi le nord de l'île en 1974 en réaction à un coup d'Etat visant à rattacher l'île à la Grèce.

Avec son élection en 2015, M. Akinci avait ravivé l'espoir d'un accord de paix mais les dernières négociations officielles ont échoué en 2017.

"Nous ne pouvons rien faire sans la Turquie, l'histoire a montré que les Chypriotes-grecs n'accepteront jamais que nous soyons égaux dans la République", relevait Dilek Ertug, agente immobilière de 60 ans, avant les résultats.

Des Chypriotes-grecs s'étaient rassemblés samedi près de la zone tampon pour réclamer le retour des territoires du nord, affirmant que Chypre était "grecque".

Condamnant les "interventions" de la Turquie, le frère de Mme Ertug, Asaf Senol, retraité de 64 ans, s'était dit pro-fédéralisme, illustrant les divisions au sein même des familles chypriotes-turcs.

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