Que se passe-t-il entre Facebook, Google et l'Australie ?

 Sur cette photo du 29 mars 2018, le logo de Facebook figure sur un écran du Nasdaq à New York.
Sur cette photo du 29 mars 2018, le logo de Facebook figure sur un écran du Nasdaq à New York. Tous droits réservés Richard Drew/AP
Par Euronews avec AP & AFP
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Le ministre australien des Finances, Josh Frydenberg a qualifié la mesure de Facebook d'"inutile, brutale" qui va, selon lui, "nuire à sa réputation ici en Australie".

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Depuis près de vingt ans, des médias se plaignent que certaines entreprises du Web s'enrichissent à leurs dépens, vendant des publicités liées à leurs reportages sans partager les revenus générés.

Aujourd'hui, l'Australie se joint à la France et à d'autres gouvernements qui comptent pousser Google, Facebook et d'autres géants du secteur à passer à la caisse. Cette démarche entend apporter des financements à une industrie des médias en crise, contrainte de réduire sa couverture journalistique au fur et à mesure que ses revenus diminuent. Mais ces initiatives créent aussi un conflit avec certains des plus grands noms du secteur de la haute technologie.

En Australie, ce conflit a franchi une nouvelle étape, et ce, malgré un accord entre Google et le gouvernement : Facebook y a littéralement coupé l'accès aux contenus d'actualité.

Que se passe-t-il en Australie ?

Face à une proposition de loi visant à obliger les sociétés Internet à payer les organismes de presse, Google a annoncé des accords avec le groupe News Corp., appartenant à Rupert Murdoch, et avec Seven West Media. Aucun détail financier n'a été communiqué. L'audiovisuel public australien, l'Australian Broadcasting Corp., négocie toujours à l'heure actuelle.

Avant la signature de l'accord et en réponse à la législation proposée, Google avait menacé de rendre son moteur de recherche indisponible en Australie.

Selon le ministre des Finances australien, Josh Frydenberg, Google représente 53 % des recettes publicitaires en ligne dans le pays et Facebook 23 %.

Ce jeudi, Facebook a riposté en bloquant l'accès des internautes australiens aux contenus d'actualité sur sa plateforme et en les empêchant aussi d'en partager sur leur profil.

Facebook a déclaré que la loi proposée "ignore les réalités" de sa relation avec les éditeurs de presse qui utilisent son service pour "partager du contenu d'actualité". M. Frydenberg a quand à lui qualifié la mesure de Facebook d'"inutile, brutale" qui va, selon lui, "nuire à sa réputation ici en Australie".

Il a déclaré, selon l'AFP, que son gouvernement demeure "résolument déterminé" à mettre en œuvre son projet de loi destiné à contraindre les plateformes à rémunérer les médias pour la reprise de leurs contenus.

Ce projet a été adopté la semaine dernière par la Chambre des représentants et est désormais devant le Sénat.

Qu'en est-il dans les autres pays ?

La proposition de loi australienne serait la première du genre, mais d'autres gouvernements font également pression sur Google, Facebook et d'autres sociétés du secteur pour qu'ils paient les organes de presse et les autres éditeurs pour leurs contenus.

En Europe, Google a dû négocier avec les éditeurs français après qu'un tribunal ait confirmé l'année dernière une ordonnance stipulant que de tels accords étaient requis par une directive de l'Union européenne de 2019 sur le droit d'auteur.

La France est le premier gouvernement à appliquer cette réglementation, mais la décision laisse entendre que Google, Facebook et d'autres entreprises seront confrontés à des exigences similaires dans d'autres Etats-membres de l'UE.

Google et un groupe d'éditeurs français ont annoncé un accord-cadre permettant à l'entreprise américaine de négocier des accords de licence avec des éditeurs individuels. L'entreprise a récemment conclu des accords avec des médias tels que le journal Le Monde et l'hebdomadaire l'Obs.

L'année dernière, Facebook a annoncé qu'il paierait des entreprises de presse américaines, dont le Wall Street Journal, le Washington Post et USA Today, pour leurs titres. Aucun détail financier n'a été divulgué.

En Espagne, Google a fermé Google News, son site d'information, après qu'une loi de 2014 l'ait obligé à payer les éditeurs.

Pourquoi est-ce important ?

Les développements en Australie et en Europe suggèrent que l'équilibre financier entre ces "géants du Web" , qui pèsent des milliards de dollars, et les organes de presse pourrait être en train de changer. La situation est critique pour beaucoup de ces entreprises. La crise des médias a été aggravée par l'effondrement économique lié à la pandémie. En Australie, des dizaines de journaux ont fermé et des centaines de journalistes ont perdu leur emploi.

L'Australie répond donc aux griefs de nombreux médias, pour lesquels les plateformes devraient partager les revenus, publicitaires ou autres, liés aux reportages, articles de magazines et autres contenus qui apparaissent sur leurs sites web ou qui sont partagés par les utilisateurs.

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Le gouvernement australien est intervenu après que son autorité de régulation de la concurrence ait tenté, sans succès, de négocier un plan de paiement volontaire avec Google. La loi proposée aurait eu pour effet de créer un panel chargé de prendre des décisions contraignantes sur le partage de ces revenus afin de donner aux éditeurs individuels un plus grand pouvoir de négociation face aux "géants" du Web.

Qu'est-ce que cela signifie pour les citoyens ?

L'accord entre le gouvernement australien et Google signifie une nouvelle source de revenus pour les médias d'information, mais on ne sait pas si cela se traduira par une plus ample production journalistique pour les lecteurs, les téléspectateurs et les auditeurs.

Le syndicat des journalistes australiens demande aux entreprises de médias de s'assurer que ces revenus en ligne soient effectivement consacrés au journalisme.

"Tout l'argent provenant de ces accords doit aller dans les rédactions, et non dans les salles des conseils d'administration" des entreprises de presse, prévient aussi Marcus Strom, président de la Media, Entertainment and Arts Alliance. "Nous allons plaider pour une transparence sur la façon dont ces fonds sont dépensés".

La décision de Facebook a déjà des conséquences collatérales bien au-delà des seuls médias. En plus de couper les utilisateurs australiens de Facebook des contenus d'actualité, plusieurs pages Facebook officielles de services de secours servant à alerter la population en cas de feux de brousse, de cyclone ou encore d'épidémie ou sur les derniers développements de la Pandémie de Covid-19 dans le pays ont cessé de fonctionner.

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La directrice de Human Rights Watch Australie, Elaine Pearson, a qualifié ce blocage — qui a également eu un impact sur les organisations non gouvernementales, ainsi que sur la propre page Facebook de HRW — de "virage inquiétant et dangereux".

"Couper l'accès à des informations vitales à tout un pays en pleine nuit est inadmissible", a-t-elle dit.

Sources additionnelles • Traduction et adaptation : Thomas Seymat

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