Pour l'OCDE, "la meilleure des politiques économiques, c'est de vacciner plus et plus vite"

Laurence Boone, OCDE
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Par Julien Pavy
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Pour Laurence Boone, chef économiste de l'OCDE, la reprise économique sera conditionnée à la rapidité de la vaccination. Et sur ce point, les Européens sont en retard.

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Les gouvernements doivent accélérer la vaccination pour soutenir la croissance. C’est la recommandation faite par l’OCDE, qui publiait ce mardi ses dernières perspectives économiques, plutôt encourageantes. L'institution a en effet revu nettement à la hausse ses prévisions pour l'économie mondiale.

L'OCDE revoit à la hausse ses prévisions

En 2021, l'OCDE table désormais sur une progression de 5,6% du PIB (en hausse de plus d'un point par rapport à la précédente estimation en décembre), due en partie au stimulus budgétaire américain et au déploiement de la vaccination.

Pour la zone euro, la révision à la hausse est moins marquée : +3,9% (contre 3,6% en décembre) après un recul de 6,8% PIB européen en 2020.

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L'OCDE revoit à la hausse ses prévisions pour la zone euroeuronews

"Se donner des moyens de guerre contre le virus"

Pour Laurence Boone, chef économiste de l'OCDE, la reprise économique sera conditionnée à la rapidité de la vaccination :

"La meilleure des politiques économiques aujourd'hui, c'est de vacciner plus et plus vite. Si on est en guerre contre le virus, il faut se donner des moyens de guerre, de produire et de distribuer le vaccin. Ce qu'on voit, c'est que quand on est dans un pays comme Israël qui a énormément vacciné, aujourd'hui les restrictions à la mobilité sont parties et l'activité économique est en train de repartir à la vitesse de l'éclair. On voit ça avec les États-Unis, avec le Royaume-Uni. En Europe, on est en retard. Non seulement, on ne produit pas assez, mais en plus, même avec les doses qu'on a en Europe, on ne les utilise pas. Il faut absolument passer à une vitesse de guerre."

Dans un pays comme Israël, qui a énormément vacciné, les restrictions à la mobilité sont parties et l'activité économique est en train de repartir à la vitesse de l'éclair.
Laurence Boone
Chef économiste de l'OCDE

Au 5 mars, près de 60% de la population israélienne avait reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19, contre moins de 10% pour l'Allemagne et la France, moins de 5% pour le Brésil. Ces fortes disparités sur la vaccination et la gestion générale de la pandémie inquiètent l'OCDE :

"Si on ne vaccine pas dans les pays émergents ou à faible revenu, le virus va continuer de circuler, on aura des frontières fermées et des activités de tourisme de loisir ou de travail qui ne fonctionneront toujours pas", souligne Laurence Boone.

Les retards des pays émergents

Parmi les secteurs, qui ont le plus bénéficié de la reprise ces derniers mois : la santé, le numérique et les services de livraison. A l'inverse, toutes les activités liées au tourisme, l'hôtellerie restauration, la culture, l'évènementiel attendent toujours la levée des restrictions pour retrouver des couleurs.

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La vaccination contre le Covid-19euronews

Interview intégrale de Laurence Boone,  chef économiste de l'OCDE

Julien Pavy, euronews : Depuis vos dernières estimations en décembre, vos perspectives de sortie de crise se sont-elles améliorées, notamment pour l'Europe ?

Laurence Boone, OCDE : L'économie mondiale va un peu mieux, la plupart des pays sont en train de renouer avec la croissance (...) Les pays commencent à savoir mieux gérer le virus et la pandémie, les restrictions à l'activité économique, à la mobilité sont un peu moindres, les personnes et les entreprises se sont adaptées. Par ailleurs, on a un stimulus budgétaire américain très très fort qui rajoute un point entier de croissance à l'économie mondiale.

On a un stimulus budgétaire américain très très fort qui rajoute un point entier de croissance à l'économie mondiale.

Julien Pavy, euronews : La rapidité de la reprise économique est-t-elle liée à la rapidité de la vaccination ?

Laurence Boone, OCDE : Ces révisions à la hausse masquent une divergence entre les pays du monde. Il y a d'un côté, les pays qui ont une bonne gestion de la pandémie et un soutien budgétaire assez significatif. Et dans ces pays là, il y a une nouvelle catégorie, celle des pays qui vaccinent très vite avec un fort stimulus budgétaire comme les États-Unis. Il y a d'autres pays qui n'arrivent pas à gérer la situation sanitaire et qui, en plus, n'ont pas forcément les moyens d'avoir un soutien budgétaire à leur population. Je pense aux pays émergents  : Afrique du Sud, Brésil... Et puis, il y a des pays intermédiaires, notamment en Europe, qui ont du mal à gérer la situation sanitaire, qui sont en retard sur la vaccination et qui du coup doivent garder des restrictions de mobilité. Pour ces pays, nous avons finalement revu assez peu nos prévisions de croissance.

Ces révisions à la hausse masquent une divergence entre les pays du monde.

Julien Pavy, euronews : Quelles recommandations faites vous aux gouvernements aujourd'hui pour soutenir cette croissance économique ?

Laurence Boone, OCDE : La meilleure des politiques économiques aujourd'hui c'est de vacciner plus et plus vite. Si on est en guerre contre le virus, il faut se donner des moyens de guerre, de produire et de distribuer le vaccin. En Israël, qui a énormément vacciné, les restrictions à la mobilité ont disparu et l’activité économique est en train de repartir à la vitesse de l'éclair. On voit cela aussi aux États-Unis et au Royaume-Uni. En Europe, on est en retard. Non seulement, on ne produit pas assez, mais en plus, même avec les doses qu'on a, on ne les utilise pas. Il faut absolument passer à une vitesse de guerre.

Si on est en guerre contre le virus, il faut se donner des moyens de guerre, de produire et de distribuer le vaccin.

Julien Pavy, euronews : Quels sont les secteurs d'activité qui montrent depuis plusieurs mois des signes de reprise particulièrement marqués ?

Laurence Boone, OCDE : Quand on regarde à travers le prisme de l'emploi et des heures travaillées, on voit deux secteurs qui sont repartis avec de bonnes couleur. Il y a tout d'abord le secteur de la santé : on a besoin de beaucoup de personnel de santé, de toutes spécialités. Il y a également les secteurs liés au numérique, aux livraisons, au digital. Mais dans les autres secteurs, compte tenu des restrictions, on est en-dessous du niveau d'avant pandémie. En terme d'heures travaillées, on est 5% en-dessous en moyenne et on frôle les 20% à 30%, selon les pays, dans des secteurs comme le tourisme, la restauration, la culture, les grands évènements, les services à la personne. Il est donc urgent de changer cet état de chose.

Julien Pavy, euronews :  Faut-il que les États continuent à soutenir les travailleurs des secteurs les plus impactés, notamment les jeunes?

Laurence Boone, OCDE : Le message que l'on veut envoyer, c'est que c'est n'est pas une question de soutien budgétaire additionnel. Les gouvernement européens ont fait beaucoup, ils ont fait très bien, ils se sont adaptés au fur et à mesure de la crise. En économie, il n'y a rien à redire. En revanche sur la vaccination, on ne fait pas assez. Et donc, on pourra rajouter de l’argent, tant qu'on ne vaccinera pas tout le monde, on ne pourra pas rouvrir l'économie et on aura des personnes au chômage et des entreprises en difficulté.

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Les gouvernement européens se sont adaptés au fur et à mesure de la crise. En économie, il n'y a rien à redire. En revanche sur la vaccination, on ne fait pas assez.

Julien Pavy, euronews : Alors à quand un retour à la normale ?

Laurence Boone, OCDE : Ce retour à la normale dépend de la vitesse de vaccination. Tant qu'il y a le virus, il y aura des restrictions à la mobilité et on ne reprendra pas une vie normale. C'est vrai en France, en Europe et dans les pays émergents. Il s'agit donc de vacciner en Europe beaucoup plus, beaucoup plus vite pour revenir à la normale et aussi dans le reste du monde car si on ne vaccine pas dans les pays émergents ou à faible revenu, le virus va continuer de circuler, on aura des frontières fermées et des activités de tourisme de loisir ou de travail qui ne fonctionneront toujours pas. Donc la réponse est dans les mains de ceux qui organisent la production et la distribution de vaccins.

Le retour à la normale dépend de la vitesse de vaccination.
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