Félix Tshisekedi craint la propagation du "cancer" terroriste islamiste à toute l'Afrique

Félix Tshisekedi
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Par François Chignac
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Relance économique, crise sanitaire, terrorisme et migration, nous avons abordé tous ces thèmes avec Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, en marge du sommet international sur l'Afrique organisé à Paris.

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Les économies africaines ont été durement ébranlées par la pandémie : elles sont entrées en récession pour la première fois depuis 25 ans. Le Fonds monétaire international estime qu'il faudrait 300 milliards de dollars pour que le continent africain sorte de l'ornière. À ce défi économique s'ajoute la crise migratoire, mais aussi les menaces terroristes et la bonne gouvernance. En marge du sommet international sur l'Afrique organisé à Paris le 18 mai, nous avons abordé ces questions avec le président de la République démocratique du Congo qui est également le président en exercice de l'Union africaine, Félix Tshisekedi.

François Chignac, directeur d'Africanews :

"Une vingtaine de chefs d'État africains et des délégations internationales étaient présents au sommet à Paris à l'invitation du président Emmanuel Macron. Les conclusions de ce sommet forment-t-elles la première dose du vaccin nécessaire pour sortir les économies africaines de l'ornière ?"

Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo :

"Je voudrais d'abord, exprimer tous mes remerciements au président français Emmanuel Macron pour cette initiative courageuse et inédite. Pourquoi inédite ? Parce qu'elle a enfin pu associer les Africains à la réflexion sur leur devenir. Jusqu'ici, les décisions étaient prises en l'absence des Africains et elles nous étaient parachutées. Là, nous pilotons ensemble ce processus. Et d'ailleurs, j'aime bien le terme que le président Macron a utilisé : le New Deal. Je sais que la tâche sera dure. Mais j'ai quand même confiance parce qu'à cette conférence, il y avait la présence du président du Conseil européen Charles Michel qui est aussi un africaniste engagé. Nous nous sommes fixés des assignations jusqu'au premier semestre 2022 lors de la présidence française où nous allons sûrement faire le point de la situation lors d'un sommet Union européenne - Union africaine. Et là, on pourra peut-être vous dire si ce qui s'est fait à Paris allait dans la bonne direction."

"Lever 100 milliards d'euros pour l'Afrique, on a vu que c'était possible"

François Chignac :

"Les conclusions de Paris étaient des conclusions sanitaires. Où en est-on véritablement pour renflouer les économies africaines ?"

Félix Tshisekedi :

"La grande nouvelle, c'est la décision sur les droits de tirage spéciaux qui sont évalués à 650 milliards. De ce point de vue, nous sommes restés sur notre faim parce qu'il n'y a que 33 milliards qui à ce stade, sont réservés à l'Afrique. C'est très peu pour 54 pays. Et donc, l'objectif de cette conférence était entre autres de lever jusqu'à 100 milliards et après échanges, on a vu que c'était possible et même d'aller au-delà. L'autre nouvelle, c'est que les leviers par lesquels ces droits de tirage vont être utilisés c'est la Banque africaine de développement (BAD) qui connaît très bien les pays africains et leurs difficultés. Et ce serait un apport considérable pour éponger une partie, en tout cas, des dettes de ces pays africains."

"On ne va pas confiner les Africains en Afrique"

François Chignac :

"Revenons à la crise sanitaire. On a beaucoup parlé de vaccins. Quel est votre sentiment sur les conclusions qui sont intervenues lors de ce sommet ?"

Félix Tshisekedi :

"C'est vrai qu'on ne va pas confiner les Africains en Afrique. Ils seront obligés de bouger, de se mêler aux autres et ils peuvent développer un autre virus, un autre variant du virus qui peut être aussi beaucoup plus virulent et rendre inutile ces vaccinations. Donc, je crois qu'il faut vacciner le plus grand nombre. Et donc un appel a été lancé à ces propriétaires des droits des vaccins. Et ça, ça aura aussi un impact positif sur nos populations qui ont été l'objet de nombreuses manipulations à ce sujet."

François Chignac :

"Il y avait une sorte de défiance sur le continent."

Félix Tshisekedi :

"Exact ! Mais le fait que les Africains aient développé cette résistance contre le virus a fait croire à beaucoup d'entre eux que le virus, c'était pour les autres, mais pas pour nous. Mais c'est une erreur parce que le virus mute. Donc, il faut se protéger."

François Chignac :

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"On a souvent parlé d'un déficit de communication sur le continent africain ?"

Félix Tshisekedi :

"Il y a eu des ratés. Et je pense ici, par exemple, à la décision de suspension par onze pays européens du vaccin AstraZeneca, cela a fait la part belle à ceux qui soutiennent l'idée selon laquelle ce vaccin est dangereux pour les Africains."

"Travailler avec l'Europe pour empêcher ces migrations"

François Chignac :

"Crises sanitaire et économique, mais aussi migratoire. Énormément de migrants sont arrivés sur les côtes espagnoles récemment. En tant que président en exercice de l'Union africaine, avez-vous un dialogue avec l'Union ?"

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Félix Tshisekedi :

"Malheureusement, pas encore, franchement, parce que la réponse de l'Europe est radicale : c'est celle de fermer ses portes. Mais moi, je crois que la réponse de l'Europe devrait être celle de parler avec les Africains dans un premier temps, pour voir de quels pays proviennent la majorité de ces migrants et regarder dans ces pays, comment on peut en travaillant ensemble, empêcher ces migrations, retenir ces jeunes gens qui vont comme cela à l'aventure. La vraie raison, en réalité, de tout cela, c'est le désespoir. Les jeunes Africains croient que l'Europe, c'est l'eldorado et qu'en quittant leur pays, ils pourront trouver le bonheur en Europe. Or l'Europe a aussi ses problèmes. Il faut le leur expliquer d'une part, mais d'autre part, apporter des réponses à leurs problèmes du quotidien. Et l'entrepreneuriat des jeunes est une réponse qui serait efficace."

"Le terrorisme islamiste n'est pas un problème qui touche un seul pays"

François Chignac :

"Allons vers le Mozambique où il y a une menace djihadiste. Comment règle-t-on cette menace sur place ?"

Félix Tshisekedi :

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"Le problème du Mozambique est similaire à celui de l'Est de mon pays. Ce sont des groupes terroristes islamistes qui ont fait d'ailleurs allégeance à Daesh et ce n'est pas un problème qui touche un seul pays. Et la crainte ici, c'est que ce cancer se métastase dans toute la région, tout le continent. Donc, c'est maintenant qu'il faut le prendre à bras le corps. Il ne faut pas attendre. Ce qui s'est passé au Mozambique attire notre attention au plus haut point parce que c'est exactement le même phénomène que nous avons chez nous. Ce qu'il faut faire, c'est qu'étant donné que ces régions sont potentiellement riches en ressources minières et autres, il faut absolument les couper de cet approvisionnement parce que c'est cela qui va alimenter leurs activités. Et donc, nous devons travailler vite, efficacement et en solidarité."

Assassinat du consul italien en RDC : "Ces suspects ont sûrement des mentors"

François Chignac :

"Il y a eu un drame que la communauté internationale et le Congo ont vécu il y a quelques mois avec la mort du consul italien. Je voulais savoir où en étaient aujourd'hui les enquêtes autour de ce décès."

Félix Tshisekedi :

"Les enquêtes continuent. À un moment donné, d'ailleurs, il y avait plusieurs suspects qui avaient été appréhendés. Je crois qu'ils sont en train d'être interrogés pour savoir parce qu'au-delà de ces suspects, il y a sûrement toute une organisation. Ce sont des coupeurs de route qui sont organisés en bandes et qui ont sûrement des mentors. Donc, je crois que c'est toute cette chaîne que l'on doit remonter. Nous avons d'ailleurs la collaboration des services italiens et nous y travaillons d'arrache-pied. C'est terrible. J'ai été vraiment bouleversé par sa mort et cela me motive davantage à rechercher les suspects."

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Transition au Tchad : "Ce n'est pas un blanc-seing que nous donnons"

François Chignac :

"En tant que président en exercice de l'Union africaine, concernant d'autres pays et la transition au Tchad par exemple, vous avez dit il y a quelques jours que cette transition, il fallait véritablement que cela soit réglé de la sorte pour maintenir la stabilité du pays."

Félix Tshisekedi :

"La réponse qui a été donnée et que nous n'avons pas choisie, mais qui a été donnée par les Tchadiens eux-mêmes, c'était une réponse militaire. Donc, pour moi, à partir du moment où elle a amené la stabilité - j'étais à N'Djamena pour les funérailles du président Déby, j'ai vu que le pays était stable, les gens étaient sereins -. Donc à partir du moment où il y avait cela, tant mieux. Ensuite, ce n'est pas un blanc-seing que nous donnons. Nous le disons parce qu'ils ont parlé eux-mêmes d'élections dans 18 mois et nous souhaitons que cette transition soit la plus inclusive possible pour qu'elle ôte tout prétexte à qui que ce soit de dire par la suite : "J'ai été exclu, donc je règle mon sort par les armes". Donc, si tout le monde est dedans, si tout le monde accompagne cette transition, nous aurons des élections libres, démocratiques et transparentes. Nous le souhaitons en tout cas et à ce moment-là, le pays rentrera dans une stabilité définitive."

"Avoir un relais aux Nations Unies"

François Chignac :

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"La République démocratique du Congo a une ambition : celle d'être représentée au Conseil de sécurité des Nations Unies."

Félix Tshisekedi :

"Bien sûr, c'est une ambition pour porter la voix, évidemment, du Congo dans le concert des nations et je crois que c'est une occasion maintenant que nous avons également l'Union africaine, d'avoir un relais au niveau des Nations Unies."

Journaliste • François Chignac

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