L'histoire du masque : une barrière qui a traversé les siècles

Des policiers de Seattle en 1918, pendant la pandémie de grippe espagnole
Des policiers de Seattle en 1918, pendant la pandémie de grippe espagnole Tous droits réservés Wikimedia Commons
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Par Marta Rodriguez Martinezeuronews
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Nous sommes loin d'être les premiers à porter un masque sanitaire. On vous propose un petit retour très loin en arrière.

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Il y a quelques siècles en Europe, frappée par une dernière flambée de peste noire, les médecins portaient des masques bien loin des nôtres. Avec leurs longs becs et leurs lunettes, ils ressemblaient à des corbeaux. Cette extrémité allongée leur permettait de cacher des plantes aromatiques et de se tenir à distance de l'haleine des malades.

Nous sommes au milieu du XVIIe siècle, l'une des pandémies les plus dévastatrices de l'histoire de l'humanité ravage le continent et déjà, le masque est l'une des mesures adoptées pour éviter la contagion.

Quatre siècles plus tard, alors qu'une autre pandémie le traverse, notre continent est une nouvelle fois en train de se démasquer. Presque partout en Europe, il n'est plus obligatoire dans la rue depuis le mois de juin.

De la peste noire au coronavirus

Les masques utilisés pendant la peste noire font aujourd'hui partie du folklore du Carnaval de Venise, mais on constate que leur utilisation ne s'est pas seulement répandue pendant la dernière pandémie. Ils constituaient une mesure préventive contre la propagation des épidémies depuis le Moyen Âge.

"Bien que l'utilisation généralisée des masques faciaux nous semble être une mesure préventive sans précédent, elle a été indiquée de nombreuses fois dans l'histoire lorsque la situation sanitaire l'exigeait", ont expliqué les historiennes Maria et Laura Lara à Euronews. "Les masques, souvent méprisés et moqués, ont beaucoup évolué au fil du temps".

Dans "Les chevaux jaunes, ces maladies que personne n'a vu venir", les historiennes, ont creusé dans les siècles passés pour se pencher sur l'utilisation du masque et ont découvert qu'il remonte au moins au 6e siècle avant J.-C. La preuve en est donnée par les portes des tombes perses, où l'on a trouvé des images de personnes avec des tissus sur la bouche.

"Selon Marco Polo, les serviteurs de la Chine du XIIIe siècle se couvraient le visage avec des foulards tissés", ajoute Laura Lara. "L'idée était que l'empereur ne voulait pas que leur souffle affecte l'odeur et le goût de sa nourriture."

La peste noire, qui a tué au moins 25 millions de personnes entre 1347 et 1351, a consacré le rôle du masque comme outil médical. "Le symbole de la peste, cette image sinistre d'un individu masqué d'un oiseau ressemblant à l'Ombre de la Mort, est apparu dans les derniers soubresauts de la dernière épidémie, au milieu du XVIIe siècle", expliquent les sœurs Lara.

Les historiennes décrivent ce masque comme "sans doute le plus étrange que la médecine ait jamais inventé", en forme de bec d'oiseau, il était accompagné de lunettes, d'une longue robe en toile cirée, de pantalons et de gants en cuir, et d'un bâton pour toucher ou repousser les malades.

Wikimedia Commons
Gravure de Paul Fürst représentant un médecin de la peste à Marseille vers 1721Wikimedia Commons

"Certains croyaient que la maladie se propageait par l'air empoisonné", explique Laura Lara. "Ils essayaient d'empêcher l'air fétide de les atteindre en se couvrant le visage ou en portant des bouquets odorants."

Le bec servait d'espace pour placer des parfums, des épices et des herbes afin de contrer ce que l'on appelle les "miasmes", une théorie abandonnée au XIXe. Pourtant, le bienfait de l'utilisation de masques a été renforcé par la découverte, par le Français Louis Pasteur, de l'existence d'agents infectieux microscopiques.

"Face à ce changement de paradigme, un médecin allemand, Carl Flügge, a montré que ces nouveaux microbes pouvaient être transmis d'individu à individu, même à distance, par des gouttelettes peut-être invisibles", explique l'historienne Maria Lara. "En conséquence, il a demandé au professeur de chirurgie Jan-Antoni Mikulicz Radecki de concevoir un masque"

Il invente alors un "pansement buccal" qui ressemble beaucoup au masque d'aujourd'hui. Mais la compresse laisse la bouche découverte, ne couvrant que le nez et les narines.

Pendant la grippe espagnole : "Portez un masque, sauvez votre vie".

La consolidation de l'utilisation du masque est intervenue au XXe siècle, avec la grippe de 1918, communément appelée grippe espagnole, car l'Espagne, neutre lors de la Première Guerre mondiale, a été le premier pays à signaler l'épidémie.

La pandémie a fait au moins 50 millions de morts dans le monde et l'on pense que les déplacements à la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918) ont accéléré sa propagation.

"Les troupes entassées dans les wagons de train et les camions assuraient la transmission de l'infection hautement contagieuse d'homme à homme", notent les sœurs Lara. "Elle s'est ensuite propagée des gares aux centres-villes, puis aux banlieues et à la campagne".

Les historiennes expliquent que plusieurs entreprises, dont la London General Omnibus Co, ont tenté d'enrayer la propagation de l'infection "en pulvérisant une solution antigrippale sur les trains et les bus et en faisant porter des masques à leurs employés".

Les autorités ont exhorté les gens ordinaires à "porter un masque et sauver votre vie", un slogan qui résonne fortement de nos jours, plus d'un siècle plus tard. "Beaucoup en fabriquaient", ajoutent-elles.

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Quelques années plus tard, la Seconde Guerre mondiale a fixé la norme pour leur fabrication chirurgicale. "On les distinguait alors des appareils de protection respiratoire tels que les masques FFP2/KN95", précisent les historiens.

Au XXe siècle également, les masques ont commencé à s'imposer comme un élément de protection contre la pollution atmosphérique de plus en plus présente dans les grandes villes, deux siècles après le début de la révolution industrielle. "Dans les années 1930, les masques "anti-smog" deviennent aussi de rigueur sur le visage que les chapeaux de feutre sur la tête", soulignent les sœurs Lara.

Les historiens soulignent que le pire épisode de "smog" jamais enregistré s'est produit à Londres en 1952 : "entre le 5 et le 9 décembre, au moins 4 000 personnes sont mortes immédiatement après, et on estime que 8 000 autres sont décédées dans les semaines et les mois suivants".

Eugene Hoshiko/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved
Des personnes masquées à Tokyo, alors que l'état d'urgence sanitaire a été déclaréEugene Hoshiko/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved

Mais son utilisation comme protection contre la pollution n'a jamais été aussi répandue en Europe qu'en Asie.

"Le Japon utilise le masque dans sa vie quotidienne depuis des décennies, voire des siècles", explique Laura Lara_. "Plusieurs analystes soulignent que l'utilisation généralisée du masque, qui est présente dans la société japonaise depuis des décennies, est l'une des raisons expliquant le faible taux d'infections et de décès dus au COVID-19._"

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C'était sans compter sur ce virus, qui fait qu'en Europe, une génération de plus se souviendra d'avoir pris l'habitude de porter un masque dans la rue.

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