En Afghanistan, la chasse aux "traîtres" lancée par les talibans ?

Des talibans patrouillent avec leur drapeau, à Kaboul, Afghanistan, le 19 août 2021
Des talibans patrouillent avec leur drapeau, à Kaboul, Afghanistan, le 19 août 2021 Tous droits réservés Rahmat Gul/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.
Par Stephane HamalianEuronews avec AFP
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D'après un rapport de l'ONU, les talibans effectuent des "visites ciblées porte-à-porte" pour arrêter les personnes ayant travaillé avec les forces étrangères.

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**La crainte que les promesses des talibans de se montrer cléments et tolérants soient sans lendemain grandit ce vendredi, après la publication d'un document confidentiel de l'ONU démontrant qu'ils ont intensifié leur traque des Afghans ayant travaillé avec les forces étrangères.
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Le rapport, rédigé par un groupe d'experts d'évaluation des risques pour l'ONU et consulté jeudi par l'AFP, affirme que les talibans possèdent des "listes prioritaires" de personnes qu'ils souhaitent arrêter.

Les plus à risque sont ceux qui occupaient des postes à responsabilité au sein des forces armées afghanes, de la police et des unités de renseignement, selon le document.

Des "visites ciblées porte-à-porte"

Depuis leur prise du pouvoir dimanche, après une campagne militaire fulgurante, les talibans ont tenté de convaincre le monde et les Afghans qu'ils ne chercheraient pas à se venger de leurs anciens ennemis et qu'ils entendaient œuvrer à la réconciliation nationale.

Mais le rapport de l'ONU montre qu'ils effectuent des "visites ciblées porte-à-porte" chez les individus qu'ils veulent arrêter ainsi que chez les membres de leur famille. Ils filtrent aussi les personnes souhaitant accéder à l'aéroport de Kaboul et ont mis en place des points de contrôle dans les plus grandes villes.

"Nous nous attendons à ce que les individus ayant travaillé pour les forces américaines et de l'Otan et leurs alliés, ainsi que les membres de leurs familles, soient menacés de torture et d'exécutions", a déclaré à l'AFP Christian Nellemann, directeur de ce groupe d'experts, le Centre norvégien d'analyses globales.

Des journalistes ciblés

Des talibans à la recherche d'un journaliste travaillant pour Deutsche Welle (DW) et désormais installé en Allemagne ont ainsi tué mercredi par balle un membre de sa famille et en ont blessé gravement un autre, a indiqué le média allemand.

Selon le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), les talibans ont déjà fouillé cette semaine les domiciles "d'au moins quatre journalistes et employés" de médias, et au moins deux autres ont été frappés à Jalalabad (est).

Plusieurs journalistes ont rapporté avoir été rossés à coups de bâton ou de fouet pendant qu'ils essayaient de filmer dans Kaboul. CNN a publié une vidéo montrant des talibans levant leur fusil comme pour frapper une de ses équipes, avant de s'arrêter là.

Une présentatrice télé afghane, Shabnam Dawran, a lancé un appel à l'aide à la communauté internationale. "Nos vies sont en danger", a-t-elle déclaré dans une vidéo postée jeudi en ligne, après s'être vu interdire de travailler cette semaine.

Le cas des auxiliaires de l'armée française

Face aux craintes de l'ONU, le sort des auxiliaires de l'armée française interroge. Sollicitée par Franceinfo, l'avocate spécialiste en droit des étrangers Magali Guadalupe-Miranda estime qu'entre 80 et 100 auxiliaires seraient concernés, et qu'aucun d'entre eux ne faisait partie des premiers vols d'évacuation de l'armée française.

D'après le journaliste Brice Andlauer, co-auteur de Tarjuman, enquête sur une trahison française, ces auxiliaires ne comprennent pas pourquoi des centaines d'Afghans ont déjà été évacués par la France, et pas eux.

Selon lui, le ministère français des Armées bloquerait le processus par "peur de créer un précédent juridique, manque de coordination, volonté de traiter les dossiers au cas par cas pour ne pas créer une protection automatique des auxiliaires sur les futurs conflits".

Quentin Müller, co-auteur de l'enquête, indique ce vendredi sur Twitter que deux auxiliaires se sont vus refuser la protection fonctionnelle à cause de "notes blanches" douteuses, avancées par le ministère des Armées.

La France a pourtant donné la priorité à trois catégories d'Afghans pour ces rapatriements : les auxiliaires de l'armée française, les employés de sociétés ou organisations françaises et les membres de la société civile qui s'estiment menacés par les talibans.

Des milliers d'Afghans sont encore dans l'attente de fuir le pays, à proximité de l'aéroport de Kaboul, coincés entre les postes de contrôle talibans et les barbelés posés par l'armée américaine.

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