Attentats de Paris : "Ne pas faire le procès avant le procès"

Arthur Dénouveaux, au centre, entouré de la maire de Paris et du Premier ministre français
Arthur Dénouveaux, au centre, entouré de la maire de Paris et du Premier ministre français Tous droits réservés CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP
Par Christophe Garach
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Entretien avec Arthur Dénouveaux, président de l'association des victimes "Life for Paris".

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Quelques jours avant l'ouverture du procès des attentats de Paris, le 8 septembre prochain, Euronews s'est entretenu avec Arthur Dénouveaux, président de l'association Life for Paris, l'une des associations des victimes qui s'est constituée partie civile.

Votre association sera partie civile du procès qui commence au Palais de justice de Paris. Dans quel état d'esprit vous trouvez-vous et qu'attendez-vous de ce procès?

Arthur Dénouveaux : "Concernant l'État d'esprit, c'est une longue attente qui prend fin. On est content que le procès arrive enfin. Il y a évidemment une anxiété assez forte de savoir comment ça va se passer et je pense qu'il faut que ça démarre pour que la pression retombe un peu concernant les attentats. C'est assez difficile d'avoir des attentes élevées pour un procès de terrorisme parce que généralement, les gens dans le box ne sont évidemment pas coopératifs et sont complètement mutiques. Je pense qu'on a des attentes qui sont importantes, mais minimales, qui sont de pouvoir être entendues, que la justice nous entende, que les Français nous entendent et qu'à la fin, on ait un verdict juste et compréhensible. Mais on n'a aucune attente concernant le comportement ou les informations que pourraient révéler les accusés."

A propos justement du principal accusé, Salah Abdeslam, qui est le seul rescapé de ces commandos djihadistes. Salah Abdeslam, vous l'avez dit, s'est muré dans le silence depuis son arrestation à Bruxelles en 2016. Peu importe s’il ne parle pas ?

"Ce procès n'est pas le sien. Dans le box, on a la chance, entre guillemets, d'avoir plusieurs personnes qui ont participé directement au 13 novembre, que ce soit Abrini ou El Bakkali. On a aussi Krayem, un djihadiste suédois qui a participé visiblement à la préparation et à la genèse des attentats en Syrie. Et si on veut attendre quelque chose de ces gens-là, il n'y a pas que Salah Abdeslam qui est important. Mais je crois que l'enquête et l'instruction ont été assez fouillées pour que, même sans coopération de la part des accusés, on arrive à faire jaillir une vérité intéressante."

THOMAS COEX/AFP or licensors
Le Palais de justice de Paris où se tiendra à partir du 8 septembre 2021, le procès des attentats du 13 novembre 2015THOMAS COEX/AFP or licensors

Y a t-il encore des zones d'ombre dans cette gigantesque affaire, selon vous ?

"C'est difficile à dire. Je pense qu'on a les auteurs, les financements et la manière dont ça s'est passé. C’est bien détaillé dans l'instruction, on pourrait éventuellement se poser des questions sur comment est-ce que ça a effectivement pu se passer? Comment est-ce que finalement, tous ces djihadistes ont réussi à rentrer en Europe et à déjouer le réseau de surveillance de différents pays ? C'est une question qui reste, mais ça renvoie à la complexité de ce procès. Est-ce que c'est le procès des gens dans le box ? Le procès du 13 novembre, le procès de Daesh ? Le procès des services de renseignement ? Le procès de la politique extérieure en Syrie ? C'est une question qui, finalement, ne nous revient pas à nous, parties civiles, mais revient beaucoup plus à la justice."

Justement, votre association a cité comme témoin à la barre l'ancien président français François Hollande. Pourquoi lui ?

"Précisément, il y a une dimension politique dans le 13 novembre à beaucoup de niveaux, que ce soit de manière pratico-pratique, il y a une réponse politique forte. Cet attentat vient en écho à celui de janvier 2015 à Charlie Hebdo l'Hyper Cacher. Et donc, il y a un contexte politique qu'il faut comprendre. En tant que chef de l'Etat à l'époque, François Hollande avait aussi une vue à la fois sur les services de renseignement, sur les OPEX (opérations extérieures, ndlr). Et donc, c'est lui qui a la plus grande hauteur de vue sur l'avant, le pendant et l'après 13 novembre. Ça nous paraissait important qu'il vienne parler. Au-delà de ça, c’est quelque chose qui est assez peu connu, François Hollande s'est beaucoup impliqué auprès des victimes. Personnellement, et même depuis qu'il n'est plus président, il en reçoit encore régulièrement dans son bureau, rue de Rivoli. Et ça nous paraissait aussi important qu'un homme d'État vienne parler de la manière dont il perçoit la souffrance des victimes du 13 novembre."

Dans les questions que vous vous posez, vous-même ou votre association, est-ce ce que vous pensez que l'Etat français a failli dans la préparation, l'anticipation de ces dramatiques attentats ?

"Ecoutez, je ne veux pas du tout faire le procès avant le procès. C'est difficile d'avoir une opinion là-dessus. Je pense quand même que nos services de renseignement ont déjoué un grand nombre d'attentats ces derniers temps. Moi, je fais un parallèle avec un chirurgien. Évidemment, la moindre erreur et on coupe et donc je pense qu'il faut poser la question sous cet angle-là. Oui, il y a forcément eu des ratés. Pourquoi le 13 novembre arrive ? Est-ce que ces ratés font partie, statistiquement, du nombre de ratés acceptables pour des services de renseignement ? C'est comme ça que je poserai la question et je crois que c'est difficile de répondre."

THOMAS COEX/AFP
La salle d'audience spéciale du Palais de justice de Paris où se tiendra à partir du 8 septembre 2021, le procès des attentats du 13 novembre 2015THOMAS COEX/AFP

Face à ce procès hors norme, historique, qui va durer des mois jusqu'au mois de mai 2022, en plus d'être filmé pour les archives, pour l'histoire, ce procès va mettre à la disposition des victimes, des parties civiles une web-radio. Ecouter ce procès dans son intimité, chez soi, tout seul. C'est une bonne idée pour les victimes de ces attentats. Vous vous en faites partie, vous étiez au Bataclan ?

"Je crois qu'il n'y a pas de bonne solution. Il faut reconnaître que la technologie fait que maintenant, les procès d'une telle ampleur font l'objet de « live » sur différents sites Internet, ils font l'objet de « live tweet ». Et que donc, de toute façon, de chez soi, on peut avoir un compte rendu quasi en direct de l'audience. Et c'est en faisant ce constat, honnêtement, qu'on a eu la discussion avec la Cour d'appel de dire écoutez si les parties civiles ne peuvent accéder quand elles sont chez elles au procès que par ce biais-là, c'est à dire comme tout citoyen français. Il y a quelque chose qui ne va pas et il faut quand même leur permettre d'avoir un accès privilégié. Mais on est tout à fait d'accord que cet accès privilégié comporte des risques et écouter des débats, écouter des témoignages glaçants tout seul chez soi, ça peut avoir des effets psychologiques dévastateurs sur des victimes déjà fragilisées. C'est pour cela qu'il y a un dispositif psychologique qui existe avec une hotline et des décrochages en région pour que toute partie civile qui écoute la radio et qui ne se sent pas bien puisse parler à un psychologue proche de chez lui immédiatement."

Propos recueillis par Christophe Garach pour Euronews.

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