"Garder de l'amour" : au procès des attentats du 13 novembre, les récits poignants des victimes

La salle d'audience dédiée au procès des attentats du 13 novembre au sein du Palais de justice de Paris
La salle d'audience dédiée au procès des attentats du 13 novembre au sein du Palais de justice de Paris Tous droits réservés BENOIT PEYRUCQ/AFP or licensors
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Par Euronews avec AFP
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Quatrième journée dédiée aux témoignages des rescapés des attentats du #13 novembre ce vendredI. Des femmes et des hommes qui ont souvent encore du mal à se reconstruire.

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Mesurer la "chance d'être là": au procès des attentats du 13-Novembre, des rescapés de la fusillade au restaurant Petit Cambodge, gravement blessés par des armes de guerre, ont raconté jeudi leur combat du "côté de la vie".

Le soir du 13 novembre 2015, "il faisait bon, c'était la joie". Alice, une voltigeuse de 23 ans, vient de retrouver après une longue séparation son frère Aristide, de trois ans son aîné, rugbyman professionnel en Italie.

"On décide d'aller au Petit Cambodge parce que c'est bon le Petit Cambodge", sourit légèrement Alice, petit gabarit à la barre, les bras crispés sur le pupitre face à la cour d'assises spéciale de Paris.

"Je me souviens d'avoir marqué une pause pour regarder autour de moi. C'était beau de voir toute cette place pleine de vie"
Aristide
Survivant de l'attaque au bar le Carillon

Le jeune homme poursuit son récit. Une voiture arrive, un homme sort. "Il ressemblait énormément à un ami à moi mais il avait une kalachnikov dans les mains", relate toujours sans animosité Aristide, les mains nouées dans son dos.

Par "réflexe", l'ancien demi d'ouverture plaque sa sœur au sol et se couche sur elle pour la "protéger des balles". Alice est touchée d'une balle au bras gauche. Aristide en reçoit trois, à la poitrine, à la cuisse et à la cheville, ainsi que "plusieurs centaines de morceaux de balle dans la jambe qui ont complètement arraché mes tendons". "Il ne répondait plus, j'ai attendu une heure avec lui, je lui parlais, ma priorité c'était de le sauver, de le maintenir en vie", complète Alice.

Sur les bancs des parties civiles, le silence s'est fait. Des larmes coulent sur certains visages, des corps se rapprochent pour se tenir épaule contre épaule.

"Se battre pour garder de l'amour"

Le bras d'Alice, la voltigeuse, est "cassé à vie", elle ne sent plus sa main, mais elle s'est "battue deux ans en centre de rééducation" pour revenir sur la piste et "continuer à faire rêver les gens".

Aristide a dû se résigner à "tourner le dos" à sa carrière de haut niveau: "ma vie était une montagne de douleurs physiques et psychiques (...) Je n'y arrivais plus".

Malgré leurs "cicatrices", visibles ou invisibles, les corps toujours "cabossés", Alice et Aristide ont "choisi le côté de la vie". Se battre "pour garder de l'amour et de la joie", lance la sœur. Rester "positif, en ne tombant pas dans la colère et dans la haine", rajoute son frère.

Aristide ne ressent "aucun désir de justice individuelle" et place "énormément d'espoir et de confiance" dans ce procès, "persuadé que la justice est une réponse pour créer une base sur laquelle on va avancer".

"La haine ça accroche"

Se succédant à la barre, d'autres rescapés des terrasses et des proches de victimes ont livré à la cour des messages d'espoir et de tolérance.

Malgré "une lutte permanente pour garder une part de vie", Yann, blessé au Petit Cambodge, n'a "pas envie de vivre dans la haine". Tournant très rapidement la tête vers le box des accusés, il ajoute: "Parce que la haine ça accroche et je n'ai pas envie, excusez-moi messieurs, de vous avoir dans ma tête".

Claude, blessé à La Bonne bière, a lui aussi un mot pour les accusés, "et en particulier" pour Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts et 350 blessés à Paris et Saint-Denis.

Le principal accusé, qui a depuis le début du procès justifié à plusieurs reprises les attentats par l'intervention militaire française contre le groupe Etat islamique en Syrie, s'était également permis d'appeler au "dialogue" pour éviter de nouvelles attaques.

"Si vous êtes prêt à dialoguer et à regretter, moi je suis prêt à pardonner. Mais un pardon, cela va demander à vous et à moi un sacré bout de chemin (...) Encore faut-il que vous le vouliez et que vous ayez le courage d'être des hommes", lance Claude en regardant bien fixement le box.

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