Naufrage dans la Manche : 27 migrants morts, 5 passeurs suspects arrêtés

Bateau de migrants s'apprêtant à traverser la Manche depuis le Nord de la France, le 16/10/2021
Bateau de migrants s'apprêtant à traverser la Manche depuis le Nord de la France, le 16/10/2021 Tous droits réservés MARC SANYE/AFP or licensors
Par Olivier Peguy avec AFP, AP
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Au moins 27 migrants sont décédés ce mercredi dans le naufrage de leur embarcation dans la Manche, au large de Calais, selon un dernier bilan revu à la baisse par le ministère français de l'Intérieur.5 passeurs suspects ont été arrêtés.

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Au moins 27 migrants sont décédés ce mercredi dans le naufrage de leur embarcation dans la Manche, au large de Calais, selon un dernier bilan revu à la baisse par le ministère français de l'Intérieur.Quatre passeurs suspects ont été arrêtés ce mercredi et un cinquième l'a été ce jeudi.

Le naufrage et les opérations de secours

« Vers 14h, un pêcheur a signalé la découverte d'une quinzaine de corps flottant au large de Calais. Un bâtiment de la Marine nationale a repêché plusieurs corps, dont cinq personnes décédées et cinq inconscientes, selon un bilan provisoire », a indiqué le ministère français de l'Intérieur.

Dans la soirée, le bilan a été revu à la hausse : au moins 31 morts, avant d'être ramené à 27 morts
L'embarcation était partie de Dunkerque.

Les opérations de sauvetages se sont poursuivies jusqu'en début de soirée. Selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, trois hélicoptères et trois bateaux participaient aux recherches.

D'après le quotidien français La Voix du Nord, l’embarcation aurait été percutée par un gros navire, a priori un porte-conteneur.

Le parquet de Dunkerque a annoncé à l'AFP l'ouverture d'une enquête pour "aide à l'entrée au séjour irrégulier en bande organisée" et "homicide involontaire aggravé".

Arrestation de passeurs suspects

S'étant rendu sur place à Calais, le ministre français de l'Intérieur a annoncé en début de soirée l'arrestation de quatre passeurs suspectés d'être "directement en lien" avec le naufrage.

"Je veux ici dire que les premiers responsables de cette ignoble situation sont les passeurs", a ajouté Gérald Darmanin. Il a également appelé à une "réponse internationale coordonnée très dure" devant ce drame "qui nous touche tous".

Ce jeudi matin, le ministre français de l'Intérieur a indiqué qu'une cinquième personne avait été arrêtée, suspectée d'être également un passeur en lien avec le naufrage.

Réactions à Paris

"La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière", a affirmé dans la soirée Emmanuel Macron. Le président français demande le "renforcement immédiat des moyens de l'agence Frontex aux frontières extérieures" de l'UE, selon un communiqué de l'Elysée.

Le chef d'Etat réclame également "une réunion d'urgence des ministres européens concernés par le défi migratoire" et assure que "tout sera mis en oeuvre pour retrouver et condamner les responsables" de ce drame.

"Si nous n'amplifions pas dès aujourd'hui nos efforts, d'autres tragédies se reproduiront", prévient-il.

Pour cela, "nous devons accélérer le démantèlement des réseaux criminels en lien avec la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne".

Et ce jeudi matin, le locataire de l'Elysée "fait savoir" à Boris Johnson lors d'un entretien téléphonique "qu'il attendait des Britanniques qu'ils coopèrent pleinement et qu'ils s'abstiennent d'instrumentaliser une situation dramatique à des fins politiques".

"Le Président de la République a insisté sur la nécessité d'agir dans la dignité, dans le respect et dans un esprit de coopération efficace s'agissant de vies humaines", a ajouté la présidence française, précisant que "les ministres de l'Intérieur français et britannique s'entretiendront jeudi à ce sujet".

Réactions à Londres

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, avait déclaré mercredi soir sur Sky News que les efforts face à la crise migratoire n'avaient pas été "suffisants", disant avoir "eu des difficultés à persuader certains de (ses) partenaires, en particulier les Français, d'agir à la hauteur de la situation".

Et mercredi soir, Boris Johnson avait convoqué une réunion interministérielle de crise à la suite de ce drame. A l'issue de cette réunion, il s'est dit "choqué, révolté et profondément attristé" par cette tragédie dans la Manche, assurant vouloir "faire plus" avec la France pour décourager les traversées illégales.

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La députée conservatrice de Douvres, Natalie Elphicke, a déploré "une tragédie absolue". "Cela montre bien que pour sauver des vies en mer, il faut d'abord empêcher les bateaux d'entrer dans l'eau", a-t-elle déclaré, appelant à "mettre fin à ces traversées dangereuses".

Les précédents drames dans la Manche

Ce drame est le plus meurtrier depuis l'envolée en 2018 des traversées migratoires de la Manche, face au verrouillage croissant du port de Calais et d'Eurotunnel emprunté jusque-là par les migrants tentant de rallier l'Angleterre.

  • 2021 : avant ce naufrage, le bilan des décès depuis le début de l'année 2021 s'élevait à trois morts et quatre disparus.

  • 2020 : six morts et trois disparus.

  • 2019 : quatre morts.

La Manche et les passeurs

Cela fait plusieurs mois que la côte sud de l'Angleterre est confrontée à des arrivées records de migrant traversant illégalement la Manche, souvent par le biais de passeurs.

Depuis le début de l'année, il y en a eu plus de 25 700, selon l'agence Press Association, soit trois fois plus que sur la totalité de 2020.

Les tentatives de traversées migratoires de la Manche à bord de petites embarcations ont doublé ces trois derniers mois, avait mis en garde vendredi dernier le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Philippe Dutrieux, dans un entretien avec l'AFP.

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Au 20 novembre, 31 500 migrants avaient quitté les côtes depuis le début de l'année et 7 800 migrants avaient été sauvées, avait-il affirmé. Une tendance, avait-il remarqué, qui n'a pas baissé malgré les températures hivernales.

M. Dutrieux explique notamment ce phénomène par "le cynisme des organisations qui sont derrière ces passages, qui jettent à l'eau des migrants parce que c'est une entreprise qui rapporte bien".

La Manche, "cimetière à ciel ouvert"

Ces traversées attisent régulièrement les tensions entre Paris et Londres, les autorités britanniques estimant insuffisants les efforts entrepris côté français pour empêcher les candidats à l'exil d'embarquer malgré le versement d'aides financières.

Les Français, qui réfutent ces accusations, rétorquent que Londres rechigne à effectivement délier les cordons de la bourse.

« Les gens meurent dans la Manche qui est en train de se transformer en cimetière à ciel ouvert, comme la Méditerranée. Tant que l'Angleterre sera en face, les gens continueront à traverser », s'est alarmé Pierre Roques, coordinateur de l'Auberge des Migrants, une association de Calais.

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