L'extrême droite au Portugal entre controverse et tentative d'ancrage

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Par Nuno Prudêncio
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Entrée au Parlement en 2019 avec un seul député, l'extrême droite portugaise affiche un visage controversé après les excuses de son leader pour des propos polémiques, mais espère gagner du terrain dans les urnes lors des législatives du 30 janvier.

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Le quartier délabré de Jamaica à Seixal près de Lisbonne est connu pour les centaines de familles africaines qui y résident et pour des incidents entre habitants et policiers ces dernières années. Il est au cœur d'un fait politique sans précédent au Portugal : le président du parti d'extrême droite Chega André Ventura a dû présenter des excuses publiques sur décision de justice pour avoir l'an dernier, qualifié de "bandits", une famille d'habitants qui avait posé aux côtés du président portugais lors de sa visite sur place en 2019. Les résidents en question avaient poursuivi André Ventura pour discrimination fondée sur la couleur de la peau et la position socio-économique.

Malgré les excuses, André Ventura a rapidement dit après sa condamnation qu'il était "en violent désaccord" avec le jugement du tribunal tout en soulignant qu'il ne voulait pas conduire le parti dans "un gouffre juridique et financier."

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La famille Coxi a obtenu la condamnation d'André Ventura pour discriminationeuronews

Quel poids dans le pays ?

Si le parti Chega, à travers son leader, suscite de nombreuses critiques, cela n'arrête pas la formation qui ambitionne lors des élections législatives du 30 janvier, de devenir la troisième force politique du pays. Pour y parvenir, elle espère s'appuyer sur ses soutiens du précédent scrutin de 2019.

Dans la petite ville de Santo Isidoro, à 50 km de Lisbonne, Chega a enregistré des scores élevés lors des dernières élections locales et présidentielles en se plaçant respectivement, troisième et deuxième. Mais trouver sur place, un électeur qui reconnaît avoir voté pour ce parti n'est pas chose facile.

Une passante âgée nous donne son avis : "Les représentants [de Chega] disent beaucoup de choses, les gens les écoutent, tout le monde les écoute, mais je ne crois pas que ces extrémistes réussiront. Ils vont rester au niveau où ils sont," affirme-t-elle. Une jeune habitante précise pour sa part : "Dans mon groupe d'amis et de connaissances et dans les conversations au quotidien, même quand on parle des élections, je ne peux pas vous dire qui sont les électeurs de ce parti, ni qui défend ce genre d'idées car par ici, personne ne connaît de gens radicaux."

Les électeurs locaux ont pourtant contribué à l'entrée au Parlement en 2019, de la formation d'extrême droite avec l'élection de son président André Ventura en tant que député unique de Chega.

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Élu député en 2019, le président de Chega André Ventura est le premier représentant de son parti à siéger au parlement portugaiseuronews

"L'extrême droite a changé de visage"

Projet de journalisme d'investigation, Soixante-Quatorze a étudié le phénomène de radicalisation. Récemment, ses membres ont infiltré pendant trois mois, la version portugaise des "Proud Boys", mouvement d'extrême droite américain. Pour les journalistes Filipe Teles et Ricardo Cabral Fernandes qui font partie de Soixante-Quatorze, l'extrême droite est moins infréquentable que par le passé, ce qui pourrait lui valoir de nouveaux sympathisants.

"L'exception portugaise qui voulait qu'il n'y avait pas d'extrême droite au Portugal était en réalité, un mythe," selon Filipe Teles. "La percée de Chega s'est produite dans le contexte de l'essor de l'extrême droite au niveau européen et international, avec l'élection de Jair Bolsonaro et de Donald Trump et la progression de Marine Le Pen en France et puis, en Espagne, Vox était aussi entré au parlement avant Chega," fait-il remarquer.

Son collègue Ricardo Cabral Fernandes ajoute : "C'est une extrême droite qui a changé de visage, ses membres ne ressemblent pas aux skinheads, en jeans et avec la tête rasée ; aujourd'hui, ils ont un costume-cravate et une barbe bien taillée. Certains affirment qu'ils ne sont pas d'extrême droite," poursuit-il, "mais en même temps, ils disent des choses d'extrême droite, ils jouent sur cette ambiguïté et ensuite, font comme s'ils étaient les victimes. Les idées sont toujours là même si elles ne sont pas dites explicitement," fait-il remarquer. Un constat qui pourrait être fait dans d'autres pays européens à l'approche de grandes échéances électorales.

Journaliste • Nuno Prudêncio

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