La présidente du Parlement européen à propos de la Russie : "les dictateurs ne nous diviseront pas"

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Par Sandor ZsirosEuronews
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Élue en janvier, la nouvelle présidente du Parlement européen livre à Euronews sa vision de la crise en Ukraine, la nouvelle loi qui conditionne le versement des fonds de l’Union et l'avenir de cette dernière.

Euronews a rencontré la nouvelle présidente du Parlement européen, Roberta Metsola le jour où la Cour européenne de Justice a approuvé le "mécanisme de conditionnalité". Il s'agit d'un règlement permettant de geler le versement de fonds européens aux États membres qui ne respectent pas les principes de l'Etat de droit.

Notre journaliste Sándor Zsiros a conduit cet entretien.

Sandor Zsiros : S'agit-il d'une étape cruciale dans la lutte contre la corruption ?

Roberta Metsola : Absolument. La décision prise aujourd'hui était très attendue. Nous avons passé des mois à demander des explications claires et le rejet d'une plainte déposée par deux États membres contre un principe fondamental que le Parlement européen était très désireux de négocier, et qu'il a réussi à négocier au cours des discussions sur le cadre financier pluriannuel. Le résultat est le suivant : en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre, alors le versement de fonds européens est suspendu. Et ce n'est pas notre seule décision, nous exigeons à présent de la Commission européenne des résultats concrets et tel sera le chemin emprunté par une large parti du parlement aujourd'hui.

Sándor Zsiros : La Hongrie et la Pologne disent que ce mécanisme est une arme politique contre eux à cause de leur visions conservatrices et non libérales. Qu'en pensez-vous ?

Roberta Metsola : En tant qu'avocate, j'ai toujours considéré que l'institution judiciaire devait être respectée, tant du point de vue de son indépendance que de son interprétation du droit européen. Ce que nous avons obtenu aujourd'hui est une interprétation d'une décision prise par les institutions européennes. Soit, par le Parlement européen, le Conseil de l'Europe et la Commission européenne qui a lancé la procédure. A partir de là, je pense que tous les États membres devraient respecter cette décision.

**Sándor Zsiros :**Le Parlement européen critique depuis un moment la Hongrie pour sa régression démocratique. Comment voyez-vous la situation quelques semaines avant les élections hongroises ? Pensez-vous que ces élections peuvent être libres et transparentes au vu des circonstances ?

Roberta Metsola : Je ne m'aventurerai pas à prédire le résultat de ces élections. Ceci dit, je vous assure que le Parlement européen les suit de très peu et s'assure que la démocratie est préservée, que les institutions ont la possibilité de remplir leurs fonctions et qu'il n'y a pas d'interférence politique.

Le jour où Daphne Caruana Galizia a été assassinée, le parlement européen a su qu'il fallait agir à propos des règles de l’État de droit, sur la protection des journaliste et la liberté de la presse
Roberta Metsola
Présidente du Parlement européen

Sándor Zsiros : Évidement, le "mécanisme de conditionnalité" ne concerne pas que la Hongrie et la Pologne, par exemple chez vous à Malte, une journaliste d'investigation a été tuée. Quel est votre opinion concernant l'enquête menée par les autorités maltaises, pensez-vous que l'Etat a des responsabilités ?

Roberta Metsola : Le jour où Daphne Caruana Galizia a été assassinée, le parlement européen a su qu'il fallait agir à propos des règles de l’État de droit, sur la protection des journaliste et la liberté de la presse. Il y a 4 ans, Jan Kuciak et sa fiancée Martina Kusnirova ont été assassinés en Slovaquie. Cela a entraîné une série de résolutions, des visites en Slovaquie et une pression sur la Commission européenne. Au final, un rapport objectif sur les valeurs européennes qui regarde partout où il y aurait des choses à corriger mais aussi à la création d'un rapport complexe sur lequel j'ai travaillé, pour la commission des libertés civiles sur le procès stratégique contre la participation du public, pour lequel nous attendons que la Commission présente une proposition. Est-ce suffisant ? Ce n'est jamais assez. Pourrons-nous un jour faire revenir Daphné et Ján ? Bien sûr que non, mais le moins que l'on puisse faire est de s'assurer que ce Parlement défendra toujours la liberté des médias. Ce Parlement défendra toujours la protection des journalistes et fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer que la justice est rendue, et pas seulement en apparence, mais réellement, et que la vérité que Daphne et Ján recherchaient dans leurs enquêtes, que nous recherchons, est enfin connue.

Les dictateurs ne nous diviseront pas. Tous ceux qui veulent déstabiliser l'Union européenne ne le font que pour nous diviser.
Roberta Metsola
Présidente du Parlement européen

Sándor Zsiros: Il y a une autre crise dans le voisinage européen, les troupes russes sont toujours aux portes de l'Ukraine. Quel est votre message pour Vladimir Poutine ?

Roberta Metsola : Notre message était très clair. D'abord, les dictateurs ne nous diviseront pas. Tous ceux qui veulent destabiliser l'Union européenne ne le font que pour nous diviser. Le message de ce Parlement, mais aussi du débat avec les présidents du Conseil de l'Europe et de la Commission est que nous sommes unis et insisteront toujours pour la désescalade. Nous rappelons que nos résolutions se sont penchées sur la Russie et la possibilité de la mise en place de sanctions. Nous exprimons notre solidarité avec l'Ukraine et nous indiquons très clairement qu'en cas d'escalade des tensions, le Parlement, en accord avec les autres institutions, fera en sorte qu'une réponse immédiate, rapide, solide soit mise en place. Nous avons également voté aujourd'hui sur une aide macro-financière de 1,2 milliard d'euros à l'Ukraine. Le Parlement a été très rapide dans cette démarche, il va non seulement continuer de le faire, mais il était important pour nous d'envoyer ce message de solidarité concrète et rapide au peuple ukrainien.

Sándor Zsiros : Lorsque vous voyez les différents intérêts des Etats membres et députés européens, pensez-vous que cette unité en matière de politique étrangères va durer ?

Roberta Metsola : Je suis convaincue qu'avec la bonne gouvernance, un langage et des négociations bien menées, nous pouvons trouver de nombreux terrains d'entente dans ce Parlement. Bien sûr, cette institution rassemble des personnes d'horizons politiques différents, de groupes politiques différents. Mais ce que nous avons vu ces derniers jours et ces dernières semaines, c'est la capacité d'avancer vers une réponse unie et concrète. A l'instar de ce que nous avons vu pour le Bélarus avec l'envoi de messages de soutien très fort à l'opposition bélarusse. En nous assurant également que nous envoyons des messages ferme au régime illégitime du Bélarus. Pour nous, ce parlement s'exprime beaucoup et j'ai l'intention de poursuivre cette voie au cours des deux prochaines années et demie de ma présidence.

il faut aussi prendre en compte le fait que plus de la moitié de ses membres (du Parlement) sont nouveaux et n'ont quasiment jamais fait parti d'un Parlement.
Roberta Metsola
Présidente du Parlement européen

Sándor Zsiros : Comment voyez-vous le futur du Parlement européen ? Et comment considérez-vous sa place au sein de l'Union européenne ?

Roberta Metsola : Les deux dernières années ont été un défi pour le Parlement européen, d'abord du point de vue de sa visibilité. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que plus de la moitié de ses membres sont nouveaux et n'ont quasiment jamais fait parti d'un Parlement. Je me souviens lorsque je suis arrivée il y a 9 ans et que j'ai vu en personne, les couloirs remplis de personnes, une session plénière très active, des discussions animées qui mènent à des conclusions législatives avec des déclarations politiques parfois très affirmées. En ce moment, nous sommes en train de regarder la fin progressive des mesures sanitaires exceptionnelles avec lesquelles nous nous sommes habituées à vivre, dans le même temps, nous nous assurons que nous pouvons profitez des avancées technologiques que nous avons atteintes au cours de cette pandémie. Le parlement a été très efficace pour passer d'un mode de fonctionnement avec des membres en parti présents sur place à un mode de fonctionnement en ligne. Comment pouvons-nous continuer de permettre cette flexibilité tout en préservant le côté solennel de cette institution, de ses sessions plénières et ses décisions ? Cela compte aussi pour la relation entre les institutions européennes. Mais comme vous pouvez le voir, nous sommes très présents, nous sommes très visibles, nous faisons porter nos voix et je ne doute pas que cela ne fera que s'amplifier à mesure que nous nous rapprocherons des élections de 2024.

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