La justice britannique autorise l'expulsion de migrants vers le Rwanda

Manifestation contre le projet de renvoi de demandeurs d'asile, Cour royale de justice de Londres, le 10 juin 2022
Manifestation contre le projet de renvoi de demandeurs d'asile, Cour royale de justice de Londres, le 10 juin 2022 Tous droits réservés Frank Augstein/Copyright 2022 The Associated Press. All rights reserved
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Par Stephane HamalianEuronews avec AFP
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À quelques jours des premiers départs prévus, la justice britannique a autorisé vendredi le projet controversé du gouvernement de renvoyer au Rwanda des demandeurs d'asile.

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À quelques jours des premiers départs prévus, la justice britannique a autorisé vendredi le projet controversé du gouvernement de renvoyer au Rwanda des demandeurs d'asile, rejetant le recours d'associations de défense des droits humains.

Le juge de la Haute Cour de Londres Jonathan Swift, qui examinait l'affaire en urgence, a déclaré qu'il était "important dans l'intérêt public que la ministre de l'Intérieur puisse mettre en oeuvre des décisions de contrôle de l'immigration".

"Politique brutale"

Les plaignants, dont les associations Care4Calais et Detention Action, ont interjeté appel, qui sera entendu lundi à la veille d'un premier vol transportant une trentaine de demandeurs d'asile vers le pays d'Afrique de l'Est, au grand dam de l'ONU et d'associations d'aide aux réfugiés qui dénoncent une politique "illégale".

Lundi, la Haute Cour doit aussi entendre un autre recours, intenté par l'association d'aide aux réfugiés Asylum Aid.

James Nichol, avocat et administrateur de l'association Care4Calais, a dénoncé une politique "brutale" visant "des gens qui viennent de pays déchirés par la guerre" et "sont déjà traumatisés".

Sonya Sceats, directrice générale de l'association Freedom From Torture, a également exprimé sa "déception", mais souligné que le combat était "loin d'être terminé".

Même si elle s'attend à d'autres recours en justice, la ministre de l'Intérieur Priti Patel a exprimé sa détermination à mettre en oeuvre cette stratégie qui doit selon elle "au final, sauver des vies". Le Premier ministre Boris Johnson a lui assuré que cela contribuerait "à briser le modèle commercial de ces criminels impitoyables".

10 000 traversées de la Manche depuis le début de l'année

En envoyant des demandeurs d'asile à plus de 6 000 kilomètres de Londres, ce qui rappelle la politique menée par l'Australie, le gouvernement compte dissuader les arrivées clandestines dans le pays, toujours plus nombreuses.

Depuis le début de l'année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse considérable par rapport aux années précédentes, déjà record.

L'évêque de Douvres, une des villes du sud-est de l'Angleterre où arrivent les migrants après avoir traversé la Manche, Rose Hudson-Wilkin, a exprimé sa "honte d'être britannique" et sa "colère".

"Nous créons un système de réfugiés à deux niveaux.(...) Si vous avez l'air un peu différent, alors nous ne voulons pas de vous ici, vous allez au Rwanda. C'est mal", a-t-elle déclaré à Times Radio.

Ce projet est aussi vu par l'opposition rwandaise comme un moyen pour Londres de se débarrasser de ses responsabilités.

"Nous avons des milliers de jeunes rwandais qui n’ont pas de travail, si vous n’arrivez pas à donner du travail à votre propre population, à vos jeunes, si la jeunesse rwandaise n’a pas de travail, comment le gouvernement peut promettre du travail à ces réfugiés qui vont venir ici au Rwanda ?" dénonce Victoire Ingabire, présidente du parti développement et liberté pour tous, non reconnu par Kigali.

"La Grande-Bretagne critique le gouvernement rwandais sur la matière des droits de l’homme mais en même temps ils amènent les gens dans le pays (Rwanda) qu’ils critiquent eux même que ce pays ne respecte pas les droits de l’homme donc c’est le monde à l’envers" renchérit-elle.

L'opposition travailliste voit dans ce projet est une tentative de "diversion" face aux scandales politiques affaiblissant le Premier ministre Boris Johnson.

Le Prince Charles a lui aussi jugé, en privé "consternant" le projet du gouvernement britannique, a rapporté samedi le quotidien The Times.

Lors de l'audience, l'ONU a vivement condamné la stratégie du gouvernement par la voix de son avocate. Représentant le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), Laura Dubinsky a déclaré que l'agence onusienne s'inquiétait du risque de "préjudice grave et irréparable" causé aux réfugiés renvoyés au Rwanda, et n'approuvait "en aucun cas l'arrangement anglo-rwandais".

"Le HCR n'est pas impliqué dans l'arrangement entre le Royaume-Uni et le Rwanda, malgré les affirmations contraires de la ministre d'Etat", a-t-elle souligné, accusant le gouvernement de mensonges.

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Selon l'organisation Care4Calais, 35 Soudanais, 18 Syriens, 14 Iraniens, 11 Egyptiens mais aussi 9 Afghans ayant fui les talibans font partie des plus de 130 demandeurs d'asile qui se sont vus notifier leur possible départ.

Autres vols prévus

L'avocat du gouvernement britannique, Mathew Gullick, a indiqué que 32 migrants doivent être envoyés au Rwanda la semaine prochaine et que d'autres vols devraient suivre.

Le Rwanda, dirigé par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts, selon l'ONU, est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.

Vendredi, 23 ONG ont appelé les dirigeants du Commonwealth à faire pression sur le Rwanda, qui accueille à partir du 20 juin une réunion de l'organisation, pour que ce pays libère des critiques du pouvoir et permette une plus grande liberté d'expression.

Pour autant, le ministère de l'Intérieur britannique se dit "déterminé" à mettre en oeuvre son projet, martelant qu'il est "pleinement conforme au droit international et national".

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Le gouvernement a laissé entendre que les demandeurs d'asile pourraient s'installer définitivement au Rwanda.

Au Hope Hostel, à Kigali, qui se prépare à les accueillir, le gérant a souligné que son établissement "n'est pas une prison" mais un hôtel dont les résidents seront "libres" de sortir.

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