António Guterres : "La guerre en Ukraine démontre que nous devons accélérer la transition verte"

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Par Sérgio Ferreira de Almeida
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Présent à Lisbonne à l'occasion de la Conférence de l'ONU sur les océans 2022, son Secrétaire général António Guterres évoque l'urgence climatique qui selon lui, s'accentue du fait de la guerre en Ukraine. Il appelle les dirigeants politiques et économiques à prendre des mesures drastiques.

À l'heure où la lutte contre le changement climatique n'est plus autant d'actualité du fait de la guerre en Ukraine, les Nations Unies organisent à Lisbonne, l'édition 2022 de la Conférence sur les océans.

À cette occasion, le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres nous répond. Il souligne l'urgence climatique qui selon lui, s'accentue du fait de la guerre en Ukraine et expose les efforts de son organisation en vue de résoudre l'insécurité alimentaire accrue par ce conflit.

Sérgio Ferreira de Almeida, euronews :

"Comment pouvons-nous replacer la lutte contre le changement climatique en tête de l'ordre du jour international ?"

António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies :

"En faisant tout notre possible pour y parvenir et en soulevant la question autant que possible sur tous les fronts. Et s'agissant de la guerre en Ukraine, elle démontre à quel point il aurait été important que ces dernières décennies, nous investissions massivement dans les énergies renouvelables. Si nous l'avions fait, nous ne serions pas aujourd'hui à la merci du secteur des combustibles fossiles avec des prix extrêmement élevés qui dégradent la qualité de vie des gens et la situation de nombreux pays en développement. Donc si la guerre en Ukraine démontre une chose, c'est bien que nous devons accélérer la transition verte. Ce qui signifie que nous devons lutter beaucoup plus efficacement contre le changement climatique."

"Investir dans les énergies fossiles est un suicide"

Sérgio Ferreira de Almeida :

"Mais on constate que des dirigeants dans le monde investissent de nouveau dans les énergies fossiles. Comment les convaincre ?"

António Guterres :

"C'est un suicide et j'espère que les gens comprendront que le suicide n'est pas vraiment la meilleure manière de faire face à l'avenir."

Sérgio Ferreira de Almeida :

"C'est dur de convaincre des gens ordinaires confrontés à des problèmes d'alimentation et d'énergie qu'ils doivent donner la priorité à la lutte contre le changement climatique. Comment y parvenir ?"

António Guterres :

"Tout d'abord, nous devons essayer de résoudre ce problème de l'insécurité alimentaire. C'est pourquoi nous sommes si impliqués dans les efforts qui visent à créer les conditions permettant aux produits alimentaires ukrainiens, d'une part, et aux produits alimentaires et engrais russes, d'autre part, d'avoir accès aux marchés mondiaux, précisément pour améliorer la situation et entraîner une baisse des prix. Et je crois qu'il existe d'autres initiatives concernant les prix de l'énergie. Mais évidemment, dans cette situation, surtout avec des combustibles fossiles qui sont aussi chers, c'est une bonne raison de les utiliser le moins possible. C'est dans l'intérêt de tout le monde. C'est dans l'intérêt de tous de continuer à lutter avec détermination contre le changement climatique car c'est la seule façon dans des situations similaires à l'avenir, d'éviter cette dépendance considérable à l'égard de l'instabilité des marchés des combustibles fossiles."

"Nous devons aboutir à un accord global pour l'accès des produits alimentaires ukrainiens et russes aux marchés mondiaux"

Sérgio Ferreira de Almeida :

"On voit aussi que les mers et les océans sont également utilisés comme une arme. La mer Noire est utilisée comme une arme et il y a des jeunes - par exemple, à cette Conférence - qui alertent sur la présence de mines dans les océans. Que pouvons-nous faire contre cela ?"

António Guterres :

"Tout d'abord, concernant le transport maritime depuis les ports ukrainiens. C'est exactement l'objectif du plan de l'ONU qui a été présenté aux Russes et aux Ukrainiens avec le soutien de la Turquie. Nous espérons qu'il sera bientôt possible d'organiser à Istanbul, une réunion à quatre sur la base des différentes consultations menées notamment au niveau bilatéral par les représentants de l'armée de ces trois pays pour parvenir à un accord permettant l'exportation des céréales ukrainiennes. Dans le même temps, nous espérons aussi que les autres pays faciliteront les exportations de denrées alimentaires et d'engrais russes car certes, il n'y a pas de sanctions sur les denrées alimentaires et les engrais, mais il existe des complications en matière de transport maritime, d'assurance et de paiements qui doivent être réglées. C'est la raison pour laquelle nous sommes en contact étroit avec l'Union européenne, les États-Unis et la Russie pour aboutir à un accord global permettant l'accès des produits alimentaires et des engrais ukrainiens et russes aux marchés mondiaux."

"La Russie est présente à cette Conférence"

Sérgio Ferreira de Almeida : 

"La Russie est un acteur important dans la lutte contre le changement climatique. Est-ce possible de ré-impliquer les Russes pour qu'ils aident le monde dans ces efforts ?"

António Guterres :

"La Russie est présente ici à la Conférence sur les océans. Je pense que toute l'humanité a un intérêt vital à lutter contre le changement climatique. Tous les pays doivent en faire leur priorité."

Sérgio Ferreira de Almeida :

"Lors de cette Conférence à laquelle participent des jeunes, vous vous êtes excusés du fait que votre génération avait trop contribué à cette situation."

António Guterres :

"Ma génération est responsable du fait que nous sommes en guerre avec la nature et confrontés au changement climatique et que la situation n'est pas sous contrôle. Nous aurions dû considérablement réduire les émissions au cours de ces dernières décennies. Et les prévisions basées sur les engagements actuels des États membres du monde entier font état - encore en 2030 - d'une augmentation des émissions : ce qui est suicidaire, totalement inacceptable. S'agissant des océans, nous sommes encore en train de perdre la bataille de leur préservation : il y a le réchauffement et l'acidité causés par le changement climatique, la disparition des coraux et de la biodiversité, la surpêche, la pollution plastique et d'autres formes de pollution toxique qui font que la vie a totalement disparu de plusieurs zones côtières. Donc nous sommes encore en train de perdre la bataille de la préservation des océans et nous devons inverser le cours des choses. Ma génération, en effet, n'a pas été capable de voir - ou n'a pas voulu voir quand il le fallait - que la situation devenait incontrôlable."

"Les dirigeants économiques ont une immense responsabilité"

Sérgio Ferreira de Almeida :

"Avez-vous bon espoir que dans un avenir proche, les dirigeants mondiaux comprennent l'urgence d'agir ?"

António Guterres :

"Encore une fois, ce n'est pas une question d'optimisme ou de pessimisme. Je suis déterminé à faire tout mon possible pour convaincre les responsables politiques, mais aussi les dirigeants du monde économique... Rappelons que le secteur des combustibles fossiles a dépensé des milliards et des milliards pendant des décennies en pseudo-science, en relations publiques et dans toute forme de lobbying pour tenter de persuader le monde que le changement climatique n'était pas si grave et que les combustibles fossiles ne créaient pas les problèmes qu'ils engendrent réellement. Un peu comme l'industrie du tabac l'avait fait quelques décennies auparavant. Donc les dirigeants économiques ont aussi une immense responsabilité. Et tous les responsables - qu'ils soient du monde politique ou du monde économique - doivent comprendre qu'il y a urgence et que cette urgence nécessite des mesures drastiques."

Journaliste • Sérgio Ferreira de Almeida

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