Du cinéma à la guerre : les milles vies du réalisateur ukrainien Oleg Sentsov

Le cinéaste oleg Sentsov
Le cinéaste oleg Sentsov Tous droits réservés AFP
Par Euronews avec AFP
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Le cinéaste de 46 ans s'est engagé dans l'armée dès le 24 février pour défendre son pays face à l'agresseur russe.

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Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreux ukrainiens ont laissé leur vie derrière eux, pour s'engager au sein de l'armée bleue et jaune. C'est le cas d'Oleg Sentsov, réalisateur de renommée internationale.

Le 24 février, Oleg Sentsov abandonne sa caméra. Il fait aujourd'hui partie des forces spéciales ukrainiennes, et officie dans la région de Kramatorsk. 

Grand, imposant dans son treillis militaire, le réalisateur âgé de 46 ans raconte d'une voix égale le chemin qui l'a mené du cinéma aux geôles de Vladimir Poutine, puis aux tranchées du Donbass.

"J'ai eu plusieurs vies, et je ne regrette rien", déclare-t-il dans un entretien à l'AFP pendant son jour de congé à Kramatorsk, centre administratif de l'Est de l'Ukraine où la guerre fait rage depuis des mois.

Oleg Sentsov, réalisateur entre autres des films Gamer (2011) et Rhino, présenté au festival de Venise en septembre dernier, a toujours été un homme engagé.

Actif à Kyiv dans le mouvement pro-européen du Maïdan durant l'hiver 2013-2014, qui a provoqué la fuite d'un président ukrainien pro-russe, puis en Crimée, dont il est originaire, annexée par Moscou au printemps 2014, il est arrêté la même année et condamné en Russie à 20 ans de réclusion pour "préparation d'actes terroristes".

J'ai pris un peu de repos dans une prison russe, je suis revenu au cinéma. Aujourd'hui je suis dans l'armée. je ne sais pas ce que je ferai dans 10 ans, car j'ai changé de vie plusieurs fois.
Oleg Sentsov

Envoyé dans un bagne sibérien, le réalisateur, qui fait une longue grève de la faim, est finalement libéré en 2019 dans un échange de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie.

Son cas avait fait l'objet d'une mobilisation internationale, notamment dans le milieu du cinéma avec des réalisateurs comme Ken Loach, Pedro Almodovar, Wim Wenders. Et il reçut en 2018, pendant sa détention, le prix Sakharov du Parlement européen.

"J'ai commencé ma carrière de réalisateur à 30 ans passés, j'ai pris un peu de repos dans une prison russe, je suis revenu au cinéma, et aujourd'hui je suis dans l'armée", résume le réalisateur.

Mise à l'épreuve

"J'ai emmené ma famille à Lviv, puis je suis revenu m'engager dans la défense territoriale à Kyiv", alors sous la menace des troupes russes, explique-t-il.

Sans formation militaire, le réalisateur passe quelques semaines sur des checkpoints, avant d'aller en première ligne au nord de la capitale menacée.

Depuis, il n'a cessé de se former, d'"apprendre", insiste-t-il, et il a rejoint une unité des forces spéciales chargée d'abattre les hélicoptères et les drones russes.

"Je fais partie d'une unité de renseignement de soutien et de défense des groupes opérant notamment les Stinger", des lance-missiles sol-air utilisés pour atteindre les appareils volant à basse altitude, expliqueSentsov.

Le cinéma lui manque-t-il ? "C'est une partie de ma vie, importante, mais seulement une partie", répond Sentsov qui n'a pas vu son président Volodymyr Zelensky s'adresser au festival de Cannes en mai dernier.

"Aujourd'hui je vis dans un monde totalement différent, où tout a à voir avec la guerre", poursuit l'ex-cinéaste, qui a vécu les combats de près. Le mois dernier, la position sur laquelle il se trouvait près de Bakhmout, au sud-est de Kramatorsk, a été anéantie par une frappe. "Nous n'avons pas pu ramener tous les corps", affirme-t-il.

Mais "au bout du compte, l'Ukraine vaincra, car elle mène une guerre pour son existence", assène Oleg Sentsov.

La vie est plus grande que le cinéma
Oleg Sentsov

"Poutine et la fédération de Russie n'admettent pas que l'Ukraine et les Ukrainiens ne sont plus une colonie, mais un pays indépendant", poursuit-il en fustigeant les "visions claustrophobe, xénophobe et impériale" de Moscou.

Le cinéaste devenu combattant continue toutefois à vivre et à aimer. Début juillet, il s'est marié à Kyiv avec une avocate.

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"La guerre est une véritable mise à l'épreuve, et tu te délestes des choses inutiles. Seules les choses cruciales demeurent : l'amour, la famille, et les enfants pour qui tu te bats", dit-il. Et, pour lui, "la vie est plus grande que le cinéma".

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