Nucléaire : le convoi maritime de plutonium de la France vers le Japon retardé

Un conteneur de MOX lors des manouvres de chargement au port de Cherbourg, au petit matin le 7 septembre 2022
Un conteneur de MOX lors des manouvres de chargement au port de Cherbourg, au petit matin le 7 septembre 2022 Tous droits réservés JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Par Vincent Coste avec AFP
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Un seul des containers contenant du MOX, un combustible nucléaire produit avec des matériaux radioactifs retraités qui était arrivé sous escorte policière au port de Cherbourg, a pu être chargé sur un navire spécialement adapté pour ce type de transport en raison d'un problème technique.

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Une opération sous haute sécurité s'est déroulée en France dans la nuit de mardi à mercredi. Du MOX, un combustible nucléaire contenant du plutonium fabriqué à partir de matériaux retraités, est arrivé sur le port de Cherbourg, dans le département de la Manche au nord-est de la France. Mais en raison d'un problème technique, le chargement n'a pas pu prendre la mer vers sa destination finale, le Japon. 

Des associations de défense de l'environnement ont vivement critiqué cette opération. Pour Greenpeace, ce type de transport est ainsi "scandaleux et dangereux". 

Ces substances très radioactives ont été transportées dans la nuit à bord de deux camions dans des emballages sécurisés, depuis l'usine Orano de La Hague, à 20 km de Cherbourg, jusqu'au port, a précisé l'entreprise. Le convoi est arrivé vers 03h45 sur le port.

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Conteneur de Mox, lors des manouvres de chargement, le 6 août 2022, dans le port de Cherbourg.SAMEER AL-DOUMY/AFP

Peu après 6h, un premier emballage de combustible a été chargé à bord du Pacific Egret, un bateau de la compagnie maritime britannique spécialisée PNTL (Pacific Nuclear Transport Limited) qui a "une longue expérience" de ce type de transport, selon Orano. Le groupe français et son client japonais, la firme Kepco, sont d'ailleurs actionnaire de PNTL. Un second navire de la compagnie britannique, le Pacific Heron, doit également prendre part au convoi maritime. 

Mais dans la journée un problème technique a contrarié les opérations de chargement. Orano a ainsi indiqué que le second emballage de MOX n'avait pas pu être chargé en raison d'une panne sur un portique de levage.

La compagnie a ajouté que ce second conteneur avait été renvoyé vers le site de La Hague. Le transport vers le pays du Soleil Levant sera organisé "dans les meilleurs délais" lorsque que le portique sera réparé. Orano a également indiqué que le Pacific Egret, avait  "rejoint une zone d’attente en haute mer", le temps qu'une date pour un nouveau départ soit fixée. 

"Déconfiture générale" de la filière nucléaire selon les ONG

Pour Greenpeace, le problème rencontré par Orano met en lumière la "déconfiture générale" de la filière nucléaire avec notamment la moitié des réacteurs français à l'arrêt. Cet "aller-retour" de MOX entre La Hague et Cherbourg est une première, selon l'ONG. "C'est hallucinant", a ainsi bondi Yannick Rousselet de Greenpeace France. 

"Un bateau chargé de MOX va aller faire des ronds dans l'eau pendant qu'ils font un aller-retour avec un conteneur de MOX sur les 40 km" de route qu'emprunte le convoi entre Cherbourg et La Hague, s'est ainsi exclamé ce militant. Pour ce dernier, cette situation signifie mobiliser à nouveau le système de sécurité "énorme" qui encadre ce transport et faire "prendre des risques considérables à la population". 

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Véhicules de police ayant encadré le transport du MOX de La Hague vers Cherbourg, le 7 août 2022SAMEER AL-DOUMY/AFP or licensors

La justice avait, sur requête d'Orano, interdit à quiconque d'approcher à moins de 250 mètres du convoi routier. qui avait acheminé le MOX de La Hague vers Cherbourg sous peine de sanctions financières. Les camions en charge du transport avaient été ainsi encadrés par de nombreux véhicules des forces de l'ordre.

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Gendarme déployé sur le port de Cherbourg lors des opérations de chargement de containers de MOX à bord d'un navire spécialement conçu pour ce type de transport, le 7/9/2022JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

De plus, Orano avait indiqué que "des forces armées de police britannique" se trouveront "à bord" des navires pendant le transport maritime qui doit durer un peu plus de soixante jours sans escales. 

MOX et prolifération nucléaire ?

Dans un communiqué, des associations de défense de l'environnement comme France nature environnement (FNE) avaient dit "s'opposer au retour du plutonium" qui peut selon elles "contribuent à la prolifération de l'arme atomique".

Le MOX est composé à 8% d'oxyde de plutonium et à 92% d'oxyde d'uranium, selon Orano.

"Dans un monde aujourd'hui extrêmement déstabilisé, en crise aussi bien avec la Russie qu'avec la Chine et Taïwan, transporter des matières aussi dangereuses d'un point de vue de la prolifération nucléaire est complètement irresponsable", avait de son côté estimé fin août Yannick Rousselet.

Selon Orano, "le plutonium contenu dans le MOX n'est pas le même que celui utilisé par les militaires".

Pour Greenpeace, "on peut parfaitement" fabriquer une bombe avec ce plutonium. Le plutonium est "le plus grand radiotoxique du monde", selon l'organisation.

Mais pour Orano, le MOX est un combustible nucléaire qui permet le recyclage de combustibles usés. Il est fabriqué à partir de matières issues des combustibles irradiés dans les centrales pour fabriquer de l'électricité.

Il ne représente toutefois que 10% du combustible utilisé dans les centrales françaises, selon l'entreprise.

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Le Pacific Egret à quai dans le port de Cherbourg, le 7 septembre 2022JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Le MOX chargé à Cherbourg a été fabriqué dans l'usine Melox d'Orano, dans le département du Gard, à partir de combustibles irradiés au Japon. Avant ce chargement, sept avaient été déjà opérés depuis le port normand vers l'archipel nippon. 

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En mai 2020, Orano avait signé un contrat avec la compagnie japonaise NFI portant sur la fabrication de "32 assemblages combustibles MOX" destinés aux réacteurs 3 et 4 de la centrale nucléaire de Takahama, exploitée par Kepco. Les deux entreprises étaient déjà liées par un précédent contrat de même envergure.

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