Crise de l'énergie : les limites du modèle durable de Malmö en Suède

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Par Valérie Gauriat
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Face à la hausse des prix de l'énergie, le modèle durable de la Suède est-il un exemple à suivre ? Notre reporter Valérie Gauriat a pu constater à Malmö que tout n'est pas vert au pays de la conscience écologique.

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Recyclage, énergie verte, sobriété, quelles recettes adopter en temps de crise énergétique et d’urgence climatique ? Notre reporter Valérie Gauriat s'est rendue dans la ville de Malmö, en Suède, réputée comme un modèle d'économie durable, pour tenter de trouver des réponses.

Tous deux designers industriels et enseignants, Olof Kolte et son épouse Yuki Tango sont fiers du potager qu'ils cultivent dans l'un des jardins familiaux de la ville de Malmö, au sud de la Suède. Une manière pour eux de préserver l’environnement en produisant une partie des aliments qu’ils consomment avec leurs deux enfants. Un goûter s'improvise dans leur jardin. "Les pommes dans le gâteau viennent d'ici," me fait remarquer Olof. "Le raisin aussi," renchérit Yuki.

Une famille exemplaire

"On essaie de produire autant de nourriture que l'on peut pour notre famille," précise le père de famille. "C'est bien pour les enfants aussi," poursuit sa compagne. "Ils voient comment poussent les choses naturellement et à quelle saison," dit-elle.

"Le but du système alimentaire mondial est de pouvoir tout fournir, à tout moment, n'importe où dans le monde," poursuit Olof. "Mais quand les prix de l'énergie grimpent et qu'il y a de l'insécurité, c'est un système très instable," estime-t-il avant d'ajouter : "Cela fonctionne tant que l'on utilise beaucoup d'énergies fossiles, mais quand il n'y en a pas ou qu'on ne devrait pas les utiliser parce que le climat se détraque, alors il faut bien sûr trouver d'autres manières de se procurer de la nourriture."

Dans leur appartement du centre-ville, Olof et Yuki s’efforcent aussi de suivre un mode de vie durable. "On essaie d'acheter le plus de choses possibles sans emballages," me fait remarquer Olof en me montrant ses étagères de produits achetés en vrac et stockés dans des pots en verre, avant de m'ouvrir les tiroirs et les placards de sa cuisine pour m'indiquer le système de tri des déchets de la famille entre le papier et les journaux, le verre, le métal, le plastique et les déchets organiques. Ces derniers "serviront à produire du biocarburant,"  précise Olof.

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Olof et Yuki cultivent leurs propres fruits et légumes dans leur jardin familialeuronews

Une gestion des déchets partiellement durable

Ce carburant produit à partir de déchets organiques fait tourner l'essentiel de la flotte de camions poubelles de la ville de Malmö.

Issaka, éboueur, m'explique le chemin emprunté par ce qu'il collecte. "On va aller jeter les déchets dans un endroit d'où ils seront recyclés en biocarburant et ce sera utilisé pour les camions, donc rien ne sera gaspillé !" me lance-t-il. "C'est la beauté de la chose, cela me procure beaucoup plus de joie à faire ce métier," m'assure-t-il.

Je me rends dans l'usine en question où sont traitées plus de 600 000 tonnes de déchets par an, provenant des 14 communes de la région, mais aussi importés de toute l'Europe. Transformés en boue liquide, les déchets organiques sont convertis en carburant dans une autre entreprise. Le reste alimente le réseau urbain en énergie.

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L'usine de l'entreprise Sysav à Malmö alimente le réseau urbain en énergie en incinérant une partie des déchetseuronews

"Nous fournissons près de 70% du chauffage urbain de la ville de Malmö," me précise Ann Nerlund, chargée de communication sur l'environnement au sein de l'entreprise Sysav en charge du traitement des déchets. "Pour l'énergie, nous produisons environ 270 000 mWh d'électricité par an," ajoute-t-elle.

Je lui demande si cette production est vraiment écologique. "Nous incinérons les déchets : cela produit bien sûr du dioxyde de carbone, d'origine biologique et fossile," reconnaît-elle. "Donc on essaie par exemple d'extraire le plastique des déchets combustibles et on travaille aussi sur la capture et le stockage de carbone," .

Cette semaine-là, l'entreprise organisait une présentation publique de la première usine de tri automatisé de textiles usagés au monde, installée dans ses locaux l'an dernier. Triés par couleurs et par fibres à l’aide de capteurs optiques, quelques 24 000 tonnes de déchets textiles peuvent être traitées chaque année et recyclées plus efficacement par les industriels du secteur. Une technologie prometteuse à l’échelle européenne où quelque 4 millions de tonnes de déchets textiles sont brûlées ou jetées dans des décharges chaque année.

Une longueur d'avance dans les transports propres...

Habitat intelligent, énergies renouvelables, transports propres, la ville de Malmö explore toutes les allées de l'économie durable depuis la crise pétrolière des années 1970. Une philosophie qui a façonné le quotidien des habitants.

Le vélo est ainsi, un moyen de transport prisé à Malmö qui compte 560 kilomètres de pistes cyclables. Il représente plus d'un quart du trafic urbain dans cette ville de quelques 340 000 habitants.

65% des bus de la ville roulent à l'électricité et le reste au biocarburant, l'objectif étant de passer au tout électrique d'ici 2030.

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À Malmö, le vélo représente plus d'un quart du trafic urbaineuronews

... Et dans la lutte contre le gaspillage alimentaire

La conscience verte suédoise est aussi au menu d'un restaurant en vogue d'un célèbre éco-quartier de Malmö. Sur place, les deux plats du jour quotidiens sont cuisinés exclusivement avec des aliments invendus par la grande distribution et les producteurs et voués à être jetés.

Ancien chef deux étoiles au Guide Michelin, le fondateur et chef du restaurant Spill veut lutter contre le gaspillage alimentaire.

Selon l'ONU, un tiers des aliments produits pour la consommation humaine, soit plus d'un milliard de tonnes, sont jetés chaque année.

"Nous voulons montrer le problème," m'indique le chef Erik Andersson Mohlin. "Aujourd'hui, on produit trop de nourriture, on n'en prend pas soin et on n'utilise pas tout ce que l'on produit," constate-t-il. "Je ne crois pas que l'on soit la solution à nous seuls, mais la solution est de changer le système," insiste-t-il.

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"On doit aussi faire fonctionner cet endroit comme une entreprise : on a entre 220 et 300 clients par jour, donc ça marche bien." 

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Le chef Erik Andersson Mohlin engagé dans la lutte contre le gaspillage alimentaireeuronews

La Suède est elle aussi victime de la hausse des prix de l'énergie

Depuis une trentaine d’années, les politiques menées à Malmö ont permis de réduire la consommation d'énergie de 40%.

Mais la ville n'échappe pas à l'impact de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie. Indexés sur les cours du marché européen, et aussi du fait de la baisse des ressources locales, ils ont été multipliés par quatre depuis le début de l'année.

"Chaque année, on surproduit de l'électricité en Suède et donc, on exporte," m'explique Jonas Kamleh, conseiller en stratégie pour la transition climatique et énergétique à la Ville de Malmö.

"Actuellement, on ne produit pas assez pour assurer à la fois, notre propre consommation d'énergie et nos exportations vers l'Europe parce que la demande est très élevée sur les marchés européens," ajoute-t-il. "Du coup, les prix de l’énergie continentaux se répercutent aussi dans le Sud de la Suède," indique-t-il.

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"Il faut changer notre mode de vie, sinon on ne s'en sortira pas"

La sobriété énergétique est à l'ordre du jour en Suède comme ailleurs. Pour Olof et Yuki, c'est en tout cas, la seule option possible.

"L'économie mondiale tourne à 85% à l'énergie fossile et maintenant, on essaie de remplacer ces 85% par autre chose," estime le père de famille. "La plupart des énergies dites alternatives, le solaire, l'éolien, sont aussi très dépendantes de l'industrie fossile, je pense que la seule façon d'avancer est de réduire de manière drastique notre consommation d'énergie," souligne-t-il. "Tant qu'on n’acceptera pas qu'il faut changer notre mode de vie, on ne s'en sortira pas," conclut-il.

Une prise de conscience qui passe aussi par l'éducation. Située dans un quartier défavorisé de Malmö, l'école Apelgårdsskolan fait partie d'un projet éducatif axé sur le développement durable, chapeauté par la ville et la Société suédoise de conservation de la nature Dans le cursus scolaire, les questions environnementales sont indissociables des réalités sociales et économiques.

"Notre école essaie d'inciter les élèves à changer les choses, en matière de durabilité, environnementale ou sociale," m'indique Caroline Sjölin, principale de l'établissement. "Dans tous nos cours, on relie nos enseignements aux réalités et problèmes concrets de ceux qui sont vraiment concernés, en lien avec les objectifs durables," poursuit-elle.

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Mehmoona, élève de l'école Apelgårdsskolan, appelle sa génération à agir pour la paix et le climateuronews

Les plus grands défis pour leur génération, disent les élèves, sont les conflits armés et le changement climatique. "Nous allons grandir sur cette planète,"  constate Mehmoona, une élève de 14 ans. "Je préférerais vivre dans un monde propre où les gens s’entendent, plutôt que de voir des innocents mourir," dit-elle avant de conclure : "Il y a encore des gens qui essaient de rendre le monde meilleur, malgré tous les problèmes. Si on pouvait faire partie de ces gens, ce serait une bonne chose," lance-t-elle dans un sourire.

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Journaliste • Valérie Gauriat

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