Le Premier ministre polonais dénonce "l'égoïsme" de certains pays de l'UE sur l'énergie

Le Premier ministre polonais dénonce "l'égoïsme" de certains pays de l'UE sur l'énergie
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Par Efi Koutsokosta
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Sur euronews, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki dénonce "l'égoïsme" de certains pays de l'UE sur l'énergie, se dit choqué par le Qatargate au Parlement européen et critique la "brutalité" de la Commission à l'égard de la Hongrie et de son pays.

L'Union européenne est frappée par un scandale au cœur de ses institutions, et ce à un moment crucial où la guerre menée par la Russie en Ukraine se poursuit et où des décisions essentielles doivent être prises pour les citoyens européens. Dans le même temps, les dirigeants des États membres ne parviennent toujours pas à trouver une réponse à la crise énergétique. Dans cette interview pour Euronews enregistrée à Bruxelles le 14 décembre 2022, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, nous livre son point de vue.

Qatargate : "Des comportements scandaleux"

Efi Koutsokosta, Euronews :

"Abordons tout d'abord, le récent scandale dit du "Qatargate" avec la corruption présumée de fonctionnaires européens, y compris l'implication d'une vice-présidente du Parlement européen. Quand vous avez appris la nouvelle, avez-vous été choqué ? Et qu'est-ce que tout cela vous inspire ?"

Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais :

"J'ai été très choqué et j'ai pris connaissance de certains détails de cette affaire. J'espère que l'État de droit sera rétabli au Parlement européen et que l'on aura des explications sur tous ces comportements scandaleux."

"Des pays européens alimentent la machine de guerre russe"

Efi Koutsokosta :

"Alors que les citoyens européens assistent à ce drame politique, nous constatons que l'UE, après des mois de discussions interminables, est toujours dans l'impasse concernant la gestion de la crise énergétique. Les ministres européens ont échoué une nouvelle fois cette semaine. Faut-il s'attendre à une avancée prochainement ?"

Mateusz Morawiecki :

"Je n'en suis pas si sûr car je constate que certains pays qui doivent gérer cette crise du point de vue des prix du gaz et du pétrole le font de manière très, très égoïste. Ils ne voient pas la situation dans son ensemble. Ils ne voient pas l'impact direct des ressources naturelles et des prix sur l'Ukraine car ils alimentent les machines de guerre russes qui doivent cesser d'agir le plus rapidement possible. Et la Pologne a toujours été l'un des pays - l'un des très rares pays - qui ont été les plus radicaux sur le renforcement très rapide des paquets de sanctions, parce que nous étions d'avis que plus vite nous nous attaquerions réellement à la machine de guerre russe, plus vite la paix - une paix de qualité - serait réinstaurée en Europe."

"Nous sommes encore loin de trouver un compromis sur le plafonnement des prix du gaz"

Efi Koutsokosta :

"Mais s'agissant de toutes ces négociations sur le plafonnement des prix du gaz, comment pouvez-vous expliquer aux citoyens qui voient leurs factures monter en flèche que les dirigeants de l'Union ne peuvent pas trouver de solution ?"

Mateusz Morawiecki :

"Tout-à-fait. Il y a quelques mois, en avril, mai et juin, plusieurs pays dont le nôtre, la Pologne ont fait pression sur la Commission européenne et sur certains pays du Nord de l'Europe en particulier, dans une action commune avec l'Italie et l'Espagne. Nous avons essayé de mettre en place de l'aide, de trouver le dénominateur commun approprié, disons-le ainsi, parce que nous savions que la solution sur le plafonnement des prix du gaz devait être trouvée quelque part entre nos attentes et certaines attentes de l'Allemagne, des Pays-Bas et des autres. Cependant, la manière dont ils se sont obstinés à bloquer cette question est très inquiétante selon moi car je pense que nous sommes encore loin de trouver un compromis sur le plafonnement des prix du gaz."

Efi Koutsokosta :

"L'Allemagne et les Pays-Bas sont donc responsables de cette impasse ?"

Mateusz Morawiecki :

"Je ne mets personne en cause. Je signale simplement que la solidarité au sein de l'ensemble de l'Union européenne consiste à trouver le plus rapidement possible, un dénominateur commun et pas toujours le plus petit dénominateur commun."

"Nous pouvons faire pression sur nos partenaires"

Efi Koutsokosta :

"La sécurité énergétique du continent est-elle en danger pour cet hiver et les prochains ?"

Mateusz Morawiecki :

"Absolument. L'Union européenne est une véritable puissance économique. Nous pouvons aussi dicter une conduite - l'expression est peut-être trop forte -, nous pouvons faire pression sur nos partenaires - je ne fais pas allusion à la Russie ici, je fais allusion à d'autres pays - pour faire en sorte que nous aboutissions à des accords à moyen ou long terme sur le gaz, à un prix approprié et indépendant des énormes fluctuations et spéculations comme nous en avons connues en août et septembre de cette année."

"La Russie n'a pas besoin de "garanties", elle les a déjà, dans ses mains"

Efi Koutsokosta :

"La guerre en Ukraine se poursuit, sans perspective de résolution pacifique. Le président français, Emmanuel Macron, a déclaré que les Occidentaux devraient envisager de donner des garanties de sécurité à la Russie pour mettre fin à la guerre. Est-ce une option réaliste ?"

Mateusz Morawiecki :

"Je crois que la Russie, en tant que superpuissance, certes affaiblie, mais disposant toujours d'une arme nucléaire et d'une armée puissante, n'a pas vraiment besoin de "garanties" car elle les a déjà, dans ses mains. Le seul pays qui a besoin de soutien et de garanties pour sa souveraineté et sa sécurité, c'est l'Ukraine. C'est pour cela que selon moi, il serait approprié que nous soutenions l'Ukraine en lui fournissant davantage d'armes et d'aide financière afin que Vladimir Poutine et le Kremlin voient que nous sommes sérieux dans notre soutien à l'Ukraine, non seulement au cours de cet hiver, mais aussi dans les années à venir."

"Une grande partie, si ce n'est la totalité, des attaques de l'UE à l'encontre de la Hongrie sont injustifiées"

Efi Koutsokosta :

"Pour finir, j'aimerais vous interroger sur une question plus européenne. L'Union a décidé de geler les fonds européens destinés à la Hongrie, craignant que cet argent n'alimente la corruption. Quelle est votre opinion à ce sujet ?"

Mateusz Morawiecki :

"Je peux vous dire que je suis étonné et choqué par la corruption au sein du Parlement européen. C'est la première chose et je pense que les procédures au Parlement européen et dans les autres institutions devraient être revues en profondeur. En ce qui concerne l'approche de l'Union européenne à l'égard de la Hongrie, je pense que le fait que ce pays ait un gouvernement conservateur est l'une des raisons pour lesquelles la Hongrie est tellement attaquée. Je ne suis pas un expert de l'écosystème hongrois, mais je pense qu'une grande partie, si ce n'est la totalité, des attaques sont injustifiées."

Efi Koutsokosta :

"Des inquiétudes ont également été soulevées au sujet de votre pays, la Pologne. Mais aucune décision de ce type n'a été prise. Alors qu'avez-vous à dire à ceux qui affirment qu'il y a deux poids, deux mesures pour la Pologne et la Hongrie ?"

Mateusz Morawiecki :

"Je ne peux que souligner que la Hongrie et la Pologne sont toutes deux traitées de manière très injuste, cela ne devrait pas être le cas..."

"La Commission européenne intervient très brutalement, au-delà de ses compétences"

Efi Koutsokosta :

"Vous sentez-vous donc visé par la Commission européenne ?"

Mateusz Morawiecki :

"Nous sommes constamment visés par la Commission européenne depuis quelques années parce que ses dirigeants ne sont pas d'accord avec les réformes du système judiciaire post-communiste."

Efi Koutsokosta :

"Pensez-vous que Bruxelles ait quelque peu adouci son attitude envers la Pologne depuis le déclenchement de la guerre ?"

Mateusz Morawiecki :

"Adouci ? Eh bien, ce n'est pas du tout ce que je constate. Ils interviennent encore très brutalement au-delà de leurs compétences inclues dans les traités et nous exprimons haut et fort notre mécontentement à ce sujet. C'est pourquoi je suis si consterné par leur approche ces dernières années."

Journaliste • Efi Koutsokosta

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