La danse et les arts de la scène font bouger le Qatar

La danse et les arts de la scène font bouger le Qatar
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Par Miranda Atty & Aadel Haleem
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La Coupe du monde de la FIFA au Qatar s'est accompagnée hors des terrains de football, d'événements mémorables en matière de spectacles vivants et notamment de danse, une discipline qui sort de l'ombre dans le pays.

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En tant qu'hôte de la Coupe du monde de football 2022, le Qatar a programmé un large éventail d'événements publics. Des arts aériens au street jazz, en passant par les musiciens et DJ invités et les comédies musicales de Bollywood, le pays qui dans le passé, adoptait une approche prudente concernant les spectacles vivants tels que la danse, dispose aujourd'hui, d'une scène dédiée de plus en plus dynamique.

Festival in Motion ou Festival en Mouvement

Temps fort de la programmation de Qatar 2022, Festival in Motion a été conçu comme une célébration de la danse, de la musique, de l'art et de l'architecture par Son Excellence Sheika Al Mayassa Bint Hamad Bin Khalifa Al Thani, présidente de l'Autorité des musées du Qatar. Des performances ont été organisées dans dix lieux emblématiques de Doha et du pays, en s'inspirant des espaces publics et des sites du patrimoine. Le compositeur américain Nico Muhly a collaboré avec le chorégraphe français Benjamin Millepied à la création artistique de ce festival, tous deux étant des artistes reconnus au plan international. 

L'une des déclinaisons de l'événement s'est tenue dans toute la cour du Musée national du Qatar. Celle-ci a été investie par des danseurs, lors d'une performance intitulée "Anthem" et chorégraphiée par Janie Taylor.

"Quand on regarde la structure de ce bâtiment, on dirait une série de gestes imbriqués," fait remarquer Nico Muhly. "Il est impossible de tout voir en même temps et on doit sans cesse réorganiser toutes les informations que notre cerveau reçoit," poursuit-il.

"Concernant la musique, j'ai trouvé passionnant de créer une certaine harmonie qui change constamment, un sens du rythme qui soit à la fois, stable et imprévisible ; de cette manière, la musique, la danse et le bâtiment dialoguent quasiment en permanence," estime-t-il.

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Performance intitulée "Anthem" dans la cour du Musée national du QatarEuronews

Nico Muhly et Benjamin Millepied voulaient ainsi, établir une forme de résonance avec chaque espace investi. "Au départ, on pensait devoir trouver toute une série de salles de spectacle," explique le compositeur, "puis on s'est dit que ce serait étonnant de tirer parti de l'architecture qui est incroyable, pas seulement à Doha, mais dans tout le pays, mais aussi des choses modernes et anciennes qui cohabitent et du pouvoir que la danse et la musique ont de transformer un espace en temps réel."

Les deux artistes travaillent ensemble de manière occasionnelle depuis vingt ans, mais c'est la première fois que leur collaboration est aussi vaste. Dix lieux, avec au moins six représentations par jour, pendant treize jours, dont une performance de danse sur l'eau créée par Celia Hollander, sur des boutres amarrés près du Musée d'Art islamique.

"Sur chaque bateau, on joue une musique différente et un ou deux danseurs se produisent à bord : ainsi, on obtient une conversation à huit," décrit Nico Muhly. "Là encore, on ne peut pas tout voir en même temps ; donc, quand on est au milieu des bateaux, on n'entend que la musique de ceux qui sont les plus proches : cela oblige le spectateur à exécuter lui-même, une danse qui lui est propre," indique-t-il.

Ces performances ont toutes été présentées dans des espaces emblématiques du Qatar, qu'il s'agisse de bateaux traditionnels ou du Musée d'Art islamique. Festival in Motion a offert une perspective inattendue sur les sites familiers de Doha.

Black Eyed Peas et une araignée cracheuse de feu

Pendant la Coupe du Monde de la FIFA, de nombreux spectacles sont venus enrichir l'expérience des visiteurs. En dehors des terrains, les concerts et comédies musicales par exemple n'ont pas manqué pour les amateurs de spectacles vivants.

Peu après la fin du premier match de la Coupe du monde le 20 novembre, les Black Eyed Peas ont donné le coup d'envoi de la fête. L'événement était organisé par Alchemy Project.

"C'est la première fois que ces grandes marques sont présentes en un seul lieu," indique Diana Fazlitdinova, responsable marketing au sein de cette agence dédiée à l'événementiel et au divertissement, "c'est ce que nous faisons en tant que Alchemy Project : nous faisons vivre ces expériences au public."

L'une d'elles, c'est une immense araignée cracheuse de feu. Aperçue pour la première fois au festival de Glastonbury, cette structure de 50 tonnes a servi de scène pour des DJ de renommée mondiale lors du Arcadia Music Festival.

"L'araignée est fabriquée à partir de plus de 90% de matériaux recyclés," précise Bertie Cole, designer chez Arcadia. "Les yeux sont des unités de post-combustion provenant de moteurs d'avions militaires, les muscles supérieurs proviennent de fuselages d'hélicoptères, les pattes elles-mêmes proviennent de machines à scanner des douanes dans les ports : cette sculpture renferme beaucoup de matériel militaire, mais son but ultime est de fédérer les gens," fait-il remarquer.

Trago Studio
L'immense araignée, scène pour DJs, lors du Arcadia Music FestivalTrago Studio

Fédérer le public grâce à la musique, c'est justement la raison pour laquelle le DJ néerlandais Ferry Corsten, invité à Doha, aime son métier. "Cela va toujours de pair : le sport - la performance - va avec la musique parce que la musique vous donne de l'énergie ; que ce soit du hip hop, de la dance, de l'électro, du rock, peu importe, c'est ce qu'elle nous procure," insiste-t-il.

Créer un lien émotionnel

Le rappeur américano-marocain French Montana s'est lui produit sur la toute nouvelle île de Qetaifan. Il estime que ses deux grandes passions sont liées.

"Je me dis que c'est ce qu'il y a de bien avec le foot et la musique : ce sont les deux seules langues qui unissent les gens du monde entier," déclare French Montana. "Ils ont tous des visages différents, mais c'est la même passion qu'ils partagent," renchérit-il.

Destination familiale par excellence, Qetaifan, surnommée "l'île du divertissement", a accueilli le spectacle acrobatique du metteur en scène Giuliano Peparini intitulé "The Fisherman’s Dream" ("Le Rêve du Pêcheur") qui retrace la riche histoire du Qatar, du petit village de plongeurs en quête de perles à la découverte du pétrole et du gaz.

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Autre performance marquante : l'adaptation théâtrale du film indien "Le Mariage des Moussons" datant de 2001. Cette comédie musicale créée plus récemment donne un nouveau souffle à ce long-métrage nommé aux Golden Globes de la réalisatrice Mira Nair.

"C'est le récit d'un mariage indien à l'épreuve de la réalité," explique Mira Nair. "Quand on se réunit, il y a des rires, de la joie, des secrets qui sont révélés, des drames de toutes sortes : on explore ainsi, l'amour et la légère folie que l'on trouve au sein d'une famille indienne qui se réunit pour organiser un mariage qu'elle espère voir se concrétiser," dit-elle.

Qatar Creates
La comédie musicale adaptée du film "Le Mariage des Moussons"Qatar Creates

Namit Das se rappelle, de son côté, avoir vu le film dans un petit cinéma de Delhi. Deux décennies plus tard, il fait partie de la distribution de son adaptation scénique. "Cette histoire raconte que les êtres humains ne changent pas parce que la structure de la famille, essentiellement, ne change pas, où que l'on soit dans le monde," estime-t-il avant d'ajouter : "C'est pour cela que partout où l'on se produit, les gens se sentiront concernés, il y aura un lien émotionnel." Des comédies musicales aux concerts, ce lien émotionnel est tout aussi important que le spectacle lui-même.

Le nouvel essor de la danse

La danse a un pouvoir de transformation, en termes de condition physique, de santé mentale et même de sociabilisation. Mais au Qatar, elle était traditionnellement, tenue à l'écart. Fiorella Otero était déterminée à changer cela. En 2018, elle a créé Brava Studio où elle propose des cours de danse et d'arts aériens et les résultats sont là.

"Je me suis installée au Qatar il y a douze ans et en général à chaque fois que je me rends dans un nouveau pays,  je cherche à savoir où je peux prendre des cours de danse, mais je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas une grande diversité dans les styles de danse proposés, surtout pour les adolescents et les adultes," raconte Fiorella Otero. "Alors, je me suis dit : pourquoi devrais-je voyager en dehors du Qatar pour avoir accès à d'autres cours de danse ? Pourquoi ne pourrais-je pas en prendre ici ? C'est comme cela que Brava Studio est né," dit-elle.

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Alors qu'elle vient de chorégraphier un clip de l'un des morceaux officiels de la Coupe du monde, Fiorella Otero supervise la répétition générale de ses élèves avant leur spectacle de fin de trimestre dans quelques jours.

Reyana Semaan y participe. "Je prends plusieurs cours ; pour moi, la danse permet d'échapper à la réalité," confie la jeune femme. "Quand je ne me sens pas bien, j'écoute de la musique et je me mets à danser ou je me rappelle que je vais faire de la danse, ça me fait du bien, donc, c'est une forme d'évasion," souligne-t-elle.

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Fiorella Otero supervise une répétition de ses élèvesEuronews

Vaincre les idées reçues

Pour Fiorella, il était important de s'attaquer aux idées fausses sur la danse et la religion. "On a la chance d'avoir de nombreux élèves qataris qui aiment les arts du spectacle, la danse et les performances aériennes," fait-elle remarquer. 

Participante aux cours de danse encadrés par des professeurs formés, Rania Al-Khalaf précise de son côté : "Je suis originaire du Qatar et ce qui explique que j'ai rejoint Brava Studio, c'est que j'ai toujours été intéressée par la danse et l'une des choses les plus importantes pour moi était de trouver un endroit où je me sente bien, un endroit où l'on puisse échapper à la réalité."

À 17 ans, Timaa Kamar participe à de nombreuses danses pendant le spectacle. Elle en a même chorégraphié une elle-même. "J'ai rencontré des gens qui ne sont pas que des collègues, mais des amis. Brava Studio a apporté beaucoup aux danseurs du Qatar et au monde de la danse et j'en suis très reconnaissante," indique-t-elle.

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L'établissement centré sur la danse est aussi le premier studio d'arts aériens du pays. Mollie Brown apprend aux garçons et aux filles dès l'âge de 4 ans, à utiliser le cerceau et le tissu aérien. "Souvent, j'ai des élèves qui après une journée difficile à l'école, viennent ici pour se détendre," explique-t-elle. "Rien ne vaut ce genre d'exercice physique : cela permet de rester en forme, en bonne santé physique et psychologique," assure-t-elle.

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Brava Studio est le premier studio d'arts aériens dans le paysEuronews

Une fillette qui participe au cours de tissu aérien indique : "Mollie nous dit les mouvements qu'il faut faire et nous aide si on a des difficultés. Il faut penser à ses pieds et à la position de ses bras et de ses jambes," fait-elle remarquer. Une adolescente qui apprend le cerceau précise : "Au début, j'étais terrifiée, mais notre professeure nous dit tout le temps : "Fais-moi confiance, tout va bien ; si ce n'était pas le cas, tu ne seras pas sur le cerceau." Plus on en fait, plus c'est facile."

Gérer le studio est un investissement important pour Fiorella, mais elle trouve toujours le temps de se produire lors du spectacle. "La danse est un langage universel ; ce qui fait sa beauté, c'est qu'elle nous permet de raconter une histoire sans utiliser de mots, on utilise son corps pour s'exprimer," admire-t-elle. Et c'est ce qu'elle fait avec passion dans sa performance sur scène ce jour-là, comme auprès de tous ceux qui fréquentent son studio. De quoi nous inciter nous aussi, à bouger un peu plus...

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