Décryptage : comment l'Otan peut-elle se procurer rapidement plus de munitions ?

Une Brigade ukrainienne décharge un camion de munitions dans l'est de l'Ukraine, 9 février 2023
Une Brigade ukrainienne décharge un camion de munitions dans l'est de l'Ukraine, 9 février 2023 Tous droits réservés Ihor Tkachov /AFP
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Par Alexandra LeistnerMargaux Racanière (traduction)
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Face à la lenteur des contrats de commande de munitions, l'Otan commence à frapper à la porte de ses alliés hors-Europe pour racheter des munitions occidentales.

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L'Ukraine utilise beaucoup de munitions. Plus, en tout cas, que ce que les pays membre de l'Otan ne sont capable de produire, a rappelé ce lundi le secrétaire général de l'organisation, Jens Stoltenberg.

Il a lancé un appel clair : pour soutenir l'Ukraine, l’OTAN doit augmenter sa production de munitions. Les États membres doivent conclure de nouveaux contrats de livraisons. Les entreprises d'armement doivent, de leur côté, augmenter leurs capacités de production. 

Mais ces changements ne peuvent être mis en place qu'à moyen terme, or l'Ukraine a besoin d'armes et de munitions dès à présent. Alors comment l'Otan peut-elle rapidement produire plus de munitions ? Décryptage.

Comment les armées sont-elles approvisionnées en armes et en munitions ?

Les systèmes d’armements, tout comme les munitions qui les accompagnent, sont fabriqués par des entreprises spécialisées. Les Américains Lockheed Martin, Boeing ou Northrop Grumman figurent dans le top 10 mondial. En Europe, les leaders sont Airbus, l'Italien Leonardo ou les Français Thales et Dassault.

Leurs clients sont les gouvernements, qui passent commande plusieurs mois, voire des années à l'avance.

Christophe Ena/ AP
Le ministre de la défense ukrainien Oleksii Reznikov (à droite), a signé un accord avec son homologue français et le PDG du groupe Thales Patrice Caine (à gauche).Christophe Ena/ AP

Les pays de l'OTAN s'engagent à fournir à l'alliance militaire un certain volume d'armes et de munitions. Mais les quantités fournies dépendent uniquement de la volonté politique de chaque État, sans contrainte juridique, précise à Euronews Jamie Shea, ancien assistant du secrétaire général de l'OTAN pour les projets spéciaux.

Même avant la guerre, l'Otan imposait à ses Etats membre un stock minimal d'équipement militaire, suffisant en théorie pour tenir un mois. Mais l’invasion russe en Ukraine a révélé que de nombreux pays de l'alliance ne maintenaient pas la cadence.

En temps de paix, les pays ont davantage investi dans le développement de nouvelles technologies, que dans la production de systèmes d’armement existants. Jamie Shea estime donc qu’il faudra encore un certain temps avant de disposer des munitions nécessaires.

L'exemple allemand : les commandes gouvernementales arrivent trop tard pour l’industrie

La consommation de munitions de l'Ukraine dépasse le taux de production actuel, mettant sous pression la politique transatlantique de défense. Mais l’industrie serait déjà en mesure de fournir les quantités demandées. C’est en tout cas ce que qu’affirme à Euronews le Dr. Hans Christoph Atzpodien, directeur général de l'association allemande de l'industrie de la sécurité et de la défense (BDSV).

"L'industrie a pris les devants", assure-t-il.

L’entreprise d'armement Rheinmetall a annoncé en décembre dernier la mise en place de nouvelles usines de fabrication de munitions en Allemagne.

"L'approvisionnement en munitions de l'armée allemande ne doit plus dépendre de la production à l'étranger. met en place une nouvelle production (moyen calibre) à Unterlüß, en plus des capacités en Suisse. Pour que des munitions Gepard soient également possibles pour l'Ukraine"

Selon l'annonce faite mardi par le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, les commandes correspondantes pour la fabrication de munitions "Guépard" ont également été signées.

Mais selon le chef de la BDSV, ce sont les commandes officielles qui font défaut pour l'industrie de l’armement. "Ce dont nous avons besoin, ce sont des commandes qui permettent une meilleure planification sur de longues périodes et qui créent des opportunités pour une meilleure rentabilité des investissements" dit-il.

L'UE pourrait-elle coordonner la production de munitions ?

A l'instar de l'achat commun de vaccins contre le Covid-19, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borell, proposent de s’occuper de l'achat de munitions de manière commune pour les pays de l'UE.

L'idée est logique, selon Jamie Shea, qui émet toutefois des réserves : "plus le contrat est grand, plus le prix est bas". Mais les étapes de validations au sein de l’Union européenne ralentiraient cette procédure.

Un autre obstacle se situe dans la variété des systèmes d’armes des différents pays européens : 176 systèmes d’armement différents, qui n’utilisent généralement pas les mêmes munitions.

"Tant que nous aurons 176 systèmes d'armes différents, contre seulement 35 environ aux États-Unis, nous ne serons pas en mesure d'avoir une sorte de méga-standardisation sur un type de grenade ou sur un calibre particulier", estime-t-il.

La solution provisoire : frapper aux portes d'autres pays en dehors de l'UE

Kim Min-Hee/AP
En visite en Corée du Sud, Jens Stoltenberg a enjoint le pays à revoir sa position sur l'export d'armes afin de soutenir l'Ukraine.Kim Min-Hee/AP

Une solution provisoire pourrait permettre de remédier, au moins partiellement au problème selon Jamie Shea : se rendre dans des pays hors Europe qui utilisent déjà des équipements militaires occidentaux pour leur racheter des munitions.

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Les industries d’armement pourraient également annuler ou reporter des contrats en cours avec certains clients pour se concentrer spécifiquement sur la production de munitions.

En ce sens, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg s’est récemment rendu en Corée du Sud et au Japon pour obtenir des munitions, nécessaires à l'Ukraine.

Il avait estimé que la situation actuelle était une "guerre logistique ou une course contre la montre" - car la Russie est dans la même situation que l’Otan : "Les Ukrainiens auront besoin de plus [d’armes et de munitions] pour repousser une offensive russe, mais ils ont besoin d'un système de ravitaillement solide s'ils veulent eux-mêmes passer à l'offensive".

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