Enseignante poignardée en France : quel suivi psychologique pour les témoins et la famille ?

Des élèves du collège Saint-Thomas d'Aquin à Saint-Jean-de-Luz, France, le jour du meurtre d'une professeure, le 22 février 2023
Des élèves du collège Saint-Thomas d'Aquin à Saint-Jean-de-Luz, France, le jour du meurtre d'une professeure, le 22 février 2023 Tous droits réservés GAIZKA IROZ/AFP or licensors
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Par Stephane HamalianEuronews
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Enseignante poignardée : comment se remettre d'un drame d'une violence extrême ? Le suivi psychologique des enfants revêt une importance capitale pour Thierry Baubet, Professeur de psychiatrie.

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"Il lui a planté un grand couteau dans la poitrine, sans rien dire". Ce récit glaçant d'une élève qui se trouvait mercredi dans la classe au moment du meurtre d'Agnès Lassalle, professeure d'espagnol d'un collège de Saint-Jean-de-Luz, témoigne de la violence du crime. Le suivi psychologique de mineurs assistant à ce type de scènes est indispensable pour Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'APHP et directeur du Centre national de ressources et de résilience.

Dans la plupart des cas, les témoins directs de meurtres ont une "réaction d'effroi, et de choc" explique Thierry Baubet. Ils peuvent être "sidérés, pétrifiés, très angoissés et avoir peur de tout" souligne-t-il. Ils "ne parviennent pas à dormir, et gardent en tête des images de l'événement (...) c'est un réaction normale lorsque l'on voit quelque chose d'aussi effroyable, ce sont dessymptômes traumatiques aigus" dit-il.

Des symptômes qui peuvent se déclarer tardivement

Chaque personne vit l'événement "de manière différente" précise-t-il. "Certains ont pu avoir peur pour leur vie, d'autres non, certains ont peut-être fermé les yeux (...) les enfants qui ont déjà été exposés à la violence seront beaucoup plus vulnérables" fait observer Thierry Baubet.

Les enfants qui ont déjà été exposés à la violence seront beaucoup plus vulnérables
Thierry Baubet
Professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Le rôle des cellules d’urgence médico psychologique (CUMP), qui interviennent dès les premières heures suivant le drame, est essentiel pour assurer le suivi des enfants, mais aussi des adultes. Elle réalisent des entretiens de soutien et conduisent parfois à une amélioration rapide de l'état psychologique.

Mais "il y a des personnes qui ont l'air d'aller bien dans les jours qui suivent et chez lesquels les symptômes se déclarent plus tard, après une semaine, ou un mois" observe-t-il, soulignant l'importance d'un suivi de long terme.

Pour tenter d'éviter ces conséquences tardives, les CUMP fournissent aux personnes témoins de scènes choquantes des coordonnées utiles leur permettant de consulter rapidement des professionnels de santé spécialisés.

Ces suivis visent aussi à inciter les témoins à parler afin qu'ils n'entrent pas dans une logique d'évitement, un mécanisme qui consiste à ne pas évoquer le choc, pour ne pas avoir à y repenser.

"En parler pourrait creuser la blessure, générer un sentiment de honte et d'illégitimité" observe Thierry Baubet. "Beaucoup d'adolescent n'en parlent pas" dit-il. Et "lorsqu'un adolescent se retrouve, par exemple, en situation d'échec scolaire, on ne fait pas automatiquement le lien avec le choc qu'il a vécu".

Trouble de stress post-traumatique

Chez une partie des personnes, les symptômes traumatiques disparaissent "grâce au soutien de l'entourage et à leurs propres ressources" indique-t-il. Mais pour environ un quart des gens, "ces symptômes ne diminuent pas et deviennent chroniques, et empêchent de vivre normalement, on parle alors de t__rouble de stress post-traumatique", nécessitant des soins.

Lorsqu'un adolescent se retrouve, par exemple, en situation d'échec scolaire, on ne fait pas automatiquement le lien avec le choc qu'il a vécu
Thierry Baubet
Professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Le dépistage des ces troubles post-traumatiques chez le mineur est essentiel pour assurer son développement. L'enfant ou l'adolescent va souffrir et sera sans cesse "parasité par la scène traumatique", entraînant des "troubles de la concentration, du sommeil".

Son développement et sa capacité à se sociabiliser peuvent aussi être gravement altérés.

Le deuil des proches de la victime

Les proches des victimes sont, elles, plongées dans "un deuil brutal et souvent traumatique", car confrontées au décès d'une personne "qui n'aurait pas dû mourir, qui partait seulement travailler le matin" explique-t-il. Certains élèves mais aussi des proches hors du cercle familial et amical tels que des collègues peuvent être touchés par ces symptômes. Un suivi psychologique est également recommandé pour ces personnes n'ayant pas assisté au drame.

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