Nouvelle hécatombe de dauphins morts sur les plages françaises

Dauphin retrouvé mort sur une plage de l'île de Ré, dans l'ouest de la France, le 13 mars 2023
Dauphin retrouvé mort sur une plage de l'île de Ré, dans l'ouest de la France, le 13 mars 2023 Tous droits réservés PHILIPPE LOPEZ / AFP
Par Vincent Coste avec AFP
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Pratiquement 500 petits cétacés ont été découverts sans vie sur le façade atlantique. Scientifiques et défenseurs de la cause animal pointent du doigt les effets de la "surpêche".

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Année après année, le phénomène se répète inlassablement sur les plages françaises. Tous les ans, ce sont ainsi des centaines, voire des milliers, de dauphins qui sont retrouvés morts sur le littoral de l'Hexagone. Ces échouages sont particulièrement nombreux lors des mois d'hiver et se concentrent principalement sur la façade atlantique du pays. Après un premier épisode "d'échouage massif" aux premiers jours de 2023, des centaines de carcasses de petits cétacés ont été découvertes depuis le 11 mars dernier. Détail qui a son importance : de nombreux dauphins présentaient des marques liées à des captures dans des filets ou autres "engins de pêche", selon la terminologie des spécialistes. 

Le dauphin commun, principale victime

Avant même de prendre en compte les nouvelles macabres découvertes de ces derniers jours, déjà plus de 250 cadavres avaient été découverts sur le sable de l'ouest de la France. En prenant donc en compte les dernières découvertes, ce sont donc plus de 500 dauphins morts qui ont été recensés par les experts de l'observatoire Pelagis. Depuis des années, ce laboratoire de l'université de La Rochelle comptabilise et analyse ces "surmortalités massives". Cette année encore, parmi ces carcasses, celles des dauphins dits communs sont les plus représentés, et de loin, devant quelques spécimens de dauphins bleus et blancs et de grands dauphins.   

Si les spécialistes et les défenseurs de la cause animale avancent que les récentes mauvaises conditions météorologiques ont pu jouer un rôle dans ces centaines de morts, les effets de la surpêche ne peuvent pas être niés, comme l'atteste le fait que de très nombreux dauphins étaient marqués par des filets ou mutilés. 

Nous nous étions déjà entretenus avec les équipes de Pelagis en 2018. Ainsi Hélène Peltier, également chercheuse à l'Observatoire, nous avait indiqué que "les trois-quarts de ces animaux ont des traces de captures accidentelles dans des engins de pêche. Des traces externes, qui sont évidentes, mais aussi des traces internes que l’on met au jour après les dissections". 

Des marques de mailles de filets sur le corps, des nageoires amputées, des rostres cassés, ainsi que des animaux asphyxiés sont autant de signes des captures, accidentelles dans la plupart des cas, mais qui au final ont entraîné la mort des petits cétacés. 

PHILIPPE LOPEZ/AFP
Reste de filet sur un dauphin découvert sans vie sur une plage de l'île de Ré, le 13 mars 2023PHILIPPE LOPEZ/AFP

Sur les victimes les plus récentes, comme les dauphins découverts sur des plages de l'île de Ré dans le département, certains étaient même empêtrés dans des restes de filets. 

Concernant la surreprésentation des dauphins communs, un autre spécialiste de Pelagis, Olivier Van Canneyt, nous avait expliqué que cette espèce est "la plus abondante sur le plateau continental en hiver". Et c'est aussi que "tout le monde cherche du poisson à ce moment-là - dauphins et pêcheurs". Les dauphins sont donc en concurrence avec la flotte de navires pélagiques et se retrouvent prisonniers dans les filets et autres chaluts. 

Mais ces dauphins échoués sur le sable ne représentent qu’une infime fraction des animaux morts après une capture accidentelle. Lors de l'hiver 2017, 4 000 cétacés seraient morts dans des filets, selon une estimation faite pour l’hiver 2017 dans le golfe de Gascogne. Mais 80% de ces victimes ont coulé après leur mort, se décomposant dans les profondeurs des océans. 

Opération coup de poing à Bruxelles

L'ONG Sea Shepherd va plus loin, puisqu'elle considère que ce sont, en France, de 6 000 à 10 000 dauphins qui sont retrouvés morts chaque année après avoir été pris dans des filets. 

Ce mardi, des militants de l'association écologiste Sea Shepherd ont déposé des cadavres ensanglantés de dauphins devant le Parlement européen à Strasbourg, dans l'espoir que l'UE contraigne la France à cesser les techniques de pêche non sélectives, celles où de très nombreuses espèces sont prises au piège.

FREDERICK FLORIN/AFP
Cadavres de dauphins déposés devant le Parlement européen à Strasbourg pour des militants de Sea Shepherd, le 14 mars 2023FREDERICK FLORIN/AFP

"On vient devant le Parlement européen parce qu'aujourd'hui l'Etat français ne fait rien, il n'y a pas de mesures efficaces pour protéger les dauphins. La Commission européenne a demandé à ce que la France agisse, mais rien n'est fait. On demande à ce que l'Europe soit plus intransigeante", a expliqué Frédéric Pizzol, coresponsable de mission à Sea Shepherd France.

Des militants ont déposé sept dépouilles de dauphins et brandi une banderole proclamant en anglais "Des milliers de dauphins sont tués chaque année en France pour que vous puissiez manger du poisson".

Ces animaux "ont été découverts hier sur les plages vendéennes et sont victimes des engins de pêche non sélectifs", a expliqué M. Pizzol, expliquant que, sur le seul mois de février, son ONG en a observé 19 pris dans les filets de chalutiers et de fileyeurs.

Comme d'autres ONG, Sea Shepherd France demande l'interruption temporaire de certains types de pêches à certaines périodes de l'année, lorsque sont constatés des pics d'échouage de dauphins sur les côtes.

Face aux ONG et aux scientifiques qui réclament une interruption temporaire de la pêche, le gouvernement a privilégié jusqu'ici des mesures de documentation du phénomène et des solutions techniques, comme des caméras embarquées ou des répulsifs sur les bateaux.

En février dernier, le Conseil d'Etat s'est penché sur les recours déposés par des ONG pour dénoncer "l’inaction du gouvernement" et pour mettre fin au "massacre d’une espèce protégée". Si cette instance n'a pas rendu son avis définitif, la plus haute juridiction administrative française, s'est prononcée en faveur de la mise en œuvre d'ici à six mois de fermetures spatio-temporelles de certaines pêches jugées responsables du décès de nombreux cétacés.

Interrogé le 25 février, le président français a déclaré qu'il respecterait la décision finale du Conseil d’Etat, qui devrait être rendue dans les jours prochains. Emmanuel Macron a également indiqué que la France devait "améliorer (ses) pratiques" pour mieux protéger les dauphins, face à la multiplication des échouages, tout en réaffirmant son soutien aux pêcheurs.

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