Egalité homme-femme au sein du couple : comment la pandémie redistribue les cartes

Lorenzo Gasparrini is an Italian philosopher and feminist
Lorenzo Gasparrini is an Italian philosopher and feminist Tous droits réservés Lorenzo Gasparrini
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Par Lorenzo Gasparrini
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La crise sanitaire provoquée par le coronavirus a engendré un tout nouveau débat sur la répartition des rôles entre les hommes et les femmes au sein du foyer ; le temps semble arrivé d'en redéfinir les contours. Entretien avec un féministe dans notre podcast #CryLikeAB.

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Tout environnement vivant présente des caractéristiques différentes quant à la hiérarchie des pouvoirs.

Il peut être désagréable de se le rappeler, mais il est très rare que, dans les sociétés humaines, les lieux fonctionnent sans systèmes hiérarchisés. Même notre propre maison est un lieu de pouvoir, gérée traditionnellement par une figure féminine ; Les femmes se voient confié le soin de la maison tandis que les hommes en assurent la maintenance et la protection.

La crise pandémique a ajouté une grande tension à cette normalité et la situation est devenue extrêmement compliquée. Lorsque nous n’avons plus la possibilité de pratiquer nos activités quotidiennes ailleurs, il devient nécessaire de redistribuer très soigneusement le temps, l’espace et les pouvoirs.

Changements dramatiques dans les foyers

La pandémie a nécessairement transformé la maison en lieu de travail, mais aussi de relâchement et de désengagement (lorsque cela était possible). Ces lieux domestiques qui n’étaient jusque-là partagés que quelques heures par jour sont devenus le lieu de vie de toute la famille en permanence.

Le rôle de "gagne-pain" est fortement ébranlé par l’obligation de travailler à la maison, car il est alors beaucoup plus compliqué de prouver son rôle à ses collègues ou compagnons de travail. Il n’y a plus de bureau, plus d’espace partagé en différentes zones ou secteurs, plus d’uniformes, plus de symbologie codifiée pour nous rappeler l’existence d’une hiérarchie.

Cette hiérarchie s’est dématérialisée en un monde digital bien plus complexe à gérer, fondé en partie sur le souvenir des expériences précédentes mais utilisant maintenant des langages plus abstraits et des types de communication plus complexes et plus structurés.

Pour ceux qui étaient habitués à un type de communication plus gestuel, plus vocal ou physique, cette nouvelle normalisation peut être une vraie source de frustration.

Les nouvelles prises de position qui prévalent maintenant peuvent aussi influer sur les relations familiales.

Le travailleur pouvait par exemple quitter régulièrement la maison, mais doit maintenant rester dans l’enceinte familiale, face à un écran, ce qui peut ressembler à une activité ludique, mais sûrement pas à une activité professionnelle.

Ce phénomène symbolique frappe tous les autres membres de la famille vivant sous le même toit.

Ils ont une perspective différente d’une activité qui était auparavant pratiquée à l’extérieur et qui se soldait au retour par la réflexion inévitable mais rassurante : "Comment s’est passé la journée au travail ?"

Le rôle de celui qui est le “gagne -pain” en sort diminué. Cette conversation (“Comment s’est passé la journée au travail aujourd’hui ?”) devient difficile à tenir, particulièrement quand vous voyez le partenaire « travailler » devant vous durant toute la journée.

Et que se passe-t-il si la personne “gagne-pain” perd son travail ?

L’inertie des rôles de genre crée des conflits

En dépit des changements importants dans nos vies que nous impose cette pandémie, l’inertie du rôle traditionnel des sexes tend à les maintenir dans les mains de la même personne, surtout pour les tâches les moins agréables telles que le ménage ou la cuisine.

L’année qui vient de s’écouler nous a appris que les hommes sont en moyenne moins préparés à ce changement alors que les femmes sont bien plus entraînées à cette charge mentale qui nécessite de passer d’une activité ou d’une responsabilité différente à une autre.

Ni l’un ni l’autre n’est habitué à gérer le conflit de pouvoir qui en ressort inévitablement.

Des statistiques alarmantes nous montrent que, presqu’inévitablement, c’est la femme qui a perdu son travail, lorsqu’elle en avait un, ou l’a vu être considérablement réduit. De plus, elle doit maintenant s’occuper d’une maison bien plus habitée au quotidien - ce qui signifie plus de ménage et plus de repas à préparer - alors que les autres membres de la famille n’ont gardé que les problèmes domestiques qu’ils avaient déjà.

Le degré de stress général atteint de très hauts niveaux en raison de la fermeture de l’école (quelquefois considérée comme un bon lieu de garderie pour les enfants) ou de l’accroissement des tâches ménagères de façon exponentielle, alors que notre liberté et nos relations émotionnelles sont grandement compromises.

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L’idée même d’avoir recours à une soupape alternative pour échapper à cette situation - manque de sortie, de sport, de salles de gym disponibles, résonne comme un engagement insupportable à long terme.

Dans ce microcosme domestique surpeuplé qui est aussi plus bruyant, plus étroit et plus sale, les rôles traditionnels donnaient à chaque membre de la famille une position hiérarchique spécifique- extensible et soumise à critique- mais cependant bien définie. Maintenant, ils ont perdu toute signification. Ils ont littéralement explosé.

Les frontières se sont élargies, les lignes de respect ont été franchies, et des énergies qui étaient auparavant contenues et contrôlées circulent maintenant librement.

Solution

Lorsqu’on essaie d’éviter le conflit en s’en tenant de façon rigide aux rôles définies par les sexes, nous courrons au contraire le risque de tout faire exploser.

Gérer le conflit suppose en premier lieu de reconnaître qu’il est inévitable. Ensuite, cela implique d’être prêt et désireux de discuter ces rôles typiquement associés aux sexes, d’en redessiner les limites, de répartir les tâches et réorganiser la cohabitation.

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Si notre espace prend la forme d’un espace plus ouvert, il nous faudra en venir à plus de communication, verbale ou non verbale.

En changeant nos habitudes que nous considérons comme étant une part de notre identité, nous n’en restons pas moins un homme ou une femme. Chacun doit reconnaître tous les facteurs et les pressions qui s’exercent sur eux et être prêt à les réévaluer, évitant ainsi d’être une charge pour les autres. Nul n’est besoin de heurter la vie de ceux avec lesquels nous partageons un temps et un lieu réduit. Nous restons pour autant un homme et une femme à part entière.

Les solutions disponibles dépendront de chaque culture, les effets de la pandémie se faisant sentir de façon différente dans chaque société.

Cependant, il est évident que nous ne pouvons pas nous en tenir sans danger aux rôles traditionnels basés sur les sexes.

Ils étaient déjà fort décriés avant la pandémie et cette époque ne reviendra pas !

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Ces rôles traditionnels basés sur les sexes ont de moins en moins de sens dans notre “présent” incertain et déstabilisant et il est certain qu’ils seront encore plus inutiles si on tient compte des suites de la crise, lorsqu’il nous faudra imaginer un nouvel avenir et le reconstruire d’une façon nouvelle.

Nous possédons depuis déjà longtemps les ressources nécessaires pour rediscuter et reconfigurer ces identités des sexes.

Pour reprendre un slogan bien connu, c’est maintenant le meilleur moment de les mettre en œuvre et d’en faire l’héritage commun à toutes nos communautés.

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Les opinions exprimées dans les articles de la catégorie View sont uniquement celles des auteurs.

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