Le film de la semaine : Olga. Entre la Suisse et l'Ukraine, les tiraillements d'une jeune athlète

Olga d'Elie Grappe
Olga d'Elie Grappe Tous droits réservés ARP Sélection
Tous droits réservés ARP Sélection
Par Frédéric Ponsard
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Olga est notre film de la semaine. Un film produit entre la France, la Suisse et l'Ukraine et qui suit le parcours d'une jeune athlète confronté au dilemme de choisir entre sa mère patrie et sa carrière internationale. Un premier film puissant et maîtrisé.

Olga de Elie Grappe (1h27)

PUBLICITÉ

Avec Nastya Budiashkina, Sabrina Rubtsova, Caarina Barloggio
Sortie le 17 novembre

Bel exemple de cinéma européen qui traverse les frontières, Olga est un premier film abouti et prometteur produit entre la France, la Suisse et l’Ukraine. L’histoire d’une jeune adolescente à la double nationalité prise entre sa carrière sportive et les événements qui secoue sa mère patrie.

Nous nous retrouvons il y a huit ans précisément, en novembre 2013, en pleine crise ukrainienne. Le président Ianoukovytch vient de tourner le dos à l’Europe, choisissant plutôt un accord avec le grand voisin russe. S’en suit un soulèvement populaire qui va se cristalliser sur Maïdan à Kyev, la Place de l’Indépendance, lieu de rassemblement et d’affrontement avec les forces de l’ordre. C’est ici que l’on retrouve Ilona, journaliste de terrain qui couvre les événements dans un contexte complexe et périlleux. Sa fille, Olga, elle, ne verra les événements qui secoue son pays qu’à travers son téléphone portable et par écrans interposés. Elle est en effet partie en Suisse grâce à sa double nationalité (hérité d’un père qu’elle n’a pas connu) pour intégrer l’équipe nationale helvétique de gymnastique. Le film va constamment jouer entre ces deux lieux, la lointaine et chaotique Ukraine, et la rigoriste et ordonnée Suisse, donnant à Olga comme au spectateur le sentiment d’être écartelé entre un monde ouvert, cacophonique et un vase clos, tourné sur la seule préoccupation de son corps et de ses performances. Ce balancement entre ces deux lieux aux antipodes, mais intimement lié par le récit, est la première réussite du film, mais ce n’est pas la seule.

C’est le sentiment de réel qui se dégage du film qui en fait sa force première. Et en particulier, l’interprétation, comme la direction, de la jeune actrice Nastya Budiashkina, qui tient le rôle d’Olga qui donne son tire au film –et comment en faire autrement puisqu’elle est le centre constant du récit ? La volonté farouche, mais aussi la colère, la solitude, le doute, le découragement, la révolte sont autant de sentiment qui vont traverser Olga tout au long du film, athlète de haut niveau, mais aussi adolescente en construction, loin de sa mère et de sa patrie. Elle se retrouve comme une étrangère parmi ses filles qui, comme elle, veulent atteindre l’excellence et se qualifier pour intégrer l’équipe nationale. Le casting est primordial et Elie Grappe, qui a travaillé avant son premier long métrage avec des acteurs non-professionnels, réussit à faire jouer des vraies gymnastes, qui réalisent de véritables prouesses aux barres, tout en jouant naturellement des scènes de fiction. La crédibilité de l’histoire n’en est que plus grande, et Olga/Nastya est de ce point de vue éblouissante. On garde longtemps en mémoire son regard déterminé, sa réserve et sa pudeur toutes slaves dans cette manière d’exprimer ses sentiments et d’être au monde.

Le cinéaste a aussi choisi la proximité avec Olga bien sûr, mais aussi l’ensemble de ses interprètes. Sa caméra est près des corps et des visages des jeunes athlètes, et on ressent constamment la tension, l’effort renouvelé, la transpiration et l’abnégation à travers des plans serrés et des plans en caméras portées qui nous mettent au cœur des entraînements. Et lorsque l’on s’éloigne des tapis, la caméra reste proche de ses personnages, créant une intimité qui se passe souvent de dialogues. L’isolement d’Olga est palpable, ce saut vers un autre pays est un exil, doublé du sentiment de laisser seule sa mère, et d’abandonner les siens. Les scènes de retrouvailles entre ses copines de l’équipe ukrainienne alors qu’elle porte les couleurs suisses est l'un des passages les plus révélateurs du film.

Réussir individuellement quitte à abandonner ses proches et son pays, ou choisir de vivre avec les siens quitte à passer à côté de ses rêves. Olga lance de belles pistes et nous parle aussi bien de l’intime que du collectif, avec l’Europe en toile de fond.

**Après avoir remporté le Prix SACD à La Semaine de la Critique cette année à Cannes (qui récompense les premiers et seconds films), Olga représentera la Suisse aux Oscars dans la catégorie du Meilleur Film International. **

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Rétrospective 2021 : les femmes au sommet du cinéma

Le film de la semaine : Liban, 1982 ou la fin de l'innocence

Un film sur la guerre civile russe, disparu depuis 100 ans, ressurgit du passé