Rolando Villazón fait ses débuts wagnériens : quelle préparation !

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Par Andrea Buring
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Comment les chanteurs d'opéra préparent-ils un nouveau rôle ? Le ténor franco-mexicain Rolando Villazón nous en a fait la démonstration à l'approche de ses débuts sous les traits de Loge dans l'opéra de Wagner, "L'Or du Rhin" au Staatsoper de Berlin.

Comment les chanteurs d'opéra préparent-ils un nouveau rôle ? Le ténor franco-mexicain Rolando Villazón nous en a fait la démonstration il y a quelques semaines, à l'approche de ses débuts sous les traits de Loge dans l'opéra de Wagner, "L'Or du Rhin" au Staatsoper de Berlin.

Un nouveau rôle pour un chanteur lyrique, cela veut dire explorer un personnage et apprendre ses paroles pour les faire siennes. Un processus qui implique dévouement et travail acharné, mais qui donne aussi l'opportunité de s'amuser. C'est ce que nous allons constater auprès du ténor franco-mexicain Rolando Villazón.

Nous le rencontrons chez lui à Paris alors qu'il s'apprête à interpréter Wagner sur scène pour la première fois. À cette occasion, il nous confie sentir le feu gronder en lui. "Arrêtez de penser, de vous interroger, d'analyser ! Laissez le feu brûler !" lance-t-il, enthousiaste d'avoir l'opportunité d'incarner dans l'opéra "Das Rheingold", "L'Or du Rhin", Loge, le dieu intriguant du feu.

Principalement connu pour son répertoire italien et français, le ténor s'apprête à plonger ainsi dans le mythe germanique."Quand j'ai découvert Loge, je suis tombé amoureux de ce rôle et je me suis dit : "J'espère qu'un jour, je pourrais l'interpréter, que l'on m'en donnera l'occasion" parce qu'il n'a jamais semblé évident pour moi, en raison de la langue, du type de ténor, etc. Je voulais vraiment, vraiment l'incarner, donc aujourd'hui, je suis très enthousiaste à l'idée de vivre cette aventure de feu !" souligne-t-il.

"Au début, on découvre tout"

Au Staatsoper de Berlin, le metteur en scène Dmitri Tcherniakov et les chanteurs se retrouvent pour la première répétition sur scène et au piano. Nous assistons à ce moment clé.

"Cela n'a pas d'importance de jouer toutes les notes, on peut simplement marquer la plupart d'entre elles," indique Elias Corrinth, répétiteur. "Cela n'aide pas les chanteurs de toutes manières si l'on joue toutes les petites notes, or le plus important pour moi, c'est de les aider," insiste-t-il.

Rolando Villazón nous décrit la métamorphose qu'implique tout rôle pour un chanteur lyrique. "Quand on se met dans la peau et que l'on entre dans l'âme d'un nouveau personnage, il y a plusieurs étapes : au début, c'est l'inconnu, on ne l'a pas dans sa voix, on ne l'a pas dans son corps, on découvre tout," explique-t-il. 

"Au moment où les répétitions sur scène débutent, on doit commencer à se sentir suffisamment à l'aise avec son personnage, son incarnation physique et la chorégraphie de la mise en scène pour pouvoir se concentrer sur la musique et donner vie à son personnage," indique-t-il.

"L'Or du Rhin" est le premier des quatre opéras qui forment le cycle emblématique de Wagner "L'Anneau du Nibelung" d'une durée totale de 15 heures interprétées sur quatre soirées consécutives. Un défi à couper le souffle pour tout opéra.

"Richard Wagner disait que "Das Rheingold", c'est la source, que tout commence avec "L'Or du Rhin", avec le mythe selon lequel l'or du Rhin est englouti dans le fleuve," précise Ulrike Kretzschmar, directrice adjointe du Musée historique allemand. "C'est la première pierre, la base pour comprendre l'œuvre intégrale, ce qui mène au "Crépuscule des dieux" et donc, à la fin, à la chute des dieux et à une nouvelle ère pour les hommes, les citoyens," affirme-t-elle.

"Un personnage incroyablement compliqué !"

Dans cet opéra sur la puissance et la trahison, un nain veut séduire des sirènes, un casque peut rendre invisible ceux qui le portent et, bien sûr, un anneau a le pouvoir de gouverner le monde. Parmi les créatures de cette œuvre, Loge tisse sa propre intrigue.

"C'est un arnaqueur et nous avons tous un arnaqueur en nous," estime Rolando Villazón. "C'est un personnage incroyablement compliqué et c'est une joie d'essayer de l'interpréter car il y a tellement de facettes dans Loge," se félicite-t-il.

L'aventure Loge de Rolando Villazón a commencé il y a trois ans, quand il a travaillé pendant deux semaines, avec un coach en langue allemande. Mais même pour les Allemands, les paroles de Wagner peuvent receler quelques pièges.

Lors de la préparation de cette production, le ténor Stephan Rügamer qui dit avoir interprété le rôle de Loge des milliers de fois aide Rolando Villazón à se fondre dans le personnage. Il reconnaît volontiers, la difficile diction de certains passages chez Wagner. "Ce sont ces nombreuses phrases qui se répètent et qui sonnent toutes de manière différente : "Weia ! Waga ! Woge, du Welle !" avec des allitérations, des vers allitératifs, etc. Au début, on arrive à s'en rappeler, mais quand la phrase suivante arrive et qu'elle est à nouveau similaire, on ne s'en souvient plus," explique-t-il avant d'ajouter : "Les erreurs les plus fréquentes quand on interprète Wagner, ce sont celles liés au texte, je crois."

"Une mémoire du corps"

Chaque interprète comme Rolando Villazón répète évidemment, de son côté. "Je refais tout dans ma chambre d'hôtel," confie le ténor à l'issue d'une répétition au Staatsoper. "J'installe une chaise et je rejoue tout car il existe une mémoire du corps," assure-t-il. "Donc le scénario idéal, c'est que quand la répétition en costumes arrive, on sait ce qu'il faut faire à chaque moment du déroulement de l'opéra," souligne-t-il.

Dans la production du Staatsoper, l'intégralité du cycle se déroule sur les cinquante dernières années. Ainsi, la mise en scène et les costumes de "L'Or du Rhin" sont inspirés des années 1970. "Cela passe par les costumes, les couleurs, les silhouettes, les perruques et le maquillage," énumère Elena Zaytseva, la costumière. "La deuxième chose, bien sûr, c'est que nous avons réfléchi à l'image de chacun parce que parmi nos personnages sur scène, il y a des scientifiques, mais aussi des bandits," s'amuse-t-elle.

"Le costume fait partie du personnage," renchérit Rolando Villazón que nous accompagnons lors d'un essayage de sa veste et de son pantalon pattes d'éléphant couleur jaune moutarde. "Donc quand on le met, on ajoute une enveloppe très importante à notre transformation," indique-t-il. 

Pour mieux comprendre Wagner, Rolando Villazón visite au Musée historique allemand, une exposition consacrée à ce compositeur qui continue de diviser comme aucun autre.

"D'un côté, l'univers de Wagner est très tourné vers le passé, avec les mythes germaniques. Mais de l'autre, il est extrêmement moderne," précise Ulrike Kretzschmar, par exemple dans la manière dont il aborde le pouvoir avec le personnage de Wotan selon elle.

"Intégrer la nervosité pour faire de vous, un meilleur interprète !"

Au Musée, le ténor découvre les esquisses réalisées par Franz von Seitz pour Wagner. Son Loge ressemble à un homme aux cheveux longs en culotte de peau. "Je crois que [dans cette production,] je suis légèrement différent !" sourit Rolando Villazón.

"Toutes ces traditions, ces documents historiques, si vous me demandiez s'ils sont absolument nécessaires pour construire un personnage, je vous répondrais "non", mais toutes ces informations stimulent l'imagination," reconnaît-il.

"Pour la première, il suffit d'intégrer dans l'équation, la nervosité, cette chose que l'on ressent dans le ventre, les papillons, l'excitation et le fait de se dire : "Ça y est, c'est le moment !" explique le ténor.

"Vous devez utiliser cela comme un instrument, comme un élément qui fera de vous, un meilleur interprète sur scène et en l'occurrence, à nouveau, la métaphore ne pourrait pas mieux convenir : vous avez ce feu en vous, vous devez devenir ce feu et l'utiliser pour être le feu," conclut-il avec passion.

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