Ces app' qui boostent le moral: pour ou contre

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Par Euronews
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Pouvons-nous faire confiance aux applications qui promettent d'améliorer notre moral et notre bien-être?

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Que ce soit pour améliorer votre humeur ou pour vous aider à gérer les symptômes de la dépression, les applications dédiées à la santé mentale n’ont jamais été aussi populaires. Tapez “santé mentale”, “bien-être” ou “anxiété” dans la liste de celles qui sont disponibles sur votre smartphone et vous aurez l’embarras du choix.

D’après certaines enquêtes, les applications de ce genre se compteraient en milliers. Elles vous promettent de surveiller, de traiter, voire de guérir vos problèmes psychiques. Les professionnels de santé estiment pour leur part que ces accompagnements sur smartphone et sur le web représentent à la fois, une opportunité intéressante et un grand défi.

“Je dirais que l’essor de ces applications est dû à la combinaison de deux facteurs : les avancées de la technologie sur smartphone et la démocratisation de ce type de téléphone au fil des ans. Les applications représentent une nouvelle étape logique dans la multiplication des supports consacrés au développement personnel. Par exemple, au début des années 2000, c‘était la mode de la “bibliothérapie” soit des livres contenant des informations standardisées, basées sur des méthodes comme la thérapie comportementale et cognitive. Puis les programmes informatiques et internet ont fait leur apparition, et aujourd’hui nous voyons se développer ces applications,” explique le Dr Rebecca Grist, du service de santé mentale de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Bath qui a récemment publié une étude sur ces nouvelles applications santé.

La plupart des scientifiques comme le Dr Grist jugent que ce type d’interventions sur smartphone ou sur internet peut présenter un intérêt, mais pose surtout de nombreuses questions.

Repérer les plus fragiles

Ce qui est clair, c’est qu’elles connaissent un vif succès à une époque où les services de santé mentale sont saturés dans de nombreux pays du monde. L’Organisation mondiale de la Santé estime qu‘à l‘échelle de la planète, environ une personne sur quatre sera atteinte de problèmes psychiatriques à un moment de sa vie. Reste que deux tiers d’entre elles ne se soignent pas, soit parce qu’aucune thérapie ne leur est accessible là où elles se trouvent, soit parce qu’elles ont honte de consulter un médecin spécialisé dans ce domaine.

Les applications – si tant est qu’elles soient bien conçues, accessibles partout, garantissent flexibilité et confidentialité – pourraient ainsi combler des lacunes dans la prise en charge de base. Mais la grande difficulté, c’est que de nombreuses applications de ce type n’ont fait l’objet d’aucune validation scientifique rigoureuse.

Pour autant, ces outils peuvent être utiles à certains publics dans des contextes spécifiques. Dans les régions où l’on manque de professionnels spécialisés, par exemple, l’opportunité de trouver un traitement et un accompagnement sur une application peut être intéressante.

En général, le programme intervient auprès de l’utilisateurs en envoyant des messages et en demandant comment il se sent au fil de la journée. Les plus sophistiqués d’entre eux scrutent les changements d’attitude chez l’abonné. Les données collectées peuvent de ce point de vue, être précieuses pour des chercheurs qui cherche à mieux comprendre des états spécifiques comme le trouble bipolaire. Des applications bien précises peuvent ainsi noter si l’individu envoie moins de sms ou passe plus de temps chez lui en analysant son signal GPS. Des comportements qui peuvent être le reflet d’une humeur en berne ou d’un épisode de dépression.

En matière de traitements, certains outils internet de thérapie comportementale et cognitive (TCC) ont fait la preuve de leur efficacité. Ils peuvent venir compléter un parcours de soins.

Il est bien sûr moins onéreux de concevoir des applications plutôt que de construire des infrastructures dédiées à la santé. Pour les jeunes en particulier, envisager d’intégrer ces dispositifs à leur traitement est susceptible de produire des résultats intéressants tout en réduisant les coûts.

“Il y a de nombreuses raisons qui nous poussent à valoriser ces outils internet et ces applications. Ils conviennent aux jeunes, ils sont moins chers et de nombreux pays n’ont pas vraiment d’autre choix vu le piteux état de leurs services de santé mentale,” souligne le Dr John Mann, psychiatre et professeur de neurosciences à l’Université de Columbia.

“Dans le cas des enfants les écrans est une grande part de leur mode de vie. Beaucoup de choses leur parviennent via leur smarphone, ils l’utilisent pour dialoguer et demander de l’aide. Donc quand vous voulez concevoir un dispositif pour délivrer des soins à des enfants et que vous vous contentez de construire des infrastructures traditionnelles, vous adoptez une approche qui est étrangère à leur mode de vie. C’est une option coûteuse qui ne répond pas nécessairement à leurs besoins,” insiste-t-il.

Questions de sécurité et d’efficacité

Et même si ces applications ne remplacent peut-être pas un professionnel de santé en chair et en os, elles peuvent permettre aux médecins d’entrer en contact avec des personnes vulnérables qui ne les auraient pas consultés autrement. Ceux qui éventuellement, éprouvent de la honte à consulter un praticien peuvent être rassurés par le fait d’utiliser leur smartphone pour partager leurs états d‘âme, avec la possibilité à terme qu’un professionnel les contacte de manière confidentielle si leur état est jugé préoccupant.

“Souvent les gens qui ont le plus besoin de traitements sont les plus réticents à accepter de l’aide. Ils sont les plus pessimistes, ils pensent que rien ne pourra les aider. De nombreuses personnes qui se suicident n‘étaient pas connues des services de santé psychique. Dans leur cas, internet et les applications leur offrent un espace sécurisé et nous donnent la possibilité de les identifier,” explique Dr John Mann.

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Mais un problème de taille demeure : parmi les milliers d’applications à disposition, très peu ont été validées de manière scientifique. Donc ils pourraient se retrouver à utiliser un outil qui, au mieux, ne procure aucun bénéfice ou qui au pire, peut nuire un peu plus à leur santé mentale.

“Quand on veut déterminer l’efficacité d’un traitement médicamenteux, on demande habituellement à ce que deux études distinctes prouvent le même résultat. Il n’y a pas de raison pour que les applications ne soient pas soumises aux mêmes obligations,” renchérit le Dr John Mann.

L’enjeu de la protection de la vie privée

Comme d’autres dispositifs en ligne, les plateformes de bien-être et de santé mentale soulèvent des questions sur le respect de la vie privée : comment être certain que nos données resteront protégées sur le long terme ? C’est un enjeu qui doit être au coeur des préoccupations des développeurs de ce type d’outils.

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Aujourd’hui, la question centrale n’est pas de savoir si ces applications sont meilleures que les autres formes de thérapie ou si elles les remplaceront un jour. Comme elles sont sans doute là pour rester, il s’agit plutôt d’envisager la manière dont elles peuvent venir compléter l’offre de soins traditionnelle et s’intégrer à des programmes thérapeutiques existants pour apporter un maximum d’efficacité aux patients.

“Impliquer des personnes touchées et des professionnels de santé à chaque étape de la conception, du développement et des tests aux côtés des développeurs permettra de faire en sorte que l’outil soit plus susceptible d‘être utile aux publics visés. Le potentiel est immense s’il est conçu en commun et que l’on apporte des réponses sur sa sécurité, son acceptabilité et son efficacité,” précise le Dr Rebecca Grist. En attendant, mieux vaut bien réfléchir avant de télécharger la première application venue.

Texte original: Léa Surugue
Suivez Léa @LSurugue

Traduction: Stéphanie Lafourcatère

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