Pourquoi des plantes préhistoriques sont-elles en danger d'extinction ?

Les cycadales sont apparues au cours de la période jurassique et étaient auparavant présentes dans le monde entier.
Les cycadales sont apparues au cours de la période jurassique et étaient auparavant présentes dans le monde entier. Tous droits réservés Getty Images/MasaoTaira
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Par Lottie LimbAlixan Lavorel
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Les cycadales attisent toutes les convoitises en Afrique du Sud. Elles sont victimes d'un véritable réseau de crime organisé qui pourrait conduire à l'extinction de ces plantes, qui ont pourtant survécu aux dinosaures.

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Elles existaient déjà à l'époque des dinosaures. Des plantes préhistoriques pourrait bientôt disparaître en raison de l’attrait qu'elles exercent aux yeux de collectionneurs avides.

Selon les chercheurs de l'Initiative mondiale contre le crime organisé transnational (GITOC), les cycadales, les plus anciennes plantes à graines du monde, sont victimes de braconnage au même titre que les rhinocéros et les éléphants.

Ce commerce illicite - dissimulé au sein du marché légal de plantes cultivables - offre une couverture aux trafiquants et aux riches collectionneurs qui souhaitent planter de rares cycadales dans leurs jardins.

"Posséder une cycadales rare est un signe de richesse et d'intelligence", a déclaré une source anonyme au réseau d'analystes criminels basé à Genève.

L'Afrique du Sud est un haut lieu de diversité, pour ces plantes qui ont commencé leur l'histoire voici plusieurs millénaires. Sur les 38 espèces aujourd'hui référencées, 29 ne se trouvent ainsi que dans ce pays d"Afrique austral".

Aujourd'hui, elles attisent "spécialement la convoitise", selon les experts. Trois d'entre elles ont même déjà disparu à l'état sauvage. La moitié de celles qui subsistent risquent de connaitre le même  même sort, selon la dernière évaluation des risques réalisée par le GITOC. 

Pourquoi ces plantes sont-elles si populaires ?

Getty Images
Les cycadales ne fleurissent et ne fructifient jamaisGetty Images

Au jardin botanique national du Cap, la cycadales la plus rare est maintenue dans une cage pour empêcher les braconniers de s'en saisir, comme ce fut le cas lors d'une tentative en  2014.

Ces plantes semblent sortir tout droit de Jurassic Park, avec leur énorme cône, porteur de graines, en forme de pommes de pin. Elles peuvent vivre mille ans en produisant de nouvelles ramifications à partir de la base de leur tronc.

"Certaines d'entre-elles sont assez surprenantes et attirantes " pour les collectionneurs, explique le chercheur Daniel Stiles à Euronews Green. Ce scientifique ajoute qu'il n'est malheureusement pas rare de trouver de telles plantes dans les jardins paysagers d'amateurs en Afrique du Sud.

Mais c'est en réalité un cercle vicieux qui se referme sur les cycadales. Plus elles se raréfient dans la nature, plus leur valeur s'envole, et une obsession "semblable à celle des orchidées" s'installe, explique Daniel Stiles.

Sur les centaines de cycadales confisquées par la police dans la province du Cap-Oriental au cours des dernières années, toutes figuraient sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature, "ce qui démontre une nette préférence du marché pour les espèces menacées", insiste le chercheur.

Daniel Stiles
Un jardin paysager rempli de cycadales rares.Daniel Stiles

Comment fonctionne ce marché illégal ?

La pandémie n'a pas ralenti cette "criminalité horticole". Des cycadales d'une valeur d'environ 1 million de dollars américains (880 000 €) ont été volées en seulement six mois en 2021, selon les autorités du Cap-Occidental.

Une très faible partie de cet argent parvient aux personnes chargées de voler les plantes, indique l'Initiative mondiale. Certains braconniers ont déclaré avoir été embauchés sous de faux prétextes - "pour couper des arbres" par exemple, comme l'expliquait un braconnier incarcéré à l'ONG TRAFFIC. Ces braconniers ne gagnent guère plus de 35 € par "mission".

Les plus expérimentés deviennent ensuite des "recruteurs", engageant d'autres personnes pour dérober des cycadales. Un officier de police à la retraite a indiqué que les "riches collectionneurs" de la province de Gauteng, qui comprend Johannesburg et Pretoria, alimentent la demande.

Certains acheteurs blanchissent l'achat de ces plantes par le biais de leurs pépinières, en prétendant qu'elles y ont été élevées, ce qui leur permettent d'acheter ou exporter ces plantes menacées sans être inquiétés par les autorités. Mais ces plantes qui ont été sauvagement retirées de leur espace naturel portent des marques, en rasions des efforts déployées pour les arracher. Autant de signes révélateurs attestant de leur véritable origine.

Que peut-on faire pour sauver les cycadales ?

Daniel Stiles
Cycadales dans une propriété privée en Afrique du Sud.Daniel Stiles

Le marque avec des implants électroniques ou la pulvérisation de peinture invisible ne dissuadent pas les braconniers. Ces derniers ont toujours une longueur d'avance sur les autorités en passant, par exemple, les plantes aux rayons X pour détecter les puces RFID.   

Des chercheurs de l'université du Cap ont trouvé une technique plus concrète : l'identification des cycadales sauvages par la datation au radiocarbone, qui donne une indication extrêmement précise de leur lieu de croissance.

Mais le braconnage reste un problème épineux. Daniel Stiles suggère que "les espèces les plus rares doivent  être reproduites pour être ensuite mises en vente à des prix raisonnables".

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Les cycadales ne sont pas "une espèce clé de voûte". Leur extinction n'aurait pas un impact majeur sur l'écosystème mondial. Mais elles ont une valeur intrinsèque, presque sentimentale, historique. La disparition de ce "dinosaure vivant dans le monde végétal" serait une terrible disgrâce pour l'humanité conclue Daniel Stiles.

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