"Frankenchickens" : la réalité "cauchemardesque" de l'élevage de poulets au Royaume-Uni

Un poulet "Frankenstein" incapable d'utiliser ses pattes.
Un poulet "Frankenstein" incapable d'utiliser ses pattes. Tous droits réservés Open Cages
Tous droits réservés Open Cages
Par Marthe de FerrerEmmy Arpin Alotto
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

"C'est une histoire de cruauté envers les animaux, essentiellement, à l'échelle industrielle."

PUBLICITÉ

Des militants ont critiqué la chaîne de supermarchés Morrisons pour avoir vendu du poulet génétiquement modifié qui, selon eux, a subi une "torture extrême".

Dans le cadre d'une campagne nationale, l'association de protection des animaux "Open Cages" a investi 21 magasins Morrisons et le siège de l'entreprise à Bradford pendant le week-end de la fête nationale en mai. Ils protestaient contre la vente par la chaîne de "frankenchickens", des volailles génétiquement modifiées pour grandir 400 % plus vite que la normale afin de maximiser les profits.

"Des volailles malades, trop grandes, qui s'effondrent dans leurs propres déchets dans des fermes industrielles surpeuplées", écrit Open Cages dans un post Facebook.

L'année dernière, le groupe de campagne a découvert, en filmant sous couverture, que des poulets étaient élevés dans des conditions horribles dans quatre fermes fournissant Morrisons. Depuis, Open Cages a lancé une campagne pour mettre fin à la vente de ces volailles génétiquement modifiées.

Morrisons affirme qu'il se soucie "profondément du bien-être des animaux" et que tous ses poulets ordinaires sont élevés selon des normes supérieures à celles du Red Tractor. Open Cages affirme que le supermarché continue cette pratique.

Quelle est la probabilité que votre supermarché vende du "frankenchicken"?

Selon l'ONGThe Humane League, on estime que 90 % des poulets élevés pour la viande au Royaume-Uni atteignent des tailles anormalement grandes, ce qui entraîne des souffrances extrêmes.

Ces poulets grandissent 400 % plus vite que dans les années 1950, parce que les agriculteurs ont été autorisés à sélectionner les animaux afin de maximiser les profits.

"Cela crée toute une série de problèmes de santé et de bien-être", explique Amro Hussain, responsable des affaires publiques à la Humane League UK.

"Cela les amène à s'effondrer sous leur propre poids, à souffrir d'affections douloureuses aux pattes, à se brûler la peau en restant dans leurs propres excréments, à souffrir de maladies musculaires."

Cette croissance est équivalente à celle d'un bébé humain qui atteindrait le poids d'un tigre adulte en deux mois.

"On ne pourrait pas être plus éloigné de l'image qu'à généralement le public dans son esprit comme quoi les poulets sont sains et vigoureux".

Cette croissance équivaut à celle d'un bébé humain qui atteindrait le poids d'un tigre adulte en deux mois.

En plus d'être manifestement cruelle et répandue, cette pratique est également contraire à la loi, selon l'équipe juridique de la Humane League. C'est pourquoi l'organisation caritative demande une révision judiciaire, exhortant le ministère britannique de l'environnement, de l'alimentation et des affaires rurales (Defra) à agir.

Comment les agriculteurs peuvent-ils élever des poulets à des tailles aussi énormes ?

La loi britannique stipule que les animaux ne peuvent être détenus à des fins d'élevage que si leurs caractéristiques génétiques n'ont pas d'effet néfaste sur leur santé ou leur bien-être.

Mais la majorité des poulets élevés pour la viande, soit environ 900 millions de volailles, grossissent si vite que leur corps ne peut pas suivre. De nombreux animaux sont donc incapables de marcher, de se déplacer ou de vivre confortablement.

Open Cages
Des millions de poulets "Frankenchicken" meurent prématurément en raison de leur croissance rapide.Open Cages

Il suffit de regarder les images vidéo de ces volailles qui luttent pour maintenir leur tête relevée et qui sont couvertes de blessures, pour comprendre que leur santé et leur bien-être en pâtissent. Pourtant, cette pratique est aujourd'hui répandue - et ne semble pas poser de problème aux législateurs.

"La plupart des gens ne font pas vraiment d'examen minutieux", explique Edie Bowles, une avocate travaillant pour le Better Chicken Commitment aux côtés de la Humane League, "ils ne regardent pas quelles lois sont correctement appliquées et quelles lois ne le sont pas".

Je demande à Mme Bowles où se situe la responsabilité dans cette affaire ; quel organisme ou institution est censé contrôler les pratiques agricoles ?

"Il y a un vrai problème à tous les niveaux dans ce pays", dit-elle, "bien souvent, les lois qui existent pour protéger les animaux sont souvent confiées à une organisation caritative, comme la RSPCA, pour les faire appliquer."

PUBLICITÉ

Bowles souligne ici l'hypocrisie.

"Cela ne se produit évidemment pas avec les crimes liés aux humains. Il est certain que nous avons une attitude de 'renvoi de la balle' à l'égard des crimes contre les animaux dans ce pays, ce qui a entraîné une mauvaise application des lois de protection des animaux."

Hussain soutient ce point de vue, expliquant que même les personnes qui ne sont pas concernées par le bien-être des animaux devraient s'inquiéter de l'inaction du gouvernement dans ce domaine.

Il est certain que nous avons une attitude de "renvoi de la balle" à l'égard des crimes contre les animaux dans ce pays, ce qui a entraîné une mauvaise application des lois sur la protection des animaux.
Edie Bowles
Avocate pour Better Chicken Commitment et The Humane League.

"Imaginez que n'importe quelle autre autorité gouvernementale dise simplement : "Non ! Je vais autoriser cela sans tenir compte du fait que la loi est clairement écrite". Je pense qu'il s'agit là d'une abdication de responsabilité très inquiétante."

L'affaire juridique est présentée sur la base de trois arguments principaux.

PUBLICITÉ

Premièrement, la pratique enfreint la loi qui stipule que les animaux élevés pour l'agriculture ne peuvent pas être sélectionnés sur la base de leurs gènes, si leur santé ou leur bien-être en pâtissent.

Deuxièmement, l'équipe soutient qu'il n'y a pas de "système de contrôle suffisant en place pour détecter les infractions à la loi".

Et enfin, il y a l'argument selon lequel, en l'absence de systèmes de surveillance appropriés, il y a un avantage concurrentiel injuste pour ceux qui produisent des races à croissance rapide. Tout agriculteur qui se conforme à la loi est automatiquement désavantagé financièrement, car les "Frankenchickens" sont tout simplement plus rentables.

Bien que Bowles et Hussain se concentrent actuellement sur la législation britannique, ce problème n'est pas propre qu'au Royaume-Uni.

Dans l'ensemble de l'UE, des problèmes similaires se posent, les poulets à croissance rapide étant utilisés dans tous les États membres. Selon Compassion in World Farming, ces volailles sont élevées pour atteindre le poids d'abattage en moins de six semaines, soit moins de la moitié du temps qu'il faudrait naturellement.

PUBLICITÉ

Que peuvent faire les consommateurs pour éviter d'acheter des "Frankenchickens" ?

Si éviter d'acheter de la viande est le moyen le plus simple pour ne plus soutenir la cruauté des élevages à croissance rapide, tout le monde ne va pas forcément renoncer entièrement à la viande.

Il existe donc encore des options pour les personnes qui souhaitent manger du poulet, mais en causant le moins de tort possible.

"Il existe un ensemble de normes appelé "Better Chicken Commitment", qui garantit un meilleur bien-être aux poulets et l'utilisation de races à croissance lente", explique M. Hussain.

"Des centaines d'entreprises y ont déjà souscrit, y compris KFC et Nando's."

De grands supermarchés comme Waitrose et Marks & Spencer ont également adhéré à cet engagement.

PUBLICITÉ
Open Cages
Un poulet "Frankenstein" incapable d'utiliser ses pattes.Open Cages

"Mais beaucoup de supermarchés et d'autres entreprises traînent les pieds et profitent essentiellement de cette cruauté", ajoute M. Hussain.

Il cite la chaîne de supermarchés britannique Morrison's comme un exemple clé.

"Nous avons mené une campagne de longue haleine l'année dernière contre Morrison's, en essayant de les pousser à agir. Cela nous ramène à la question de la transparence, car Morrison's en particulier est une marque qui met l'accent sur le bien-être et la santé de ses produits.

"Mais des enquêtes ont montré l'extraordinaire souffrance des poulets Frankenchicken fournis à Morrison's", explique M. Hussain.

En plein milieu de la pire crise du coût de la vie que le Royaume-Uni ait connue au cours des dernières décennies, les critiques pourraient prétendre que les consommateurs n'ont pas d'autre choix que d'acheter de la viande moins chère, même si cela signifie soutenir les "Frankenchickens."

PUBLICITÉ

Mais Hussain n'est pas d'accord.

"Notre point de vue est qu'il est important de se rappeler que nous parlons d'une cruauté extrême envers les animaux dans le contexte de supermarchés qui font d'énormes profits - et qui ont également fait de gros bénéfices grâce à la pandémie ", dit-il.

Nous devons nous demander, en tant que société, si nous sommes prêts à accepter que ces entreprises disent : "Bon, si vous voulez des produits abordables, ils doivent être issus d'une cruauté animale cauchemardesque afin que nous puissions maintenir nos profits".

"Nous pensons qu'il est inacceptable que cela soit répercuté sur les consommateurs."

M. Hussain suggère que les consommateurs écrivent à leurs députés et aux représentants du gouvernement pour exiger que ces entreprises prennent des mesures appropriées et cessent de faire de l'argent sur le dos d'une cruauté flagrante.

PUBLICITÉ

Article traduit de l'anglais

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

L’élevage industriel, source d'une pandémie "silencieuse" ?

Élections européennes : quelles sont les ambitions vertes des différents partis ?

Deux pays d'Europe sont alimentés à 100 % par des énergies renouvelables grâce à la montée en flèche de la capacité éolienne