Pastoralisme : faire cohabiter touristes et chiens de protection

Un berger surveille son troupeau, le long des alpages dans les montagnes près du col du Glandon, dans les Alpes françaises (2018).
Un berger surveille son troupeau, le long des alpages dans les montagnes près du col du Glandon, dans les Alpes françaises (2018). Tous droits réservés JEFF PACHOUD/AFP or licensors
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Par Ophélie Barbier
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Dans les espaces pastoraux, concilier tourisme et chiens de protection n'est pas toujours facile. Ces animaux, éduqués pour protéger les troupeaux, requièrent une attention particulière des promeneurs, qui doivent adopter les bons gestes.

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Le Montagne des Pyrénées, le Berger des Abruzzes, le Mâtin espagnol… Dans le monde, on compte une soixantaine de races de chiens de protection, connus notamment pour limiter la prédation du loup. En France, l'obtention et l'entretien de ces chiens par les éleveurs est partiellement pris en charge par l'Etat, en fonction de la progression du loup sur le territoire.

Situés dans le massif des Monges (Alpes-de-Haute-Provence), classé “zone loup”, Simon Merveille et son épouse possèdent cinq chiens de protection, pour une cinquantaine de chèvres. En parallèle, Simon travaille pour l’Institut de l’élevage (IDELE) et dispense de formations au sujet des chiens de protection, à destination de divers acteurs du sud de la France.

Des animaux autonomes et sociaux

Un chien de protection sert, comme son nom l'indique, à protéger un troupeau d'animaux contre les intrus qui s'en approchent, tels que la faune sauvage (dont les loups, les sangliers, les renards, les blaireaux), les chiens divagants (non tenus en laisse par leurs maîtres) ou les voleurs. 

JEFF PACHOUD/AFP or licensors
Un berger et ses chiens de protection, dans les Alpes françaises (2018)JEFF PACHOUD/AFP or licensors

Différent du chien de troupeau ou de police, “le chien de protection a la spécificité d’avoir du discernement et de l’autonomie dans ses actions”, explique Simon Merveille. L’éleveur ne donne pas d'ordre au canidé mais il le forme tout au long de son éducation pour qu’il sache agir en conséquence des aléas du troupeau. Car un chien de protection considère comme potentiel intrus tout être vivant qui s'en approche. 

Mais soyez rassurés. Pendant son éducation, l’animal apprend la sociabilisation et les codes canins, qui lui permettent d’agir avec les autres êtres vivants. L’animal est exposé à des stimulis variés qu’il est susceptible de rencontrer dans sa vie : au cours de sa croissance, on le familiarise par exemple avec un vélo, une moto, des bruits, des odeurs.

Informer de sa présence, rester calme et attendre

Les chiens de protection peuvent être plusieurs dans un espace pastoral, mais “avant de penser aux gestes à respecter avec eux, la première chose est de se renseigner sur les secteurs où ils sont présents, explique Simon Merveille. Les promeneurs doivent se renseigner auprès des offices de tourisme et des mairies avant d'entamer leur périple. “Mais il y a un vrai retard à ce sujet, car l’information n’est pas donnée aux usagers s’ils ne la demandent pas”, regrette le connaisseur. 

Jean-Marc Landry, écologue et biologiste, explique les gestes à adopter face aux chiens de protection.

Si un chien de protection vous approche, Simon Merveille préconise de parler à l'animal à voix haute, sans crier, dans le but de l'informer de votre présence. “Une fois que vous vous êtes signalé, il se met en alerte, il aboie et à ce moment-là, vous devez vous arrêter”, conseille-t-il. Pour dissuader l’intrus, le chien de protection rameute ses congénères et peut s'interposer pour prendre connaissance avec vous. “Plus on est loin du troupeau, plus la rencontre sera calme”, affirme l'exploitant agricole. 

Dans une vidéo réalisé par Jean-Marc Landry, éthologue et biologiste, sont listés les gestes à adopter avec ces chiens particuliers : ne pas les fixer dans les yeux, rester calme, les mains le long du corps, ne pas reprendre son chemin tant que le chien ne s'est pas calmé. Interposer un objet, sans gestes brusques, comme un sac à dos entre soi et l'animal, peut être utile afin qu’il garde ses distances. Et gare aux chiens domestiques : ils doivent être tenus en laisse.

Faire cohabiter les promeneurs et les chiens de protection

Le loup est de retour en France depuis une trentaine d'années. Mais les chiens de protection étaient déjà présents dans les zones où les lynx ou les ours subsistaient. “Le monde agricole essaye de s’adapter à ces contraintes depuis longtemps, mais la dynamique du tourisme et de la société n’est pas la même. Il n’y a pas eu de bonne communication par rapport aux chiens de protection”, déplore Simon Merveille.

Car selon lui, qui a déjà eu à faire à des incidents entre touristes et chiens de protection dans la région PACA, le comportement des canidés interroge les promeneurs, qui ne saisissent pas forcément pourquoi le berger ne rappelle pas ses chiens lorsqu'ils approchent. “Ces chiens sont éduqués à l'autonomie, notamment pour qu'ils agissent lorsque le berger n’est pas là. Mais ils savent identifier un randonneur ou différencier un chien errant d’un loup”, rassure le spécialiste.

OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP or licensors
Des touristes se promènent dans les Alpes françaises (2021).OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP or licensors

“Une partie du public est soit mal informée, soit elle n’est pas en compréhension des efforts qu'elle doit faire. Le milieu pastoral est un espace de liberté, mais il n'est pas sans contraintes. Si les gens ne les prennent pas en compte, cela peut se solder par une interaction négative avec les chiens de protection”, explique Simon Merveille, qui invite les usagers de la nature à être à l'écoute des alertes de ces chiens indispensables.

Un dispositif expérimental, créé par la Communauté de Communes Alpes Provence Verdon (France), a été lancé en juillet pour localiser les troupeaux des environs en temps réel. Cette application, appelée Pastorando, vise à pacifier la relation entre pastoralisme et tourisme. Pour le moment, cette initiative n’a été développée que dans le parc national du Mercantour, le but étant de la déployer prochainement dans d'autres massifs alpins.

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