Questions sur une culture européenne commune

Questions sur une culture européenne commune
Par Euronews
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Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’Union européenne, a dit un jour : “Si c’était à refaire, je commencerais par la culture”. Il parlait de sa vie personnelle, mais ses paroles sont souvent associées à la construction européenne. Alors que l’Union traverse une grave crise financière, on est en droit de se demander : quelle part de responsabilité l’absence d’une culture commune a-t-elle dans le manque de solidarité européenne ?

Si les Européens pouvaient rire, chanter et pleurer ensemble devant des films et de la musique créés sur des bases communes, est-ce que cela aiderait à créer une identité européenne ? L’influence du divertissement façon Hollywood nuit-elle à la naissance de cette culture européenne ? Faut-il mettre en place des quotas européens, davantage de subventions ? L’Union aide par exemple les plus petites salles de cinéma à passer au numérique à condition qu’elles projettent des films européens.

Les Etats membres doivent-ils intervenir davantage ou laisser la culture contemporaine évoluer au rythme des marchés et des choix des consommateurs ?

Chris Burns, euronews :
“Invités de ce numéro de The Network nous avons tout d’abord en duplex de Cannes, Edouard Waintrop, délégué général de “La quinzaine des réalisateurs” du festival de Cannes. Egalement ancien critique de cinéma pour le journal français Libération et responsable de ‘Cinoque’, un blog sur le site web du journal.
En duplex des bureaux d’euronews à Bruxelles, Juliette Duret, responsable du département Cinema Bozar au Palais des Beaux Arts de Bruxelles, et ancienne directrice de “Wallonie Bruxelles Image” qui fait la promotion des films belges en langue française à l‘étranger.
Et puis ici au Parlement européen de Bruxelles,
Michael Bartholomew, ancien directeur européen du Motion Picture Association of America, ou MPAA, aujourd’hui consultant en divertissement et télécommunications basé à Bruxelles.
Question pour vous tous, même si on commence par Edouard : êtes-vous d’accord pour dire que si on devait refaire l’Europe, il faudrait commencer par la culture ?”

Edouard Waintrop :
“Oui, c’est vrai que pour avoir un langage commun, c’est une nécessité de commencer par la culture et c’est ce qu’on fait avec le cinéma, c’est un outil contemporain et majeur de culture, de création de culture.”

Chris Burns :
“Le cinéma pourrait être le plus puissant facteur de culture commune. Juliette, vous êtes d’accord ?”

Juliette Duret :
“Oui je suis d’accord, je suis d’accord que l’Europe doit s’occuper de la culture, du cinéma et de l‘éducation et y porter son attention, y porter davantage d’attention.”

Chris Burns :
“Mais cette culture commune aujourd’hui semble être le cinéma américain, non ? Michael ?”

Michael Bartholomew :
“Aujourd’hui encore, les Américains dominent probablement et malheureusement une grande part – 85% – du box office en Europe, et il y a énormément de problèmes pour distribuer les films européens à l‘étranger.”

Chris Burns :
“Comment est-ce qu’on résoud ce problème, Edouard ?”

Edouard Waintrop :
“C’est très difficile parce que l’un des principaux problèmes c’est la diversité des langues. Le cinéma est fait avec les langues, les mots, et si l’on veut résoudre ce problème en ne faisant que des films en anglais, ça ne marchera pas du tout. Et donc nous n’avons pas de solution miracle pour résoudre ce problème.”

Chris Burns :
“Juliette, avez-vous une solution, peut-être l’idée du sous-titrage… Est-ce que ça pourrait être une véritable solution ou en faut-il davantage ? Y a-t-il des choses qui se perdent dans la traduction, l’humour par exemple ?”

Juliette Duret :
“Vous savez, 6% des films produits en Europe sont destinés aux pays européens, disons à d’autres pays européens. Donc cela veut dire que nous n’avons pas encore trouvé la solution. Mais j’imagine que si l’Europe investissait dans l‘éducation, la culture et le cinéma pour mieux distribuer, pour réellement apporter un soutien, ça aiderait.”

Chris Burns :
“Je me tourne vers Michael : vous êtes Britannique mais vous avez représenté les intérêts de l’industrie cinématographique américaine. Comment arrêter le rouleau compresseur Hollywood ? Avec des subventions, avec des quotas peut-être ?”

Michael Bartholomew :
“Et bien Chris c’est une question très compliquée mais pour faire court, je pense que les subventions sont cruciales pour le cinéma européen. Il n’y a tout simplement pas assez d’argent disponible. Les quotas, c’est autre chose. On ne peut pas faire une loi sur ce que les gens veulent voir à l‘écran, on ne peut pas forcer les gens à voir un film simplement parce qu’il est français ou allemand.”

Chris Burns :
“Edouard, vous en pensez quoi ?”

Edouard Waintrop :
“Je pense que la situation est très différente d’un pays à l’autre. En France par exemple, où il y a un public important qui va voir beaucoup de films français, la situation est très différente de l’Allemagne. Je pense qu’un film comme “Intouchables” a eu énormément de succès partout où il a été projeté. Et donc le problème c’est peut-être les films eux-même, pas les subventions ou autre chose.”

Chris Burns :
“Juliette, ce sont les films le problème ?”

Juliette Duret :
“On n’a pas de ‘star system’ en Europe, on a un ‘star system’ dans chaque pays, il y a une identité nationale. Il est très difficile de trouver une solution, mais l’Europe peut aider en distribuant les films dans les autres pays, dans les autres pays européens.”

Chris Burns :
“L‘émission touche à sa fin et j’aimerais vous demander, Michael, mais aussi à vous tous : pensez-vous qu’une culture commune peut nous aider à résoudre la crise que nous affrontons aujourd’hui ?”

Michael Bartholomew :
“Ce dont l’Europe a vraiment besoin aujourd’hui, c’est d’un système de distribution plus important qui facilite le passage des frontières pour les films. Et tant que ce ne sera pas le cas, les films américains continueront à dominer 85% du marché ici. Deuxièmement, il faut davantage d’argent pour doubler et sous-titrer les films, et à ce niveau l’Union européenne peut être d’une très grande aide, grâce à ses divers programmes, sur les médias ou autres.”

Chris Burns :
“Juliette, qu’en pensez-vous ? Peut-on résoudre une crise comme celle-ci avec une culture commune ?”

Juliette Duret :
“Oui je le pense, mais une culture commune européenne, basée sur les identités nationales. Il existe bien sûr des moyens. Et je suis d’accord que le fait d’améliorer le système de distribution à travers l’Europe est une partie de la solution.”

Chris Burns :
“On va laisser le dernier mot à Edouard. Il y a beaucoup de films américains dans votre sélection cette année. Une culture commune peut-elle résoudre une crise comme celle d’aujourd’hui ?”

Edouard Waintrop :
“Je suis sûr que si les hommes politiques européens savaient qu’il y a une nouvelle vague très intéressante dans le cinéma grec, cela changerait un peu leur façon de voir la Grèce. Par exemple, la Grèce a l’industrie cinématographique la plus moderne d’Europe…”

Chris Burns :
“…C’est un argument très intéressant, merci.”

Edouard Waintrop :
“J’en suis convaincu.”

Chris Burns :
“Merci Edouard, merci beaucoup à vous tous. Nous avons épuisé tout le temps dont nous disposions. Un dernier merci à nos invité Edouard Waintrop, Juliette Duret et Michael Bartholomew. C‘était Chris Bruns, merci de vous être connectés à The Network, à bientôt.”

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