Egalité des sexes : l'Europe a encore du chemin à faire

Egalité des sexes : l'Europe a encore du chemin à faire
Par Pierre Assémat avec CHRIS BURNS
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Iratxe Garcia Perez, présidente du Comité des Droits de la Femme et l'égalité des sexes, Beatrix von Storch, également membre du comité et membre d'Alternative für Deutschland et Viviane Teitel

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L’Union européenne a encore un long chemin à faire sur la manière de traiter les femmes, avec seulement 54 points sur 100 sur son propre indice sur l‘égalité des sexes. L‘écart entre les salaires est d’environ 15 %

Le Parlement européen a approuvé un plan d’action en 81 points pour pousser l’Europe à réduire ces disparités salariales, de retraites, et de leadership.

Ce plan évoque également les droits en matière de sexualité et de procréation et appelle à lutter contre la discrimination, la violence, les mutilations génitales et le harcèlement en ligne contre les femmes et les filles en général.

Certains parlementaires s’opposent à ce plan qu’ils accusent de favoriser l’avortement et l‘éducation sexuelle. Est-il trop ambitieux ? Et quel pouvoir le Parlement européen peut-il vraiment exercer sur l‘égalité des sexes.

Connectés à cette édition de The Network, ici au Parlement européen à Bruxelles :
-Iratxe Garcia Perez, présidente du Comité des Droits de la Femme et l‘égalité des sexes au Parlement et membre du groupe Socialistes&Démocrates
-Beatrix von Storch, également membre du comité et membre d’Alternative für Deutschland
-Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes, la plus grande organisation d’associations de femmes en Europe.

Une question qui s’adresse à toutes, mais commençons avec Iratxe : ce plan d’action, approuvé par le Parlement européen, a de nombreux points en commun avec la plateforme de Pékin adoptée il y a 20 ans lors de la conférence des Nations Unies sur les femmes. Cette bataille est-elle perdue d’avance ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Je pense qu’on est sur le bon chemin, mais il est nécessaire de faire plus. Nous devons parler des problèmes qui touchent les femmes, c’est-à-dire l‘écart salarial, et le problème de la conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle.

Chris Burns, euronews :
D’accord, mais l’Europe peut-elle être plus efficace aujourd’hui alors que ces objectifs ont été définis il y a 20 ans ?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Je dirais que nous sommes déjà allés trop loin. Dans le dernier rapport, nous appelons la Commission à mettre en place des campagnes sensibilisation pour une division égalitaire des tâches domestiques, qui donc demande à mon mari et à moi-même de répartir différemment notre travail à la maison. Cela interfère dans ma vie privée et je pense que le Parlement n’a pas à intervenir dans ma vie privée.

Chris Burns, euronews :
“Viviane, qu’en pensez-vous ?

Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
Eh bien, je pense que l‘égalité est un élément de la démocratie et qu’il ne peut pas y avoir de démocratie sans égalité entre les hommes et les femmes. Et si vous me posez la question, je pense qu’une Europe féministe est possible.

Chris Burns, euronews :
Parlons du fossé entre les sexes. L‘écart des salaires est de 16 % ici en Europe, pourquoi la réduction de l‘écart a ralenti ? Pour qu’elle raison, et à qui la faute ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Je pense que les crises affectent les personnes les plus vulnérables, et les femmes sont vulnérables sur le marché du travail. Nous devons mettre en place des outils pour les aider, pour réduire l’actuel écart salarial. Nous parlons de 16 % en Europe, mais dans des pays comme le mien, l’Espagne, il y a 23% des différences entre le salaire des hommes et celui des femmes.

Chris Burns, euronews :
C’est peut-être que, même avec ce plan d’action, de nombreuses femmes arrêtent de travailler pour avoir et élever des enfants, alors peut-on les payer autant pour ce travail ? Viviane, qu’en dites-vous ?

Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
Bien évidemment les femmes font des enfants, mais elles ne doivent pas être sanctionnées parce qu’elles font des enfants. Nous parlons de 16 % en Europe, mais dans des pays comme le mien, l’Espagne, il y a 23% des différences entre le salaire des hommes et celui des femmes.

Chris Burns, euronews :
“Beatrix, comment voyez-vous les choses ?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Je pense qu’il n’y a pas d‘écart salarial, pas de la manière dont on le dit. Il y a un rapport de la Maison Blanche qui explique qu’un travailleur mâle à plein temps travaille en moyenne 50% plus longtemps qu’une femme. Et c’est là l’une des raisons de, ce soit disant écart des salaires. Donc il n’y a pas d‘écart de salaires comme on le répète souvent.

Chris Burns, euronews :
Qu’en est-il des retraites. Peu de personnes parlent de ça, mais l‘écart est de 40%. Y-a-t-il une crise en ligne de mire, ou de nombreuses femmes vont vivre le troisième âge dans la pauvreté ? Iratxe ?

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Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Oui, le problème avec les retraites, c’est qu’une majorité de femmes travaillent à temps partiel, et puis il y a la maternité, ce moment où les femmes sont à la maison pour élever leurs enfants… Il faut mettre en place plus de politiques d‘égalité entre femmes et hommes pour avoir plus de possibilités…

Chris Burns, euronews :
D’accord, d’accord, mais les gouvernements ont déjà du mal à payer ces retraites, alors comment peuvent-ils payer plus pour les femmes ? Viviane ?

Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
Les gouvernements payent pour des tas choses, et c’est une question de priorité. Et je pense que beaucoup de partis conservateurs et religieux essayent d’ignorer ces faits, les différences et les discriminations.

Chris Burns, euronews :
Va-t-on s’occuper du cas des femmes retraitées et qui ne touchent pas beaucoup de retraites ?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Je pense que c’est très facile. Nous devons accepter le fait qu‘élever ses enfants et rester à la maison, que s’occuper de ses enfants, doit être reconnu, et que l’on doit donc toucher une retraite pour ça, vous savez. On ne devrait pas avoir besoin d’un travail rémunéré pour augmenter sa retraite. Mais il faut aussi accepter que ce travail que font les femmes est important pour la société. Et on devrait payer pour cela, et penser aux retraites.

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Chris Burns, euronews :
Très bien, c’est un point très intéressant. Les gouvernements payent pour des tas choses, et c’est une question de priorité. Nous pouvoir voir qu’ici au Parlement il n’y a pas beaucoup de femmes proportionnellement. Comment s’occuper de ça ? Mais en fait comment pousser les électeurs, ou plutôt le système à mieux accepter les femmes si elles ne sont pas élues ? Iratxe ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Nous sommes la moitié de la population européenne. Nous devons être dans les mêmes proportions dans les institutions, dans la vie politique, sociale, sur le marché du travail. Il est nécessaire d’introduire des mesures légales pour cette question

Chris Burns, euronews :
Des quotas ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Pour moi, les quotas sont très importants pour garantir une participation égalitaire entre homme et femmes.

Chris Burns, euronews :
En politique ? Dans les salles de réunion ? Qu’en pensez-vous ?

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Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Pas du tout. Je suis contre les quotas, parce que c’est la qualité qui doit décider, et les gens sont libres de choisir qui ils veulent élire, qui postule à un emploi. Je suis contre les quotas. Ce n’est pas libéral. Je suis contre.

Chris Burns, euronews :
Viviane, qu’en pensez vous ?

Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
Je pense que les femmes ne sont pas une minorité et je pense qu’il y a des femmes intelligentes capables d’arriver à des positions de prises de décisions économiques, sociales et politiques. Je pense que nous avons besoin de meilleures législations, et bien entendu, des quotas. Je pense que nous devons aussi avoir une meilleure éducation et qu’il faut commencer à se battre contre les stéréotypes sexuels. Et je pense que les médias doivent être plus attentifs à ça.

Chris Burns, euronews :
L’une des raisons pour lesquelles vous avez voté contre ce plan en 81 points, Béatrix, c’est l’avortement. La résolution note l’importance des droits sexuels et de procréation et appelle la Commission à créer des modèles d‘éducation à travers l’Europe. Est-ce vraiment au Parlement de décider de cela ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
La liberté est l’une des valeurs les plus importantes en Europe. Et les femmes en Europe doivent être libres de pouvoir décider de leur maternité. Pour moi, il est très important de pouvoir garantir la bonne marche des services de santé liés à la procréation en Europe. C’est très important pour mon groupe politique et nous voulions que ce point figure dans le plan.

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Chris Burns, euronews :
Ok, Beatrix?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Ce point est très clair. Il n’y a aucune compétence au niveau de l’Union européenne pour le droit à l’avortement. Donc cela n’a rien à faire ici.

Chris Burns, euronews :
l’UE n’a aucun pouvoir là-dessus ?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Sur une base juridique, non. Donc nous ne devrions pas rentrer là-dedans.

Chris Burns, euronews :
Qu’en pensez-vous Viviane, doit-on l’aborder ?

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Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
On devrait. Je pense –enfin, nous pensons que cela fait partie des droits fondamentaux–, la liberté de choix est essentielle pour les femmes, et je ne pense pas que nous devrions retourner au Moyen-âge et nous devons combattre ces forces conservatives et religieuses qui veulent que les femmes retournent à la cuisine, fasse des enfants, etc. Nous devons casser les stéréotypes sexuels et nous battre pour le libre choix des femmes.

Chris Burns, euronews :
La résolution appelle –et nous n’avons plus beaucoup de temps, donc c’est probablement la dernière question–, la résolution appelle à la mise en place de programmes d’action pour lutter contre le cyber-harcèlement et les intimidations en ligne. Les efforts effectués jusqu‘à présent ne portent pas leurs fruits ? Iratxe ?

Iratxe Garcia Perez, députée européenne socialiste :
Nous pensons qu’il est nécessaire de coordonner les différentes politiques des pays pour garantir cette question. C’est important, et avec ce plan, le Parlement veut adopter une position transversale. Nous devons parler de beaucoup de choses parce que l‘égalité affecte tous les niveaux de notre vie.

Chris Burns, euronews :
“Beatrix, pourquoi est-ce que cela a échoué jusqu‘à présent ?

Beatrix von Storch, députée européenne allemande :
Je pense que nous sommes allés trop loin sur de nombreux points et que cela peut créer à l’avenir de nouveaux problèmes. Je pense nous avons déjà à faire face à des problèmes plus importants. Par exemple, l‘écart sur les retraites pour les femmes, parce que nous n’acceptons pas le fait qu’elles rendent un grand service à la société en élevant des enfants.

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Chris Burns, euronews :
Ok. Viviane, un dernier mot à ce sujet ?

Viviane Teitelbaum, présidente du Lobby européen des femmes :
Oui, je pense que c’est une question de priorité et de détermination. Concernant la maltraitance des enfants, nous avons été en mesure de gérer le problème sur internet. Donc nous pourrions aussi bien le faire pour les femmes et les discriminations auxquelles elles font face. Il faut se décider à investir, savoir si l’on veut vraiment que ça arrive et accélérer la mise en œuvre des Droits de la femme et la réalisation de l‘égalité entre les hommes et les femmes, absolument !

Chris Burns, euronews :
Merci Viviane, notre temps est écoulé. Je voudrais remercier nos invités Iratxe Garcia Perez, Beatrix von Storch et Vivane Teitelbaum.

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