Nouvelles drogues de synthèse : légales, mais létales

Nouvelles drogues de synthèse : légales, mais létales
Par Euronews
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On les appelle les “nouveaux produits de synthèse” (NPS) et leur consommation est en plein essor en Europe. Ces drogues que l’on peut acheter

On les appelle les “nouveaux produits de synthèse” (NPS) et leur consommation est en plein essor en Europe. Ces drogues que l’on peut acheter légalement imitent les effets des substances illicites, mais n’en sont pas moins très dangereuses. Elles ont coûté la vie à 115 personnes l’an dernier au Royaume-Uni, pays où la législation est en train d‘évoluer.

Il y a un an, à Belfast, Adam Owens a été retrouvé mort à l’extérieur d’une maison de la ville après avoir consommé des Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) : des drogues qui imitent les effets des substances interdites. Elles sont légales, mais bel et bien létales. “Il n’y a pas de mot pour décrire ce qu’on ressent quand on voit mourir son enfant à 17 ans à cause de quelque chose qui coûte pas cher, mais qui tue,” souligne sa mère Adele Wallace.

“Quand vous êtes-vous rendue compte que votre fils prenait ces produits ?” lui demande notre reporter Valerie Zabriskie.

“La première fois que je m’en suis aperçue, c‘était environ un an et demi avant sa mort : je l’ai su parce que j’ai trouvé un sachet de produit dans sa chambre sous son oreiller, dit-elle. En fait, j’en ai pris conscience parce qu’il y avait du vomis sur tout son lit et sur tout le sol, c‘était un vomis noir, raconte-t-elle, c‘était très inquiétant et déchirant parce que je me suis rendue compte que mon enfant prenait vraiment ces drogues et je n’en avais aucune idée.”

D’après Adele Wallace, Adam a pu facilement se procurer ces substances parce qu’en Irlande du Nord et dans le reste du Royaume-Uni, leur vente est autorisée. On peut les acheter dans des magasins appelés “head shops”, dans la rue ou encore sur internet. Aujourd’hui, la mère de famille alerte les jeunes sur leur dangerosité. Elle nous présente un sachet de sucre glace qu’elle a préparé : “J’ai mis un gramme et demi de sucre glace dans ce sachet, c’est une toute petite quantité, indique-t-elle avant d’ajouter : Et la raison pour laquelle j’ai préparé ce sachet, c’est pour montrer de manière évidente aux enfants dans les écoles qu’un gramme et demi, c’est la quantité de produits de synthèse que mon fils a pris cette nuit-là, a partagé avec deux autres et que c‘était suffisamment toxique – partagé en trois – pour prendre la vie de mon fils de 17 ans.”

115 morts au Royaume-Uni l’an dernier

La police britannique a diffusé des images de vidéo-surveillance où l’on voit des individus hagards sous l’emprise de ces substances qui reproduisent les effets de la cocaïne, de l’héroïne, de l’ecstasy ou du cannabis entre autres. Aujourd’hui, elles inondent le marché européen. Au Royaume-Uni, elles ont fait 115 morts l’an dernier. C‘était quatre il y a sept ans.

Notre reporter nous présente différents produits : “Ils sont tous légaux, souligne-t-elle, mais on ne sait pas ce qu’ils contiennent et sur l’emballage, c’est indiqué : “Impropre à la consommation humaine.”

Etablir la composition chimique de ces drogues, c’est ce qu’a fait Stephen Bell à l’Université Queen’s de Belfast. Son équipe a mis au point une nouvelle technique d’analyse rapide de ces substances psychoactives. “Notre méthode revient principalement à identifier les composés chimiques en regardant leur mode vibratoire, explique le scientifique. Chaque composé vibre de manière différente parce qu’il a une composition différente, c’est un peu comme une empreinte digitale, précise-t-il. Cela nous permet de mettre en évidence très rapidement les composés qu’on n’a jamais vus dans ces nouveaux produits arrivant sur le marché et potentiellement dangereux parce qu’on ne les a jamais vus, insiste Stephen Bell.

“Les qualifier de “drogues légales” est une fausse appellation terrible, c’est vraiment très nocif, poursuit-il. Beaucoup de produits saisis contiennent des substances interdites : donc, ils sont tout bonnement illégaux et ils n’ont jamais été analysés par quiconque, dit-il. Les jeunes sont les cobayes d’une vaste expérience : on leur fait consommer tous ces produits en espérant que ça ne leur fera pas de mal.”

Most synthetic #drugs consumed in #EU made locally. EU also exports/is transit zone #EDMR16https://t.co/DbpZZ3Eytcpic.twitter.com/yjVifrQEc5

— EU drugs agency (@EMCDDA) 7 avril 2016

Vers une interdiction générale au Royaume-Uni après celle instaurée en Irlande

Mais comment arrêter l’expérience en cours ? Le gouvernement britannique a décidé d’instaurer une interdiction générale de ces produits qui devrait entrer en vigueur en mai. Désormais, ceux qui seraient pris en train de les vendre encoureront sept ans de prison.

Il y a six ans, l’Irlande voisine a adopté une telle législation. Mais cela ne s’est pas fait sans controverse.

Martin McHugh a consommé pendant un temps, du cannabis, de l’héroïne, de la cocaïne, de l’ecstasy, mais aussi ces nouvelles drogues. “J’ai commencé à les prendre quand on a pu commencer à les acheter dans les magasins du centre-ville, confie-t-il. Ensuite, quand ils ont dû fermer, on pouvait encore se les procurer, on pouvait en avoir dans la rue, sur internet ou au Royaume-Uni.”

“Je sais que je suis un drogué”

“Ces drogues avaient quels effets sur vous ?” lui demande notre reporter.

“Les symptômes que j’ai eus personnellement, c‘était de la paranoïa aigüe, j’avais l’impression d’avoir des fourmis partout, le trip durait entre 36 et 72 heures et il n’y avait rien qui pouvait interrompre les effets,” indique Martin McHugh.

“Pourquoi vous avez continué de les prendre ?” s’interroge Valerie Zabriskie.

“Je ne peux pas vous dire pourquoi je les prenais encore et encore, parce que je sais que je suis un drogué,” indique le jeune homme.

Les limites de la législation

Tim Bingham a pour sa part, étudié les conséquences de l’interdiction générale sur la consommation de ces produits en Irlande. Pour lui, la législation a entraîné la fermeture des magasins, mais les affaires continuent sur internet et dans la rue. Grâce à une tablette, nous nous rendons sur un site qui propose ce type de produits : “Là, on a une substance légale “Encens à base d’herbes K2” qui coûte 7 livres 95, dit Tim Bingham. On peut voir qu’il y a différentes sortes, on peut en acheter un gramme, trois grammes, six grammes, on va dire qu’on va prendre deux paquets comme cela, on n’a même pas à s’enregistrer ou quoi que ce soit, on peut payer de manière anonyme et la commande vous est envoyée chez vous le lendemain,” ajoute-t-il.

Drug markets are complex, accelerated by #globalisation & #technology. #EDMR16 & https://t.co/a2XrMMKGn5 give detail pic.twitter.com/pPMZifzFbr

— EU drugs agency (@EMCDDA) 6 avril 2016

“Ces produits peuvent être achetés sur internet parce que les serveurs ne sont pas situés en Irlande, donc là où les serveurs sont situés et où les sites sont basés, ce n’est pas illégal de vendre ces substances, indique-t-il. On sait que les gens continuent d’acheter ces produits : dans notre enquête sur l’emploi étudiant l’an dernier, 19% des étudiants interrogés en avaient acheté eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’amis,” conclut-il.

Près de la frontière avec l’Irlande du Nord, le cannabis de synthèse est devenu la drogue numéro un des adolescents du secteur, parfois très jeunes. A Monaghan, ce type de produits a fait deux morts l’an dernier. Employé d’un centre familial, Packie Kelly fait régulièrement le tour des lieux où les jeunes prennent ces substances. Pour lui, la nouvelle législation irlandaise a montré ses limites. Il nous montre des emballages de produits qu’il a récupérés. “Il y en a beaucoup, beaucoup de sortes et en fait, pour celui-là, montre-t-il, des consommateurs d’héroïne nous ont dit qu’ils préféraient consommer de l’héroïne de manière régulière plutôt que de prendre ce produit. Toutes ces substances ont été saisies lors de différentes arrestations et fouilles de police en Irlande et jusqu‘à présent, aucune poursuite n’a été engagée pour possession de ces produits, donc à l’heure actuelle, la législation que nous avons en Irlande ne remplit pas ses objectifs,” dénonce-t-il.

Plus de cent nouvelles substances chaque année en Europe

Au Royaume-Uni, la prochaine interdiction générale de ces drogues obligera ces magasins à cesser leur activité. Ici aussi, certains doutent de l’efficacité de la mesure. Aujourd’hui, plus de cent nouvelles substances de ce type font leur apparition en Europe, chaque année.

New drugs: 100 new substances reported to #EWS in 2015, over 560 being monitored. #EDMR16https://t.co/gG94ntK9USpic.twitter.com/dkhjnfd2Cb

— EU drugs agency (@EMCDDA) 5 avril 2016

“Quand je suis allé me faire tester pour l’héroïne dans mon centre de soins pour obtenir de la méthadone, nous raconte Martin McHugh, mes analyses sont revenues positives aux amphétamines et à la cocaïne alors que je n’avais pris aucun de ces produits, je n’avais pris que des produits de synthèse légaux. Mais peu de temps après, poursuit-il, ils n’apparaissaient plus parce qu’il a été dit que ces nouveaux produits ne se voyaient plus dans le sang ou dans les urines ; donc on a appelé ça, les “nouvelles produits de synthèse”. Ensuite, des gens ont eu des effets secondaires néfastes et ils ont dû être transportés en urgence à l’hôpital, explique-t-il, on n’a pas pu les traiter avec quelque chose contre l’overdose parce que cela ne se voyait pas dans leurs analyses.”

Adele Wallace, mère d’Adam Owens, renchérit :
“Comment quelque chose d’aussi mortel, ignoble et toxique peut-il être considéré comme légal alors que cela tue nos enfants – et les adultes aussi parce qu’il n’y a pas de différence à faire entre les consommateurs – ? Les enfants sont plus vulnérables parce qu’ils sont amenés à penser qu’ils ne craignent rien parce qu’on dit qu’elles sont légales, je suis vraiment écoeurée,” lance-t-elle.

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