"Personne ne veut revivre les horreurs de la guerre" en Colombie

Le président colombien Juan Manuel Santos
Le président colombien Juan Manuel Santos Tous droits réservés REUTERS/Vincent Kessler
Par Ana LAZARO
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Le président colombien s’apprête à laisser sa place. Juan Manuel Santos tire le bilan de son action à la tête du pays.

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Après deux mandats à la tête de la Colombie, le président Juan Manuel Santos quittera cet été ses fonctions. Son action depuis 2010 a été notamment marquée par l'accord de paix conclu en novembre 2016 avec la guérilla des FARC. La même année le dirigeant colombien recevait le Prix Nobel de la paix pour avoir mis fin à 53 ans d'un conflit sanglant. Euronews a interrogé Juan Manuel Santos pour tirer le bilan de son action.

Euronews :

" Peut-on dire que le processus de paix est irréversible? "

Juan Manuel Santos :

"Personne ne veut revivre les horreurs de la guerre. De plus, la Cour constitutionnelle a validé une loi qui assure que lors des trois prochains mandats aucun président, aucun parlement ne pourra établir ou passer une loi qui ne serait pas conforme à l'accord de paix. "

Euronews :

"Justement, le 2e tour de l'élection présidentielle va bientôt avoir lieu en Colombie et l'un des candidats, le conservateur Iván Duque, assure qu'il veut modifier l'accord. Est-ce que cela peut mettre en danger l'ensemble du processus?"

Juan Manuel Santos :

"Il a commencé, et son parti avec lui, à dire qu'il voulait détruire complètement l'accord. Mais depuis ils ont changé leur position, désormais ils parlent de petits ajustements. De quelle nature? S'il s'agit d'améliorer l'accord, très bien, mais s'il s'agit de le changer alors ils ne pourront pas le faire."

Euronews :

"L'autre candidat issu de la gauche, Gustavo Petro, et d'autres voix estiment que la Colombie pourrait suivre la voie du chavisme. Est-ce possible?"

Juan Manuel Santos :

"Cette idée inquiétante circule depuis longtemps, on a même dit que j'essayais de mettre le pays sous le joug du « castro-chavisme ». C'est une menace utilisée par de nombreuses personnes pour instiller la peur dans le but d'obtenir un gain électoral."

Euronews :

"J'aimerais vous demander quel est le prix à payer pour cet accord de paix? D'un côté vous avez obtenu le prix Nobel mais avez aussi été fortement critiqué sur la scène nationale, parfois par les victimes."

Juan Manuel Santos :

"Pas tant par les victimes. Elles m'ont beaucoup soutenu. C'était une leçon essentielle, ces personnes m'ont appris que les victimes sont les personnes les plus généreuses parce qu'elles ne veulent pas que d'autres Colombiens souffrent à leur tour. Les critiques sont normales car dans un tel processus il faut prendre des décisions: où tracez-vous la limite entre la justice et la paix? Il y aura toujours un camp qui veut plus de justice et un autre qui souhaite davantage de paix. Il y aura toujours des critiques. Le plus important est que le processus se poursuive et qu'il soit irréversible."

Euronews :

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"Parlons des relations entre la Colombie et le Venezuela. A l'heure actuelle un million de Vénézuéliens ont fui vers la Colombie. Comment faites-vous pour gérer ces arrivées?"

Juan Manuel Santos :

"Avec les Vénézuéliens nous avons ouvert nos cœurs et nos bras car ils ont besoin d'aide. Mais avec le régime à l'origine de cette crise humanitaire, la pire du pays, nous sommes intransigeants."

Euronews :

"Une autre question en suspens en Colombie est l'éradication de la production de coca. Vous avez mené la bataille en ce sens, qu'est-ce que votre successeur devra faire?"

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Juan Manuel Santos :

"Nous avons mené la bataille contre la production de coca depuis de nombreuses années, depuis 30 ans, par fumigation, par une éradication forcée, par tous les moyens. Mais les familles qui en produisent n'ont pas d'autre alternative, elles retournent à la production de coca car sinon elles n'ont rien pour vivre. Maintenant avec le processus de paix, l'Etat peut atteindre des zones jusque-là inaccessibles. Si nous profitons de cette situation, si nous agissons comme il faut et si nous arrivons à convaincre les producteurs de changer de culture, si les familles finissent par dire: je ne produis plus de coca mais désormais du cacao, du café ou du maïs alors nous parviendrons à une solution structurelle."

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