Donald Trump ou Joe Biden: quelle donne pour l'économie européenne?

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Par Valérie Gauriat
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L'Union européenne a-t-elle beaucoup plus à perdre si Donald Trump est réélu président ? Et l'UE a-t-elle beaucoup à gagner si le démocrate Joe Biden est élu ?

L'économie européenne peut-elle espérer une éclaircie après les élections américaines ? Décrite il y a deux ans par Donald Trump comme le "premier ennemi commercial" des Etats-Unis, l'Union européenne a payé cher le prix de la doctrine America First du président américain. A-t-elle beaucoup plus à perdre de sa réélection, et que peut-elle gagner d'une victoire du candidat démocrate Joe Biden ? À la lumière de relations transatlantiques changeantes, rien ne peut être tenu pour acquis, disent ceux que nous avons rencontré dans ce numéro spécial de Unreported Europe.

Située entre la Bourgogne et le Beaujolais, la maison de négoce Jean Loron exporte un quart de ses exportations vers le marché américain. Mais les affaires sont devenues plus difficiles depuis que les exportateurs de vin français, allemands et espagnols ont été frappés il y a un an par une nouvelle taxe de 25% sur leurs exportations vers les États-Unis.

Préserver les parts de marché de l'entreprise aux États-Unis était donc un enjeu crucial pour faire face à la concurrence mondiale. "Nous avons pris une décision qui fait mal au portefeuille, celle de baisser nos prix pour compenser la taxe fait aux États-Unis", explique Philippe Bardet, PDG de la Maison Loron. "Cela fait plus de plusieurs centaines de milliers d'euros. C'est important pour nous, c'est notre bénéfice de l'année. On ne vend pour rien aux États-Unis. Donc on espère qu'il y aura une issue, mais nous n'en sommes pas certains", poursuit-il.

"Même si c’est le candidat démocrate qui remporte les élections aux Etats-Unis ?", lui demande notre reporter Valérie Gauriat. "C’est évident que le changement de Président peut être de bonne augure. Mais quoi qu'il arrive, la situation ne va pas se résoudre à court terme", répond-il.

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Présidentielle américaine : les relations entre Américains et Européens peuvent-elles s'apaiser après le scrutin ?Euronews

Un certain nombre d'autres produits européens ont été ciblés par la taxe dite "Trump". Les exportateurs sont les victimes collatérales d'une longue bataille entre le géant aéronautique européen Airbus et son concurrent américain Boeing.

Décrétant que les subventions européennes à Airbus étaient illégales, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a donné le feu vert à Washington il y a un an pour appliquer des tarifs punitifs sur l'équivalent de 7,5 milliards de dollars d'importations européennes.

"Je pense que l'Union européenne est un ennemi"
Donald Trump en 2017

Dernier rebondissement en septembre dernier : l'OMC a autorisé à son tour l'Union Européenne à imposer des droits de douane sur les marchandises américaines pour un équivalent de 4 milliards de dollars, en représailles aux subventions illégales accordées par Washington à Boeing.

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Il y a deux ans, dans un entretien télévisé à la chaîne américaine CBS, Donald Trump avait quelque peu résumé sa vision des relations commerciales entre les États-Unis et l'Union Européenne. "Quel est votre plus grand concurrent, le plus grand ennemi, au niveau mondial actuellement ?", lui demandait le présentateur. "Eh bien, je pense que nous avons beaucoup d'ennemis. Je pense que l'Union européenne est un ennemi", avait répondu le président américain. "Ce qu'ils nous font en matière de commerce... Ils ont vraiment profité de nous."

Une déclaration survenue peu de temps après que l'Union européenne a imposé de nouvelles taxes sur les exportations américaines d'acier et d'aluminium, ainsi que sur certains produits américains emblématiques. Cette décision était elle aussi prise en réaction aux taxes américaines imposées plus tôt sur les exportations européennes d'acier et d'aluminium.

"Nous n’avons pas l’intention d’envenimer la situation, mais nous devons nous défendre"
Valdis Dombrovskis
Vice-président exécutif de la Commission de l'UE

Les tensions risquent de ne pas s'atténuer en cas de victoire de Donald Trump aux élections du 3 novembre. Et si ces différends commerciaux ne peuvent se résoudre par la voie de la négociation, l’Union européenne a promis de rendre coup pour coup.

«Cette relation commerciale et d'investissement reste la plus importante au monde. Il est important de continuer à s'engager, de continuer à développer notre relation transatlantique, car lorsque l'UE et les États-Unis travaillent ensemble, nous pouvons également être une force pour le bien dans le monde", a souligné Valdis Dombrovskis, Vice-président exécutif de la Commission de l'UE, et Commissaire européen au commerce.

"Mais nous avions également clairement indiqué que si les États-Unis prenaient des mesures unilatérales, l'UE devrait répondre de manière proportionnée. Nous n’avons pas l’intention d’envenimer la situation, mais nous devons nous défendre", poursuit-il.

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Joe Biden, meilleure donne sur le plan diplomatique ?

Malgré les sanctions tarifaires de Donald Trump, l’excédent des échanges de biens de l’Union européenne vers les États-Unis n’a cessé d’augmenter depuis l'arrivée au pouvoir du président américain en janvier 2017. Le déficit des échanges de biens américains avec l'UE a également atteint des sommets à la fin de l'année dernière.

Mais une nouvelle offensive est attendue si le président sortant remporte un second mandat. La menace d'une taxe de 25% sur les importations de voitures européennes se profile depuis que les dirigeants européens ont annoncé vouloir taxer les géants américains de la technologie, les GAFA. Un projet suspendu jusqu'à la fin de l'année, la date limite fixée pour qu'un accord soit trouvé.

La question n'est que l'un des nombreux sujets qui empoisonnent les relations euro-américaines. Et ces derniers ne devraient pas disparaître, quel que soit le résultat des élections, estiment les experts de part et d'autre de l'Atlantique.

"Je pense que le ton général des relations s'améliorerait considérablement sous une administration Biden", relève Edward Alden, Senior fellow au Council on Foreign Relations et expert en politique commerciale américaine. "Mais il y a d'autres problèmes qui vont être très, très difficiles. Sur cette question de taxe numérique, par exemple. Les démocrates sont plus encore plus dévoués aux géants numériques de la Silicon Valley comme Google et Facebook que les républicains", poursuit-il.

Et d'ajouter : "La dispute entre Boeing et Airbus ne va pas disparaître. Et si vous regardez la campagne de Joe Biden, sa politique d'acheter américain est la plus agressive que nous ayons jamais vue d'un candidat. Je pense que vous allez voir les États-Unis être très tournés vers l'intérieur."

Le candidat démocrate a clairement indiqué que les préoccupations nationales auront priorité sur de nouveaux accords commerciaux. Mais une détente est attendue sur les fronts des taxes douanières, et au niveau de la coopération internationale.

"Je suis convaincu que Joe Biden essaiera de travailler avec les Européens pour sauver ce qui peut être sauvé de l'Organisation Mondiale du Commerce", avance Guntram B.Wolff, directeur du think-thank Bruegel Economic. "Et il y a les relations bilatérales avec l'Europe. Là, je pense que Biden a une vision qui est favorable au libre-échange. Et là, des progrès sont possibles. En ce qui concerne les problèmes climatiques et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui est également un sujet commercial, je pense que nous trouverons un accord avec Joe Biden."

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L'Union européenne défend-elle suffisamment ses intérêts ?

Des questions subsistent sur l'avenir des sanctions contre les entreprises européennes faisant affaire avec l'Iran, la Chine ou la Russie. Joe Biden s'engage à reprendre les pourparlers avec l'Iran, mais seulement si Téhéran se conforme à ses engagements nucléaires.

Le candidat démocrate à la présidentielle partage les préoccupations de Donald Trump en ce qui concerne les relations européennes avec les entreprises technologiques chinoises, ou le projet de gazoduc entre la Russie et l'Allemagne.

Ces incertitudes poussent l’Union européenne à être plus unie, pour s'imposer sur l'échiquier du commercial mondial. "Nous restons ouverts aux affaires, ouverts au commerce libre et équitable. Mais d'un autre côté, nous devons nous affirmer davantage dans la défense de nos intérêts, de nos valeurs. Nous devons renforcer nos instruments de défense commerciale. Et c'est exactement ce que nous faisons actuellement", assure Valdis Dombrovskis, Vice-président exécutif de la Commission européenne.

"La leçon à tirer, c'est que l'UE doit défendre fermement ses propres intérêts en matière de commerce", analyse pour sa part Edward Alden. "Je pense qu'elle y est plutôt bien parvenue au cours des quatre dernières années, C’est pourquoi l’administration Trump n’a pas obtenu autant de résultats avec ses plaintes contre l’Europe qu’il en aurait escompté. Et je crois que cette tendance se poursuivra au cours des quatre prochaines années, quel que soit le prochain président aux Etats-Unis."

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