Coronavirus : qu'est-ce que Covax et aide-t-il les pays pauvres à avoir accès aux vaccins ?

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Photo d'illustration Tous droits réservés Ted S. Warren/Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved.
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Par Lauren ChadwickThomas Seymat avec AFP
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Des experts ont critiqué les pays riches pour avoir acheté des doses de vaccin contre la Covid-19, alors que les pays pauvres se retrouvent sans doses, une situation qui s'est poursuivie des mois après le début des vaccinations.

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Il s'agit d'une mise en garde brutale sur l'avenir de la pandémie de Covid-19 : sans un accès mondial aux vaccins nécessaires pour sauver des vies, le nouveau coronavirus est là pour rester.

Le virus s'est propagé sur tous les continents et a infecté plus de 110 millions de personnes dans le monde entier en un peu plus d'un an depuis qu'une situation d'urgence sanitaire mondiale a été déclarée pour la première fois.

Les militants et les experts humanitaires tirent la sonnette d'alarme quant aux écarts importants dans la distribution des vaccins entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres.

Ils reprochent aux pays riches d'acheter des doses de vaccin anti-Covid-19, alors que les pays pauvres en sont privés, une tendance qui se poursuit des mois après que les premières doses sont devenues disponibles.

"Très rapidement, la différence entre les pays va devenir très importante et notre principale préoccupation est que [les pays riches] commencent à vacciner les groupes à moindre risque assez rapidement à partir de mai alors qu'à l'autre bout du monde, nous ne serons toujours pas en mesure de vacciner complètement les soignants", estime Alain Alsalhani, pharmacien spécialisé en vaccins au sein de Médecins sans frontières (MSF).

Une étude commandée par la Chambre de commerce internationale a estimé que l'économie mondiale perdrait 9,2 mille milliards de dollars (7,6 mille milliards d'euros) si les gouvernements ne garantissent pas aux pays en développement l'accès aux vaccins contre la Covid-19.

Les pays à faible revenu comptent donc sur un programme mondial d'accès à ces vaccins, le programme Covax (officiellement connu sous le nom de Covid-19 Vaccines Global Access Facility). Cette initiative est dirigée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) et Gavi, l'Alliance pour les vaccins.

Mais est-ce suffisant pour les pays en voie de développement ? Voici un aperçu de la manière dont la distribution des vaccins se déroule pour ceux qui ont peu de moyens.

Qu'est-ce que le programme COVAX ?

L'idée originale de ce programme était de coordonner les achats de doses au niveau mondial afin d'éviter que les pays les plus pauvres ne soient écartés de la course aux vaccins. Mais, dans la pratique, elle fonctionne plutôt comme un projet d'aide, selon les experts.

Cette initiative, qui vise à accélérer l'accès aux vaccins contre la Covid-19, a été mise en place fin avril 2020 et prévoit maintenant de distribuer plus de 330 millions de doses de vaccins à 145 pays lors d'un premier cycle de distribution d'ici juin 2021.

Elle couvrira en moyenne 3,3 % de la population totale dans les pays qui vont des pays riches, comme le Canada et la Nouvelle-Zélande, qui paient les vaccins, à des pays comme la Syrie et le Yémen, qui les reçoivent grâce à des dons internationaux.

"Il a fallu beaucoup de temps pour mettre en place le projet et, comme il a fallu beaucoup de temps, les pays [riches] n'étaient pas convaincus de pouvoir acheter leurs vaccins auprès de Covax et ont commencé à conclure leurs propres accords bilatéraux pour s'assurer que leurs populations auraient accès au vaccin", précise Antoine de Bengy Puyvallée, politologue à l'université d'Oslo.

"Bien sûr, cela a désavantagé Covax à un moment donné parce qu'ils étaient en concurrence pour les mêmes doses".

Aujourd'hui, l'initiative a des mois de retard sur les pays riches qui ont acheté la quasi-totalité des premières doses. L'OMS a déclaré début février que 90% des vaccins anti-Covid déjà livrés l'ont été dans les pays riches.

Par conséquent, beaucoup de ces pays auront vacciné des pourcentages beaucoup plus importants de leur population d'ici juin, comparé aux pays les moins riches.

Le premier contrat de Covax en août 2020 concernait le Serum Institute of India (SII) pour la production de vaccins d'AstraZeneca et de Novavax. Mais Pfizer et BioNTech, dont le vaccin avait été préalablement approuvé par les autorités réglementaires, n'ont conclu un accord avec Covax que fin janvier pour la fourniture de 40 millions de doses, soit environ 3 % de ce que l'entreprise vise à produire en 2021.

Ce n'est pas atypique pour la façon dont les médicaments arrivent généralement sur le marché, expliquent certains experts, qui affirment qu'il y a souvent des retards dans l'acheminement des médicaments vers les pays en développement.

Mais "c'est un cas très particulier que cette idée que les pays qui étaient capables de payer en prenant le risque sont en fait ceux qui ont aujourd'hui les vaccins", a déclaré M. Alsalhani de MSF. "Dans des circonstances normales, le marché des vaccins ne fonctionne pas vraiment de cette façon".

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Pourquoi certains pays riches reçoivent-ils des vaccins par le biais de Covax ?

Le programme comporte deux volets : un pour 98 pays qui paient leurs propres vaccins et l'autre, appelé Covac AMC (Advance Market Commitment) pour 92 pays émergents ou en voie de développement, comprenant le Nigeria, l'Inde, l'Ukraine, la Syrie, l'Afghanistan, le Yémen, etc.

L'objectif est de vacciner "au moins 20 % de la population" de ces pays à faible revenu d'ici à la fin 2021 afin d'avoir "un impact bien réel pour arrêter la propagation de la pandémie", explique à Euronews un porte-parole de Gavi.

Le Canada est actuellement le seul pays du G7 qui recevra des vaccins par l'intermédiaire de Covax, ce qui lui a valu des critiques en son sein, les gens se demandant si le pays ne recevait pas des vaccins destinés aux pays pauvres.

"Notre priorité absolue est de faire en sorte que les Canadiens aient accès aux vaccins", a déclaré la ministre du Développement international du pays, Karina Gould, à la chaîne CBC, soulignant que le Canada est le deuxième plus grand contributeur pour l'initiative Covax AMC.

"Notre position a toujours été que nous devons obtenir des vaccins pour les Canadiens, mais que nous devons aussi les procurer au monde entier".

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Si le fait que certains pays financent des vaccins par l'intermédiaire de Covax facilite la signature d'accords de fabrication avec les sociétés pharmaceutiques, certains détracteurs estiment que ceux qui ont déjà conclu des accords bilatéraux pour des vaccins devraient attendre.

"Le problème est que certains des pays à revenu élevé ont des accords bilatéraux et ont déjà commencé à recevoir des doses", rappelle M. Alsalhani.

Pour le chercheur Bengy Puyvallée, le désir d'aider les autres d'une part et de vacciner leurs propres populations d'autre part crée "un dilemme pour les pays".

Mais conclure des accords bilatéraux tout en soutenant Covax est également une "politique ambiguë", qui "a en quelque sorte sapé l'approche globale parallèlement".

L'UE a signé suffisamment de contrats pour vacciner deux fois l'ensemble de sa population. Elle a également collecté des fonds pour aider les pays européens hors UE à accéder aux vaccins et doit d'ailleurs annoncer le doublement de sa contribution au dispositif Covax, pour la porter à 1 milliard d'euros, lors de la réunion du G7, a indiqué ce vendredi une source européenne.

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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, doit également annoncer lors de cette réunion une contribution de 100 millions d'euros d'aide humanitaire en faveur de la campagne de vaccination en Afrique par le biais d'un soutien à Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des maladies, selon la même source, citée par l'AFP. Cette contribution doublée est financée par le budget de l'UE.

Et, si la Serbie a commencé à vacciner sa population de manière précoce en s'appuyant principalement sur le vaccin chinois, de nombreux pays des Balkans comptent eux sur Covax pour leurs premières doses. C'est le cas notamment de la Bosnie-et-Herzégovine, qui a déjà reçu de l'UNICEF des réfrigérateurs pour stocker le vaccin Pfizer/BioNTech qu'elle s'est procuré dans le cadre de cette initiative.

"Des campagnes de vaccination inégales pourraient entraîner d'autres problèmes à l'avenir"

De nombreux experts et humanitaires font pression pour que les vaccins soient distribués de manière plus équitable, avertissant que si les pays en développement n'ont pas accès aux vaccins, cela pourrait causer de gros problèmes à l'avenir.

"La vaccination de nombreuses personnes dans quelques pays, laissant le virus non maîtrisé dans de grandes parties du monde, entraînera l'apparition de davantage de variants", souligne le Dr Jeremy Farrar, directeur de l'organisation caritative Wellcome, dans un communiqué.

"Plus il y aura de variants, plus le risque que le virus évolue — au point que nos vaccins, traitements et tests ne soient plus efficaces — est élevé".

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Le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait déclaré que le monde était "au bord d'un échec moral catastrophique", les pays riches ayant mis en place des vaccinations des mois avant les pays en développement.

"Il n'est pas normal que les adultes plus jeunes et en meilleure santé des pays riches soient vaccinés avant les soignants et les personnes âgées dans les pays plus pauvres", avait-il ajouté.

De nombreuses organisations humanitaires plaident en faveur d'un effort plus équitable et demandent avec insistance au Royaume-Uni et à l'UE de partager les doses avant de vacciner les jeunes adultes.

Brandon Locke, responsable politiques et plaidoyer de la campagne ONE, a déclaré qu'au lieu de vacciner 70 % des populations d'ici l'été, comme l'UE entend le faire, les pays devraient "réévaluer" et "partager certaines de ces doses avec les pays à faible revenu, non pas après avoir vacciné toute notre population, mais dès maintenant, alors que nous vaccinons nos propres soignants".

"C'est en fait ce qui va aider à freiner et à endiguer le virus" a insisté M. Locke.

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Augmenter les capacités de production

Mais il s'agit aussi augmenter la production de ces doses très prisées.

De nombreux pays espèrent y parvenir en faisant pression sur les entreprises pharmaceutiques pour qu'elles soient plus transparentes et qu'elles partagent leurs informations avec le reste du monde.

L'Afrique du Sud et l'Inde ont demandé à l'Organisation mondiale du commerce de suspendre les lois sur la propriété intellectuelle pour accroître le partage des connaissances. Certains considèrent que le secteur privé, qui a reçu d'importantes sommes d'argent public, doit faire davantage d'efforts pour former d'autres personnes à l'utilisation de ces technologies.

"Il est clair que l'approche 'business as usual' que nous adoptons pour les questions vraiment sensibles comme la propriété intellectuelle, les droits de la concurrence et la façon dont nous travaillons avec les entreprises pharmaceutiques, ne fonctionne tout simplement pas", a déclaré M. Locke.

"Nous devons chercher une solution à long terme à ce problème... il n'y a aucune raison légale, éthique ou rationnelle de ne pas le faire".

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