Comment l'UE peut-elle diversifier son approvisionnement énergétique ?

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Par Alberto De FilippisEuronews
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Le risque d'un conflit entre l'Ukraine et la Russie révèle une nouvelle fois la dépendance européenne à l'égard du gaz russe. Les 27 cherchent des alternatives mais la question n'est pas uniquement politique elle est aussi technique.

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Diversifier les ressources énergétiques de l'Union européenne. La hausse des prix de l'énergie et les tensions avec la Russie poussent les 27 à chercher de nouveaux approvisionnements en gaz. Mais le problème n'est pas uniquement commercial à travers la recherche d'autres fournisseurs. La question est surtout de savoir comment acheminer le gaz vers les différents États membres.

L'approvisionnement de l'Europe dépend de ses partenaires internationaux. Le gaz ne peut être acheminé que par deux chemins. La première solution passe par des gazoducs qui garantissent l'approvisionnement à un coût moindre mais qui nécessite du temps à mettre en place. L'autre option passe par le gaz naturel liquéfié (GNL) mais dont le coût est plus élevé.

La Russie est historiquement le premier fournisseur de gaz naturel de l'Union européenne. Mais depuis les conflits gaziers entre la Russie et l'Ukraine en 2006 et 2009, puis les tensions consécutives à la crise ukrainienne de 2013-2014, l'UE cherche à réduire sa dépendance à l'égard du gaz russe. Moscou fournit cependant toujours près de 40 % de la consommationde l'UE en gaz.

Des réserves particulièrement basses

L'UE est entrée dans l'hiver avec des réserves de gaz anormalement basses. Selon Simone Tagliapietra, chercheur à l'Institut Bruegel, la situation est extrêmement difficile car il n'y a pas vraiment le choix : "Les pays d'Afrique du Nord (Algérie, Libye) fournissent actuellement du gaz naturel à l'Europe via des gazoducs mais n'ont pas la capacité technique d'augmenter leur production et leurs exportations. L'Europe ne peut donc pas compter sur eux pour obtenir des approvisionnements supplémentaires afin de remplacer le gaz russe. Le GNL africain, comme celui du Nigeria, pourrait jouer un rôle, mais là encore, cela dépendra de la rapidité avec laquelle ces pays pourront augmenter leur production et leurs capacités de liquéfaction. Dans tous les cas, il est difficile de voir des volumes supplémentaires disponibles pour l'Europe à court terme."

Cependant, l'Italie et l'Espagne cherchent des moyens pour augmenter leurs importations de Libye et d'Algérie et voir comment les transférer vers le reste de l'Europe.

Augmenter les importations en provenance d'Italie ?

L'Union européenne espère que le gazoduc transadriatique (TAP) permettra d'augmenter les importations de gaz d'Azerbaïdjan vers l'Europe. Le TAP devrait porter sa capacité d'exportation à 10 milliards de mètres cubes par an, contre environ 8 milliards de mètres cubes actuellement.

Cette progression représente la dernière étape d'un projet de 40 milliards de dollars appelé : corridor gazier du Sud. L'Azerbaïdjan a exporté l'année dernière 19 milliards de mètres cubes de gaz, dont 8,5 milliards de mètres cubes vers la Turquie. Le reste a été expédié en Italie, en Géorgie, en Grèce et en Bulgarie.

Jens Buettner/AP
Construire de nouveaux gazoducs ne permet pas de répondre à l'urgence de la criseJens Buettner/AP

L'UE travaille actuellement sur un autre projet : EastMed. Ce gazoduc doit relier le réseau européen aux champs de gaz offshore découverts à Chypre, en Israël et en Égypte. S'il est achevé, il contournera la Russie et la Turquie en reliant les structures chypriotes au réseau européen.

Depuis 2004, Greenstream, un pipeline de 520 km de long qui relie la Libye à Gela en Italie, est en service.

Il existe également le gazoduc Transmed, long de 2 000 km, qui relie l'Algérie à l'Italie. Alger est aujourd'hui le deuxième exportateur de gaz vers la péninsule italienne, après la Russie.

Un nouveau gazoduc pour acheminer le gaz vers l'Europe depuis l'Espagne ?

Près de 45% du gaz que l'Espagne importe et consomme provient d'Algérie. Deux gazoducs lient les deux pays. Le plus important est le gazoduc Maghreb-Europe, qui transporte en moyenne de 10 000 millions de mètres cubes par an vers la péninsule ibérique.

Le second est le gazoduc sous-marin Medgaz, qui passe par Almería. Mis en service en 2010, il doit sécuriser l'approvisionnement de l'Espagne et de l'Europe.

La multinationale Naturgy et son partenaire algérien Sonatrach ont convenu en juillet de mettre en route son extension, dans laquelle les deux sociétés ont investi quelque 73 millions d'euros. Le calendrier ne devrait pas connaître de retard particulier puisque l'extension est déjà terminée. Il s'agit désormais d'effectuer les tests de pression avant de pouvoir le mettre en route.

Medgaz est le premier gazoduc à fonctionner à plus de 2 000 mètres de profondeur en Méditerranée. Il dispose d'une capacité initiale de 8 000 millions de mètres cubes par an. A terme, 25 % du gaz naturel consommé en Espagne passera par ce projet.

L'OTAN serait également en train d'évaluer la possibilité de construire un gazoduc à travers la péninsule ibérique qui fournirait du gaz algérien et du gaz liquéfié au marché européen "pour alléger la dépendance de l'Europe centrale au gaz russe", a rapporté le journal catalan La Vanguardia, citant des sources du gouvernement espagnol.

AP Photo
La gazoduc Nord Stream 2 est au centre d'une bataille géopolitiqueAP Photo

Selon le journal, il s'agirait du projet Midcat, annulé en 2019 par les autorités espagnoles et françaises en raison de sa faible rentabilité due à la préférence croissante pour les énergies renouvelables. Si le projet évalué initialement à 400 millions d'euros se concrétise, la péninsule ibérique pourrait devenir une "plateforme de distribution" et une réserve à travers ses huit usines de regazéification situées en Espagne et au Portugal.

L'utilisation de gaz liquide peut-elle être une alternative ?

Si l'Espagne dispose des meilleures infrastructures pour l'exploitation du gaz liquéfié, la situation pourrait rapidement se détériorer. José María Yusta, spécialiste des marchés de l'énergie à l'université de Saragosse, affirme que l'entreprise "Enagás, gestionnaire technique du système gazier en Espagne, a déclaré qu'en novembre 2021, 95 % de la capacité offerte dans les usines de regazéification, le maximum légal possible, a été atteint, contre 57 % en novembre 2020."

Sylvain THOMAS/ EC - Audiovisual Service
Un tanker de gaz naturel liquéfiéSylvain THOMAS/ EC - Audiovisual Service

L'Espagne est donc proche de sa possibilité maximale de stockage en gaz liquide. L'utilisation de cette ressource d'énergie ne semble donc pas en mesure de résoudre les problèmes d'approvisionnement en énergies de l'Union européenne.

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