Le prix des denrées alimentaires a bondi à cause de l’invasion de l'Ukraine par la Russie

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Par Orlando CrowcroftEuronews
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La guerre en Ukraine risque d’affoler plus encore les marchés internationaux.

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Les denrées alimentaires ont atteint un niveau record en février. Les prix ont augmenté de 24 % en 2022 comparés à ceux de la même période l'année précédente.

Plusieurs facteurs expliquent cette forte hausse à commencer par l'énergie et le transport. Le coût de ces deux éléments a progressé de façon spectaculaire au cours de l'année écoulée. La demande en gaz naturel a largement dépassé l'offre ainsi que le transport maritime de marchandises. Les échanges commerciaux ont bondi après la torpeur provoquée par la pandémie de covid-19.

Les marchés n’ont pas eu le temps de s’ajuster à cette accélération. La Russie a envahi le mois dernier l’Ukraine. Les investisseurs et les industriels ont immédiatement réagi.

Les prix ont bondi de 50 %

L'Ukraine et la Russie sont présentées comme le grenier du monde. Les deux pays produisent environ 30 % des denrées alimentaires telles que le blé et le maïs. A elle seule l'Ukraine, 28 fois plus petite que la Russie, fournit respectivement 16 % et 12 % du blé et du maïs mondial.

Deux semaines après le début du conflit, Kiev a décidé d'interdire les exportations de denrées alimentaires de base. Les autorités veulent nourrir en priorité la population. Une crise humanitaire s’installe alors que les violations répétées de cessez-le-feu empêchent les convois d'aide d'atteindre les villes les plus touchées.

La Russie fait de même et interdit les exportations de blé jusqu'à la fin du mois de juin vers certains pays voisins.

Pas de rayons vides en Europe

"Je ne pense pas que nous allons voir des rayons vides pour quelque produit alimentaire que ce soit en Europe, et la raison en est tout d'abord, que nous n'importons pas de blé d'Ukraine ou de Russie, ou du moins pas en grandes quantités", précise à Euronews Matin Qaim, professeur d'économie agricole et directeur du Centre de recherche sur le développement de l'Université de Bonn.

"Nous importons du maïs d'Ukraine et il est principalement utilisé pour l'alimentation animale", ajoute-t-il.

Vitaly Timkiv/AP
La Russie et l'Ukraine sont considérés comme le grenier à pain du mondeVitaly Timkiv/AP

De plus, la production alimentaire en Europe est fortement mécanisée de sorte que le prix des matières premières joue un rôle moindre dans le prix du produit fini.

"Pour un pain cuit industriellement que vous achetez dans un supermarché, la part du blé dans le prix du pain final peut être inférieure à 10 %", explique Matin Qaim. "Cela signifie donc que si le prix du blé augmente, le pain deviendra plus cher de quelques centimes", précise-t-il.

Mais cela ne protégera pas les Européens de la hausse des prix alimentaires.

"Il est évident qu'il y a beaucoup d'autres éléments, comme l'énergie, le coût de la main-d'œuvre, le coût des machines, le coût du transport, le coût de la marque, l'emballage des produits, tout cela entre en ligne de compte. Et cela signifie que lorsque le prix du blé double, et il est maintenant deux fois plus élevé qu'il y a deux ans, cela ne signifie pas que le prix du pain va doubler dans notre contexte", souligne le professeur.

Des "prix alimentaires très élevés" à venir

Le prix des denrées alimentaires est fixé à l'échelle internationale. Le fait que l'Ukraine et la Russie limitent leurs exportations n’est pas sans conséquence. L’ampleur de cet impact dépendra de la durée de la guerre et de l'état des infrastructures une fois le conflit terminé.

Les autorités ukrainiennes accusent la Russie de viser délibérément les équipements agricoles et les ports de la mer Noire. Ces structures sont essentielles pour le commerce du blé et sont désormais gravement endommagées.

L'incertitude plane également sur les exportations russes. Les sanctions commerciales imposées par les pays occidentaux limiteront-elles les échanges ?

"Les prix des denrées alimentaires sont si élevés, et le blé et le pain de blé sont les principaux aliments de base de la population russe. Les gens en Russie sont assez pauvres et si le prix du pain augmente vraiment, il peut y avoir des problème. Et c'est quelque chose que (le président russe Vladimir) Poutine essaie vraiment d'éviter", souligne Matin Qaim.

L'incertitude quant aux mesures que prendront les autres pays pour protéger leur propre population de la hausse des prix ou pour profiter de leur flambée risque d'aggraver les perturbations. L'Argentine, l'un des principaux exportateurs mondiaux de produits à base de soja, annonce déjà la fin de ses exportations.

Tout cela "signifie qu'en 2022, nous allons probablement vivre avec des prix alimentaires élevés, voire très élevés", souligne Matin Qaim.

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Renforcer la résilience des systèmes alimentaires

La Banque centrale européenne (BCE) a déjà mis à jour ses prévisions d'inflation pour l'année. Elle table désormais sur une inflation de 5,1 % en 2022. Elle souligne que les prix de l'énergie devraient rester élevés et que d'autres produits de base, notamment les denrées alimentaires et les métaux, "pourraient également être gravement touchés par le conflit, étant donné le rôle de la Russie et de l'Ukraine dans l'approvisionnement mondial de ces produits."

Vitaly Timkiv/AP
La guerre en Ukraine inquiète le marché des denrées alimentairesVitaly Timkiv/AP

La BCE a prévenu que l'inflation alimentaire "restera élevée tout au long de 2022, en raison des prix élevés des produits de base et des augmentations extraordinaires des prix du gaz et de l'électricité, qui représentent environ 90 % des coûts énergétiques totaux de l'industrie alimentaire transformée et constituent un facteur important pour la production d'engrais."

La Commission européenne travaille actuellement sur l'identification de mesures à court et à long terme qu'elle peut mettre en œuvre pour renforcer la résilience des systèmes alimentaires de l'UE. Une communication à cet effet est prévue pour le 23 mars.

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