Proposition d'embargo sur le pétrole russe : la Hongrie prend l'UE en "otage" selon la Lituanie

Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis à Vilnius en Lituanie, le 9 août 2021
Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis à Vilnius en Lituanie, le 9 août 2021 Tous droits réservés AP Photo / Mindaugas Kulbis
Par Alice TideySandor Zsíros
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Douze jours après la proposition de la Commission européenne d'imposer un embargo progressif sur le pétrole russe, les négociations s'éternisent. La Hongrie est désormais accusée par la Lituanie de prendre l'UE en "otage".

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Bien qu'elle ne figure pas à l'ordre du jour officiel, la proposition d'embargo sur le pétrole russe présentée par l'Union européenne a dominé ce lundi une réunion des ministres des Affaires étrangères, certains États membres étant accusés de prendre l'UE en "otage".

La proposition d'interdire progressivement le pétrole russe dans l'ensemble de l'Union a été annoncée il y a douze jours par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Mais contrairement aux cinq précédents paquets de sanctions rapidement approuvés par les 27, les négociations sont au point mort et aucune issue ne semble en vue.

Quatre États membres particulièrement dépendants des combustibles fossiles russes - la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie - demandent aujourd'hui à la Commission, de les autoriser à continuer d'importer du pétrole russe après décembre 2024. Ce qui constituerait un report important par rapport au reste de l'Union.

La Hongrie est considérée comme le principal opposant à ce sixième paquet de sanctions qui comprend cet embargo : son Premier ministre Viktor Orbán avait décrit l'interdiction du pétrole russe comme une "bombe atomique" pour l'économie de son pays.

"Nous ne pouvons pas être pris en otages"

S'exprimant à son arrivée au Conseil des Affaires étrangères à Bruxelles ce lundi, le ministre lituanien Gabrielius Landsbergis a fait valoir que "maintenant, malheureusement, toute l'Union est prise en otage par un État membre qui ne peut pas nous aider à trouver un consensus."

À la question de savoir s'il avait un message pour son homologue hongrois, il a répondu : "Nous devons nous mettre d'accord, nous ne pouvons pas être pris en otages."

"La Commission a proposé des solutions que nous considérions comme trop souples," a-t-il renchéri. "Nous parlons d'une période d'abandon progressif du pétrole russe qui prendrait fin le 31 décembre 2024 : c'est un délai très, très long," a-t-il estimé. "Je pense que tout le monde s'attendait à ce que cela soit suffisant et je ne peux pas expliquer pourquoi ce n'est pas le cas," a-t-il souligné.

"L'une des solutions pourrait être d'aider l'Ukraine à se découpler du pétrole et du gaz russes car, comme vous le savez, l'État membre qui ne peut pas nous aider à trouver un consensus [ndlr : la Hongrie] est dépendant de l'approvisionnement en provenance d'Ukraine, donc si celui-ci était coupé depuis l'Ukraine, la question des sanctions serait automatiquement résolue," a-t-il ajouté.

En début de semaine dernière, Ursula von der Leyen a tenté de sortir de l'impasse en se rendant à Budapest pour rencontrer Viktor Orbán, mais sans succès. Les responsables européens ont souligné par la suite que les discussions portaient sur les préoccupations de la Hongrie en matière de logistique et d'infrastructures suite aux accusations selon lesquelles Budapest pourrait tenter de négocier son accord au paquet de sanctions pour obtenir davantage de fonds européens.

Le ministre hongrois des Affaires étrangères Péter Szijjártó a rejeté cette accusation ce lundi lors d'une conférence de presse diffusée sur sa page Facebook en déclarant aux journalistes : "Je ne comprends pas ce que dit le ministre lituanien des Affaires étrangères."

"C'est un mensonge de dire que nous prendrions toute l'Union en otage," a-t-il ajouté.

Péter Szijjártó a déclaré la semaine dernière que son pays aurait besoin de près de 800 millions d'euros pour moderniser ses infrastructures afin de se tourner vers d'autres fournisseurs de combustibles fossiles.

Il a ajouté lundi qu'il faudrait de 15 à 18 milliards d'euros à la Hongrie pour abandonner totalement ces énergies tout en suggérant que la majeure partie de cette somme devrait être financée par l'UE.

L'Union européenne "réussira"

Le Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères Josep Borrell a quant à lui déclaré aux journalistes ce lundi que "nous ferons de notre mieux pour débloquer la situation."

"Je ne peux pas garantir que cela se concrétisera car les positions sont assez fermes, mais je pense que si nous comprenons la situation particulière de certains États membres et que nous faisons tous un effort pour présenter un front uni contre la Russie, nous réussirons," a-t-il également déclaré.

L'initiative RePowerEU de la Commission européenne qui doit être dévoilée mercredi est particulièrement attendue : elle devrait inclure des financements destinés à soutenir la transition énergétique des États membres. Ce qui pourrait contribuer à faire avancer le dossier de l'embargo sur le pétrole russe.

Des diplomates craignent malgré tout que Viktor Orbán ne veuille faire traîner les discussions jusqu'à ce que les dirigeants de l'UE se réunissent le 30 mai pour un sommet extraordinaire où une solution politique plutôt que technique pourrait être trouvée, ont déclaré des sources à Euronews.

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