L'UE encore loin de conclure un accord sur le "made in Europe", face au plan américain

L'UE souhaite s'entendre sur un mécanisme pour maintenir une concurrence juste avec les Etats-Unis
L'UE souhaite s'entendre sur un mécanisme pour maintenir une concurrence juste avec les Etats-Unis Tous droits réservés AP Photo/Gregorio Borgia
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Par Alice Tidey
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Les 27 cherchent la réponse au plan américain de subventions aux entreprises qui risque de fausser la concurrence aux Etats-Unis, au détriment des compagnies européennes.

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Les dirigeants de l'Union européenne sont réunis jeudi à Bruxelles pour discuter d'un plan "made in Europe" destiné à répondre aux centaines de milliards de dollars que Washington va dépenser pour renforcer sa capacité de production verte.

Les dirigeants des 27 pays de l'UE doivent tenir une discussion sur les relations transatlantiques afin d'examiner comment stimuler la coopération mais aussi comment réagir, en tant qu’ensemble, à ce nouveau plan de subventions américain.

Même si la loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA) a été promulguée en août et entrera en vigueur au début de l'année prochaine, les dirigeants ne devraient pas encore se mettre d'accord sur la marche à suivre.

"Ce n'est pas l'heure des décisions pour le Conseil européen. C'est le temps de l'orientation", a déclaré cette semaine un fonctionnaire européen.

La loi américaine risque de "discriminer les entreprises européennes"

Dans une lettre adressée aux dirigeants avant le sommet, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prévient que certains éléments de la loi américaine sur l'inflation "risquent de ne pas uniformiser les règles du jeu et de discriminer les entreprises européennes".

La loi anti-inflation de Washington prévoit 367 milliards de dollars d'aides d'État pour stimuler l'industrie américaine et des incitations pour les consommateurs à acheter des produits américains, notamment des voitures, des batteries et la production d'énergie renouvelable.

Un groupe de travail de haut niveau chargé de résoudre le problème a été mis en place et s'est réuni à plusieurs reprises depuis la fin du mois d'octobre. L'Union européenne souhaite que ses fabricants bénéficient du même accès au marché américain que ceux du Canada et du Mexique, avec lesquels les États-Unis ont conclu des accords commerciaux.

Le président américain Joe Biden a quant à lui déclaré que des "ajustements" étaient possibles lors de la visite d'État au début du mois du président français Emmanuel Macron .

L'une des principales craintes est que les entreprises européennes, aux prises avec des prix de l'énergie bien plus élevés que leurs homologues américaines, perdent en compétitivité. Elles pourraient alors choisir de geler leurs investissements ou de se délocaliser aux États-Unis pour bénéficier des aides publiques locales et de la baisse des coûts énergétiques.

Des aides d'Etat plus simples et plus rapides

Dans sa lettre, Ursula Von der Leyen propose d'adapter les règles relatives aux aides d'État pour les années à venir "afin de garantir un cadre plus simple, plus rapide et encore plus prévisible", et de stimuler les investissements publics pour accélérer la transition énergétique grâce à des financements nationaux mais aussi européens, afin que les pays qui disposent d'une marge de manœuvre budgétaire plus faible puissent également stimuler les aides d'État.

À court terme, cela pourrait se faire à travers le renforcement de REPowerEU, le plan de 225 milliards d'euros de la Commission pour ne plus dépendre des énergies fossiles russes et accélérer la transition énergétique.

Mais elle fait aussi valoir que l'UE a besoin d'une "solution structurelle pour stimuler l'industrie des technologies propres en Europe" à moyen terme, sur la base d'un financement européen commun.

"C'est pourquoi j'ai introduit l'idée d'établir un Fonds européen de souveraineté et pourquoi nous présenterons des propositions concrètes au cours de l'été", écrit-elle.

Mais les pays dits "frugaux" - Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède - ne sont pas très enthousiastes à l'idée de créer un nouveau fonds qui serait financé par l'émission d'une dette commune.

Ils préfèrent plutôt élargir le champ d'action des instruments existants ou "flexibiliser l'utilisation de l'argent", comme le dit un fonctionnaire européen.

Un seul fonds pour les gouverner tous ?

L'Union européenne a commencé à émettre de la dette commune à grande échelle pour s'assurer que les 27 économies européennes puissent résister à la tempête économique provoquée par la pandémie du covid-19. Elle va maintenant se tourner vers les marchés pour financer un programme d'aide de 18 milliards d'euros à l'Ukraine.

Les pays particulièrement scrupuleux sur l’état des finances publiques sont opposés à une augmentation de la dette commune, car ils disposent d'une plus grande marge de manœuvre pour soutenir leurs entreprises et leurs économies.

La répartition de la charge entre les pays de l'UE risque également d'alimenter le débat sur les règles relatives aux aides d'État, qui ont déjà été assouplies pendant la pandémie pour permettre aux gouvernements de lancer une bouée de sauvetage aux entreprises durement touchées.

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Ces mesures de soutien sont strictement contrôlées par la Commission européenne afin de maintenir les fondamentales conditions de concurrence au sein de l'UE.

Le plan allemand de 200 milliards d'euros pour aider les entreprises et les citoyens vulnérables à supporter la hausse des prix élevés de l'énergie a provoqué la colère des autres pays.

Les petites économies craignent désormais qu'un nouvel assouplissement de ces règles, si l'argent doit être distribué au niveau national et non européen, favorise les pays les plus puissants qui auront plus de liquidités à consacrer à leurs entreprises.

"Ne commençons pas à distribuer des médicaments lourds"

Une source diplomatique européenne estime que le débat sur un nouveau fonds est discutable car personne n'est encore d'accord sur la nature du problème, notamment sur les secteurs et les entreprises qui pourraient être touchés par la loi.

"Ayons d'abord une vision claire de la situation, afin de pouvoir déterminer quel est réellement le problème. Ne commençons pas à distribuer des médicaments lourds alors que nous ne savons pas si nous traitons un rhume ou un covid", ajoute cette source qui souligne que des instruments existent déjà et que les pays peuvent les utiliser avant de créer un nouveau fonds.

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La France ne souhaite pas non plus que les discussions se concentrent sur un fonds unique "c_ar on voit les effets contre-productifs que cela pourrait avoir avec certains de nos partenaires_", souligne une source à l'Elysée.

Les dirigeants devraient donc charger la Commission de formuler des propositions.

"La Commission doit revenir dans les premières semaines de 2023 avec une stratégie européenne que l'on peut appeler "made in Europe", par exemple, qui aborde toutes ces questions", ajoute-t-on.

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