Les femmes restent sous-représentées dans la défense, selon l'ambassadrice française à l'Otan

Une militaire française, membre d'un équipage de char Leclerc, en Roumanie
Une militaire française, membre d'un équipage de char Leclerc, en Roumanie Tous droits réservés AP Photo/Vadim Ghirda
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Par Lauren Chadwick
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"Certains réflexes ont encore la vie dure et les femmes restent sous représentées dans les réunions de haut niveau auxquelles je participe," selon Muriel Domenach, l'ambassadrice française à l'Otan.

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Les femmes sont maintenant plus nombreuses à occuper des postes décisifs dans les domaines de la sécurité et de la défense mais restent en nette infériorité numérique, selon des officielles et des expertes.

"On progresse, mais certains réflexes ont encore la vie dure et les femmes restent sous-représentées dans les réunions de haut niveau auxquelles je participe," a déclaré à Euronews, Muriel Domenach, l'ambassadrice de la France auprès de l'Otan. 

"J'ai toujours participé à des réunions où il y avait très peu de femmes et plus on montait dans le niveau et dans le degré de l'importance des enjeux, de sécurité dites dures, moins il y a de femmes."

Muriel Domenach est l'une des six femmes ambassadrices à l'Otan, qui, confrontée à la guerre en Ukraine, voit de nouveaux pays frappés à sa porte. 

Elle souligne qu'en 1955 quand l'Allemagne de l'Ouest a rejoint l'Organisation du traité atlantique nord, il y avait seulement des hommes ambassadeurs présents à Paris pour signer l'accord. En revanche, pour la signature du protocole d'accession de la Finlande et de la Suède l'année dernière, "il y avait six femmes sur 30 alliés, c'est à dire 20 % des alliés".

L'OTAN
La signature du Protocole d'adhésion à l'OTAN pour l'Allemagne de l'OuestL'OTAN

L'ancienne ambassadrice du Canada auprès de l'Otan, Kerry Buck, qui était la première femme à ce poste pour son pays, a dit que davantage de grands pays sont représentés par des ambassadrices mais que cela reste "assez déséquilibré".

"Je n'ai vu aucune réaction différente envers moi en tant qu'ambassadrice du Canada, aucun traitement différent, aucune dévalorisation de ma voix," a-t-elle déclaré à Euronews. 

"Mais je pense qu'il y a une différence dans la façon d'atteindre ces postes dans les différents pays."

"Des différentes perspectives conduisent à des décisions différentes"

Karin Johnston, chercheuse pour l'organisation Women in International Security à Washington, a souligné qu'une "mixité de voix, de l'expérience et de compétences" est importante pour avoir de meilleures décisions.

"S'il n'y a que des hommes blancs, ils peuvent tous arriver à la même conclusion parce que tout le monde pense la même chose," selon la chercheuse.

En 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution réaffirmant "le rôle important que les femmes jouent dans la prévention et le règlement des conflits".

La résolution a également souligné l'importance qu'elles participent sur un "pied d'égalité" aux efforts visant à maintenir la paix.

Karin Johnston a ajouté que des rapports universitaires et des analyses statistiques ont montré l'importance de la diversité dans les négociations de paix.

Ainsi, une analyse statistique publiée dans un rapport du International Peace Institute en 2015 a montré que la participation des femmes aux processus de paix augmentait la probabilité qu'un accord soit durable. Pourtant, selon un rapport de l'ONU, entre 1992 et 2019, les femmes représentaient seulement 13% des négociatrices d'accords de paix, 6% des médiateurs et 6% des signataires.  

La participation des femmes dans les discussions ne changera pas radicalement les conversations, Kerry Buck, mais les expériences de femmes diplomates restent différentes que celles des hommes et doivent être prises en compte.

"Il est absolument vital d'avoir les voix des femmes qui ont vécu des expériences différentes dans les discussions de la paix et de la sécurité", explique l'ancienne ambassadrice du Canada auprès de l'Otan.

Virginia Mayo / POOL / AFP
Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, à droite, s'entretient avec la représentante permanente de la France auprès de l'OTAN Muriel DomenachVirginia Mayo / POOL / AFP

L'égalité des sexes "inégalement répartie"

En 2021, Karin Johnston a écrit que si l'Union européenne progressait sur la question de la parité grâce à sa stratégie en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, les réalisations ont été "inégalement réparties et mises en œuvre" dans les domaines de la politique étrangère et de la sécurité.

L'un des objectifs de la stratégie de l'UE est de "parvenir à un équilibre hommes-femmes dans la prise de décision et en politique."

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Selon la chercheuse, l'un des principaux problèmes est la difficulté de trouver des données sur l'écart entre les femmes et les hommes.

Ce manque de chiffres fait partie des raisons qui ont incité l'eurodéputée allemande des Verts Hannah Neumann à lancer la campagne #Shecurity.

Selon un rapport de cette campagne en 2022, les femmes restent largement sous-représentées au niveau mondial dans l'armée et la police, avec une moyenne de 154 ans nécessaires pour atteindre la parité hommes-femmes dans les armées mondiales.

Le rapport ajoute qu'en 2022, les femmes représentaient 26,2 % du personnel total des missions civiles de l'UE. Seuls 23,1 % des postes d'ambassadeurs étaient occupés par des femmes.

Encourager les femmes dans ces secteurs

Karin Johnston a ajouté qu'il est important aussi de faire en sorte que les femmes puissent progresser dans leur travail en étant promues et avec des services comme la garde d'enfants.

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Mais il s'agit également des domaines vus traditionnellement comme masculins ce qui amènent les femmes aussi à l'autocensure, selon l'ambassadrice.

"À l'époque, ceux qui nous recrutaient nous disaient franchement la diplomatie, les affaires de sécurité et de défense, ça n'est pas pour les femmes. Vous ne pourrez pas avoir de famille, vous devrez choisir," nous a dit Muriel Domenach.

Mais elle a souligné que "les représentations mentales évoluent et la représentation des femmes progresse" même si la route est longue.

Elle a ajouté qu'un élément qui a changé est le remplacement des personnes en congé maternité ou parental, ce qui représente une évolution par rapport à ses débuts dans la diplomatie.

"C'est important d'avoir davantage de mixité, pour les raisons à la fois d'égalité et d'efficacité", a déclaré l'ambassadrice.

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